Un monde sans cash pour un monde sans récession !

Par Michel Santi  |   |  815  mots
Michel Santi DR
Et si les Banques centrales avaient la solution pour redresser l'économie depuis le début de la crise ? Pour Michel Santi, instaurer des taux d'intérêt négatifs remettrait l'économie sur les rails, mais pour cela, il faut d'abord supprimer le cash.

Seules les banques centrales disposent encore des munitions nécessaires pour combattre les récessions. Du fait de la carence de volonté - ou de courage ? - politique de la part de celles et ceux qui nous gouvernent et qui s'avèrent incapables de stimuler l'activité par des mesures fiscales et budgétaires adaptées. De fait, la force de frappe des banques centrales peut redresser une économie, redonner des emplois aux chômeurs, faire tourner les usines… Leur politique monétaire - à travers le levier du taux d'intérêt - gonfle en effet mécaniquement les flux de dépenses et la circulation de l'argent dans les rouages de l'économie. L'investissement redémarre, le marché immobilier prospère et la consommation s'envole dès que les taux baissent de manière sensible. C'est en tout cas sur ce modèle que se sont développées nos économies occidentales depuis le milieu des années 1970. Nulle récession ne peut en effet résister à une baisse énergique des taux d'intérêt, dont l'impact sur la reprise de la croissance est indiscutable.

Sauf que le problème se pose de manière formidablement aigüe dès lors que ce taux atteint le chiffre zéro ! Par exemple, tandis que les taux d'intérêt US - qui étaient à deux chiffres en 1981 - pouvaient amplement être réduits afin de combattre la récession, les taux japonais - autour de 1% - avaient pour leur part atteint un palier critique. Il était tout simplement impossible au Japon de soutenir son économie car ses taux d'intérêt ne pouvaient aller en-dessous de zéro ! Aujourd'hui, c'est l'Europe qui se retrouve dans une telle situation.
 

Le cash empêche les taux d'intérêts négatifs

Mais en fait : pourquoi un taux d'intérêt ne peut-il être négatif ? Car les épargnants et les investisseurs opteraient dès lors pour des billets de banque en lieu et place de conserver leur argent dans une banque qui leur prélèverait un taux négatif. C'est la monnaie fiduciaire - c'est-à-dire le cash - qui empêche fondamentalement une banque centrale de réduire son taux d'intérêt en-dessous du zéro. En effet, alors que le citoyen occidental fait aujourd'hui relativement peu usage d'espèces car il préfère régler par voie électronique ou par carte de crédit, et épargner sur un compte bancaire rémunérateur.

Si sa banque devait lui prélever une taxe, il n'hésiterait pourtant pas à retirer son argent pour le stocker dans un coffre, ou sous un matelas. A moins qu'il ne lui soit plus possible de retirer ses espèces ? A moins que, si toutes les transactions deviennent obligatoirement électroniques, il soit contraint de dépenser son épargne si son souci est d'éviter de payer un taux négatif à sa banque ? Auquel cas, la société aura une fois pour toutes conjuré tout risque de récession. Pour combattre le chômage ou le ralentissement de l'économie, il suffirait effectivement de rendre négatif le taux d'intérêt directeur. Dès lors, la consommation, l'investissement et la croissance reprendraient, et le chômage reviendrait à son niveau naturel…
 
Supprimer toutes les espèces

Est-ce à dire que nous sommes condamnés à subir les récessions et, ce, tant que l'argent fiduciaire n'aura pas été éliminé ? Certes non, puisque les stimuli budgétaires comme les pressions inflationnistes sont susceptibles de parvenir au même résultat, une inflation plus élevée étant plus ou moins l'équivalent d'un taux d'intérêt négatif. Brad DeLong, économiste à Berkeley, n'a-t-il pas même suggéré de combiner un taux d'intérêt négatif à une loterie qui invaliderait à intervalles réguliers des numéros de série de billets de banque ?

Dans un tel cas de figure, toute récession serait très rapidement jugulée par une relance de la consommation et de l'investissement de la part de citoyens qui seraient dès lors confrontés à deux choix : payer une taxe sur leur compte bancaire ou dépenser leurs espèces menacées d'être disqualifiées ! Sans aller vers de telles extrêmes, la suppression de toutes les espèces est la solution la plus simple et la plus élégante pour lutter contre le ralentissement de l'activité économique. Et nous y viendrons prochainement, car une société sans cash est une société sans récession !

*Michel Santi est un économiste franco-suisse qui conseille des banques centrales de pays émergents. Il est membre du World Economic Forum, de l'IFRI et est membre de l'O.N.G. « Finance Watch ». Viennent de paraître : une édition étoffée et mise à jour des "Splendeurs et misères du libéralisme" avec une préface de Patrick Artus et, en anglais, "Capitalism without conscience".