Les touristes français qui boudent l’Egypte sont-ils peureux ?

Par Laurent Guéna, Rédacteur en chef adjoint du Quotidien du Tourisme  |   |  687  mots
Le tourisme français a chuté en Egypte depuis le printemps arabe
Depuis le printemps arabe, le nombre de touristes français dans de nombreuses destinations du Monde arabe a chuté, même dans les pays marqués par une stabilité politique.

Commentant les piteux résultats des voyagistes qui programment l'Egypte, un représentant d'un tour-opérateur a eu cette formule : "le touriste français fait de la géopolitique et il est têtu". C'est une réalité : les Français boudent les Pyramides et les croisières sur le Nil depuis le printemps arabe. Un responsable d'un réseau d'agences de voyages confie en "off" : "en tant que citoyen je suis pour la démocratie. En tant que professionnel du tourisme, je suis content que les militaires aient repris les choses en main". C'est ainsi : le touriste et le tourisme, à quelques exceptions près, s'accommodent des dictatures et il est loin le temps où le guide du Routard publiait son guide Autriche en noir et blanc pour protester contre la montée en puissance du parti de Jörg Haider, situé à l'extrême droite. C'était en 2000. C'était une première et cela reste une première. Il arrive toutefois que certains TO suppriment des destinations pour des raisons politiques : Sept et demi, un voyagiste spécialiste des pays de l'Est, a rayé la Hongrie de sa programmation.

La difficile communication sur la sécurité

Tous les journalistes spécialisés connaissent les réponses convenues des représentants de pays, concernés par des coups d'Etat ou de dramatiques faits divers, dès lors que l'on aborde les problèmes de sécurité : au mieux, ils minimisent, au pire ils nous renvoient aux règlements de compte à Marseille ou encore aux émeutes qui ont eu lieu dans nos banlieues. Dernier exemple en date, le lynchage de deux Français à Madagascar dans l'une des zones les plus touristiques de la destination. Comme le rapporte le site spécialisé Tourmag, Hery Rambeloson, directeur commercial d'Air Madagascar, est même allé jusqu'à dire que  "cette histoire ne concerne pas le monde du tourisme. Aucun hôtel n'a été vandalisé et les visiteurs se promènent comme avant dans les rues". Après une telle publicité, peut-on qualifier une famille qui annule son voyage à Nosy Be de peureuse ?

La Jordanie continue d'accueillir les touristes du monde entier, sauf les Français

Certaines destinations vont jusqu'à nous culpabiliser comme le fait la Jordanie via ce communiqué de presse : « La Jordanie s'illustre dans la région par sa stabilité politique et continue d'accueillir des touristes du monde entier, la France fait figure d'exception : au même titre que d'autres destinations du monde arabe, la Jordanie souffre à tort d'un amalgame qui pénalise les arrivées touristiques françaises. Cette frilosité ne se retrouve pas sur la plupart des autres marchés. Très bien, mais comme le fait remarquer une représentante du Sultanat d'Oman, comparaison n'est pas toujours raison : « le touriste français est un voyageur, il aime découvrir et son objectif n'est pas forcement de rester dans un hôtel au bord d'une piscine ». Il a donc peut être « l'amalgame plus facile ».

Quel tour-opérateur généraliste oserait programmer la Côte d'Ivoire?

Sans doute la raison pour laquelle, depuis 40 ans, ans, les brochures des tour-opérateurs généralistes proposent moins de destinations ? Quel tour-opérateur oserait aujourd'hui proposer la Côte d'Ivoire qui vendait ses charmes fin septembre lors du salon professionnel du tourisme IFTM Top Resa ? La Libye, aussi, était présente lors cette grand-messe annuelle. Quelques jours après, le premier ministre libyen, Ali Zeidan, était enlevé par un groupe d'anciens rebelles lui reprochant d'avoir autorisé la capture par l'armée américaine d'un responsable d'Al-Qaida. Rappelons juste une évidence : quand on part en vacances, c'est pour découvrir et se détendre et, choisir de ne pas partir en Egypte, où, nous dit Le Figaro, "au moins 50 personnes ont été tuées au Caire dimanche 6 octobre dans des heurts entre partisans et opposants du président déchu, Mohammed Morsi", peut se justifier. Alors, oui, on peut être victime de violences en France mais les lynchages sont rares et Paris, même si certains touristes sont victimes de vols, reste une capitale où les voyageurs peuvent se promener sans s'inquiéter.