Pourquoi la taxe Chirac sur les billets d'avion est quasiment parfaite

Par Jean-François Rial  |   |  1131  mots
Pour Jean-François Rial, la taxe Chirac n'est ni opaque, ni inutile, mais un impôt citoyen efficace qui a permis de prendre en charge 400 000 enfants atteints du Sida. | O. Romano
La taxe Chirac sur les billets d'avion mérite mieux que les remises en cause simplistes dont elle fait l'objet. Quasiment parfaite sur le plan économique, elle assure le financement indispensable d'aides au développement. Par Jean François Rial, président de Voyageurs du Monde

Le relèvement de la taxe Chirac, a ranimé une pluie de critiques sur le bien-fondé même de la taxe, à la fois par certains professionnels de l'aérien, mais aussi de la part de certains députés et certains économistes ultralibéraux à l'instar de M. Chassin, de l'Institut économique de Montréal dont l'analyse caricaturale a été publiée récemment sur ce site.

Évidemment, parler de taxes en France, au vu de la pluie fiscale que le gouvernement propose actuellement, n'est guère populaire. Critiquer la taxation, au contraire, est un exercice dans l'air du temps !

Pourtant, la revalorisation (12,7 %), de cette taxe de solidarité sur les billets d'avion reste inférieure à l'inflation puisqu'elle doit être ramenée aux sept années pendant lesquelles elle n'a pas augmenté.

 Le premier outil de « financement innovant »

 À la différence d'autres prélèvements, la taxe de solidarité sur les billets d'avion relève d'un contexte historique bien précis et d'une réflexion humaniste de haut niveau, bien loin des contrevérités avancées par M. Chassin.

En 2000, les Etats représentés à l'Assemblée Générale des Nations Unies, votent à l'unanimité une résolution visant à atteindre « les huit objectifs du Millénaire » en quinze ans. Ces objectifs peuvent se résumer simplement : éradiquer la très grande pauvreté et donner accès à chaque être humain au minimum vital sur le plan sanitaire et éducatif, avec une attention spéciale pour les femmes particulièrement exposées.

>> Lire aussi : "La taxe Chirac doit aussi s'appliquer au TGV" 

Chirac et Lula en première ligne

Or, pour atteindre ces objectifs, les budgets d'aide au développement des Etats ne sont à eux seuls pas viables, tant par leur montant que leur stabilité.

Ainsi, certains chefs d'état au premier rang desquels les présidents Chirac et Lula, sous la haute bienveillance de Nelson Mandela en personne, ont proposé à l'époque de mettre en place un impôt mondial citoyen, consistant à taxer des activités bénéficiant de la mondialisation et générant des ressources additionnelles pérennes à l'aide au développement. Ainsi, la taxe Chirac est le premier outil de « financement innovant ».

 Une taxe critiquée à tort

 Deux chevaux de bataille se dressent régulièrement contre cette taxe de solidarité.

Le premier, pernicieux car apparemment imparable, consiste à assurer qu'elle générerait une distorsion de concurrence au profit des compagnies aériennes étrangères. Cette taxe étranglerait donc nos compagnies nationales.

Réflexion inexacte et mathématiquement fausse. En effet, cette taxe s'applique à tous les vols au départ de France, qu'ils appartiennent aux compagnies nationales ou étrangères. Un passager volant sur Emirates ou Singapore airlines s'acquitte donc de la taxe de la même façon que sur Air France. Or, sauf à considérer que cette taxe modique empêcherait les Français de prendre l'avion au profit d'un autre mode de transport, ou que pour quelques euros de plus ils soient poussés à franchir la frontière pour partir d'un aéroport étranger, il ne peut s'agir de distorsion de concurrence !

Une taxe quasiment parfaite, sur le plan économique

Par ailleurs, le législateur a prévu d'exonérer le passager Air France en transit en France (sur un vol New York- Bombay par exemple). Cela, personne ne le rappelle. D'autre part, l'extension de la taxe à d'autres modes de transports a été proposée par mon ami Laurent Magnin (PDG de XL Airways France).

Ainsi, la taxe sur les billets d'avion est quasiment parfaite sur le plan économique : elle n'a pas d'impact sur le marché des billets d'avion, elle ne génère pas de délocalisation, ni de distorsion de concurrence. A contrario, la taxe sur les transactions financières, si elle n'est pas appliquée dans la plupart des grandes places financières, peut poser des problèmes de délocalisation si elle n'est pas techniquement bien pensée.

 Des frais de gestion modérés

La seconde critique, populiste à souhait, affirme sans preuve que les fonds collectés par Unitaid, organisme international dépendant de l'OMS, se perdraient dans les méandres de la bureaucratie onusienne. Là encore, rien de plus faux, les frais de gestion sont inférieurs à 10 %, et les rapports d'audits de la Cour des Comptes française et du gouvernement britannique affichent des résultats limpides et excellents. Par ailleurs M. Douste Blazy, président Unitaid, assure cette fonction à titre bénévole.

Des soins pour 400.000 enfants malades du sida

Sachez que la Taxe Chirac a permis de traiter les trois quarts des 400.000 enfants malades du sida soignés dans le monde. Mais il en reste 3 millions environ de non soignés…

Unitaid a également permis de faire baisser drastiquement le prix des traitements de lutte contre le Sida, et a participé au financement du premier traitement pédiatrique contre le Sida.

Ainsi, oser prétendre qu'Unitaid ne sert à rien et dépense ses fonds inutilement, est tout simplement faux et irrespectueux du travail formidable réalisé par cette organisation.

Si le concept ou la nature du produit taxé peuvent être légitimement critiqués, en revanche, évoquer distorsion de concurrence et mauvaise gestion des fonds ne résiste simplement pas à l'analyse.

 

Un facteur de développement social et économique mondial

 Ce premier impôt mondial citoyen mérite une meilleure considération. Il est l'avant-garde d'un nouvel ordre mondial dans lequel l'humanité entière considérerait collectivement le financement de "biens publics mondiaux » que sont l'éducation, la santé et le climat.

 Depuis la mise en place de la taxe Chirac, tous les chiffres comparatifs de l'évolution du trafic aérien, au départ des principaux pays développés, montrent que la France est dans la moyenne de la croissance des pays de l'O.C.D.E. D'ailleurs, qui pourrait croire qu'une taxe qui coûte 2 € en classe économique et 20 € en classe « affaires » ferait baisser le volume du trafic aérien ?

Enfin, je rappelle que la stabilité mondiale, encouragée par les différentes actions générées par cette taxe est un facteur de développement de l'industrie touristique. Ainsi, nous professionnels du tourisme, avons intérêt à une mise en ordre de la planète sur les biens publics mondiaux.

 Cette taxe mériterait un vrai débat, d'un autre niveau. Devons nous financer les biens publics mondiaux ? Si oui, quelles sont les activités mondiales autres que l'aérien qui pourraient supporter une taxe ? Cela aurait une autre allure que les critiques simplistes du multilatéralisme. Un multilatéralisme dont nous aurions pourtant plus besoin.

 

Cette tribune est une réponse à La taxe Chirac ou la dérive de financements opaques, publiée par Youri Chassin sur LaTribune.fr le 25/10/2013