"Le bitcoin, c'est de l'or numérique"

Par Propos recueillis par Adeline Raynal  |   |  594  mots
Philippe Herlin est docteur en économie et chercheur dans le domaine de la finance. Copyright: Jean-Marie Huon
Le bitcoin, cette monnaie électronique, créée en 2009 et entièrement indépendante de toute intervention étatique ou bancaire, a vu son cours atteindre un pic mardi soir. Le chercheur en finance Philippe Herlin (*) estime que cela pourrait être lié à l'intérêt croissant de Google et d'eBay pour cette monnaie.

La Tribune : Comment s'explique ce pic de valeur du bitcoin ?

Philippe Herlin : La raison fondamentale expliquant ce pic de valeur est liée aux liquidités disponibles. Le bitcoin est de plus en plus perçu comme un placement plus sûr qu'un compte bancaire et constitue un des moyens de paiement le moins onéreux possible. Du coup, de plus en plus de personnes souhaitent en acquérir mais dans le même temps, les liquidités disponibles sont limitées en quantité. L'afflux de demande provoque un goulot d'étranglement, les liquidités en circulation étant insuffisantes, et le cours du bitcoin s'emballe.

Je suis néanmoins surpris par le pic de ce mardi, je ne pensais pas qu'un tel emballement reviendrait aussi vite, après celui d'avril dernier. A l'époque, l'inflation en Argentine, les incertitudes économiques en Espagne et surtout la crise chypriote avaient provoqué un fort regain d'intérêt pour la monnaie. Cette fois, j'ignore précisément ce qui a provoqué ce pic mais cela est peut être dû au fait qu'eBay ait déclaré début octobre s'intéresser au bitcoin. D'autant que Google, qui entend concurrencer Paypal avec son service Google Wallet, s'y intéresse également. Pour ces acteurs, l'intérêt est d'avoir un coût de transaction inférieur à celui de la concurrence. Ces annonces ont pour effet de crédibiliser encore un peu plus le bitcoin… et donc en font progresser la demande et ainsi la valeur.

Quelles sont les perspectives d'évolution de la valeur du bitcoin dans les mois à venir ?

Je vois sa valeur continuer de monter. Rien ne pourra la faire chuter, j'estime que le paiement en bitcoins va prendre de l'ampleur. Il n'y a pas de risque d'inflation, le stock est connu, c'est une sorte d'or numérique en somme. Par contre, le cours de cette monnaie low cost connaît une croissance en escalier : il y avait eu un premier emballement en juin 2011, puis un second en avril 2013. Peut-être sommes nous entrés dans une troisième bulle, quoi qu'il soit surprenant qu'elle survienne aussi rapidement. A chaque fois, la demande et donc la valeur du bitcoin atteignent un pic puis rechutent mais sans revenir à une valeur inférieure à celle de départ, et, au final, sur le long terme, la valeur progresse globalement.

Des dangers planent-ils sur le bitcoin ?

Non, pas vraiment. Si on a craint précédemment une campagne de la part des États ou des banques dont le but aurait été de décrédibiliser le bitcoin, aujourd'hui il est trop tard. Les États ne peuvent plus contrôler cette monnaie et les banques la voient d'un mauvais œil car elle leur fait de la concurrence, mais le bitcoin a pris une telle ampleur qu'il n'est désormais plus possible de passer à côté.

L'un des arguments avancé était que le bitcoin était une monnaie utilisée par la mafia. Or, la fermeture du site Silk Road le 2 octobre dernier n'a pas durablement fait chuter son cours, preuve que ce qui construit la croissance de cette monnaie est son côté spéculatif et d'être un moyen de paiement, et non son utilisation dans le cadre d'activités illicites. Pour couronner le tout, l'Allemagne a reconnu officiellement le bitcoin au mois d'août. Tout ceci le légitime et l'institutionnalise.

 

(*) Philippe Herlin est l'auteur du livre numérique "La révolution du bitcoin et des monnaies complémentaires, une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro?", paru en mai 2013.