Assurance chômage : un bon accord

Par Gilbert Cette  |   |  781  mots
L'accord réformant l'assurance chômage permet une vraie adaptation de l'indemnisation aux réalités actuelles du marché du travail, avec la mise en place de droits rechargeables. Il était difficile d'aller plus loin dans la recherche de l'équilibre financier, sans remise en cause du régime des intermittents. Par Gilbert Cette, professeur associé à l'Université d'Aix Marseille*

L'accord Signé par les partenaires sociaux le 22 mars, réformant la convention du national Régime d'Assurance Chômage (RAC), est un bon accord, à divers titres. Soulignons tout d'abord que, concernant les syndicats de salariés, il a été signé par la CFDT, FO et la CFDT.

Une forte légitimité

Ces trois syndicats représentent ensemble plus de 58 % des suffrages dans la mesure d'audience des syndicats représentatifs au niveau interprofessionnel. La légitimité de cet accord est donc très grande, mais on peut regretter en creux que la CGT confirme son positionnement dans une logique d'opposition simple qui témoigne d'un refus de prendre toute responsabilité pour réformer notre pays et l'adapter aux transformations économiques et sociales. On peut aussi regretter que la CGC ait abordé cette négociation avec une logique uniquement catégorielle, sans prendre en compte l'équilibre global d'un possible accord.  

 Une adaptation aux réalités du marché du travail

Une qualité de cet accord est d'adapter le RAC aux réalités actuelles du marché du travail. La principale disposition allant dans ce sens est l'instauration de droits rechargeables, qui visent à éviter que des chômeurs refusent des opportunités d'emploi trop incertaines ou risquées à leurs yeux, de peur de perdre leurs droits acquis à indemnisation. Cette disposition était prévue dans l'ANI du 11 janvier 2013. A comportements de recherche d'emploi inchangés, elle devrait couter 400 millions d'euros par an au RAC, mais le changement de comportements qu'elle pourrait induire devrait abaisser ce coût, voire peut-être l'annuler complètement. Le bilan qui devrait être fait dans quelques mois de cette réforme sera sur ce point riche d'enseignements.

 Le différé d'indemnisation pour les cadres: une mesure équilibrée

L'accord allonge les différés d'indemnisation pour les chômeurs ayant bénéficié d'indemnités supérieures à leur niveau légal. Cette disposition parait équilibrée : de nombreux licenciements ou ruptures conventionnelles s'accompagnent, pour les cadres essentiellement, d'indemnisations qui justifient un décalage d'indemnisation chômage. Elle devrait rapporter 140 millions d'euros par an. Par contre, on peut regretter la baisse (de 57,4 % à 57 %) du taux d'indemnisation des chômeurs dont le dernier salaire mensuel était supérieur à 2000 euros, cette disposition devant rapporter 90 millions d'euros. Une telle disposition réduit encore la dimension assurantielle du RAC et contribue, certes légèrement, à une recherche plus hâtive et sans doute parfois moins adaptée d'un nouvel emploi par les cadres chômeurs.

 Baisse du déficit structurel des intermittents du spectacle

Mais surtout, cet accord prévoit de réduire le déficit structurel (qui atteint environ un milliard d'euros par an sur les 15 dernières années) du régime d'indemnisation des intermittents du spectacle (Annexes 8 et 10). Concrètement, leur taux de contribution est augmenté de 2 points et le cumul entre indemnisations et revenus d'activité est abaissé, ces deux dispositions rapportant plus de 160 millions d'euros par an. Une telle orientation parait légitime : la dette du RAC (environ 22 milliards d'euros fin 2014) s'explique pour au moins 75 % par le déficit structurel de l'indemnisation des intermittents sur les 15 dernières années.

 Un solde amélioré de 400 millions d'euros par an

Au total, l'ensemble des dispositions de cet accord devraient contribuer à améliorer le solde du RAC d'environ 400 millions d'euros par an. Bien sûr, par rapport au déficit prévu de quatre milliards pour la seule année 2014, cet effort peut paraitre faible. A cela, deux réponses doivent être faites. La première est qu'il est normal que le RAC connaisse un déficit en période de basse conjoncture et de chômage massif, comme actuellement, à condition que ces derniers soient contrebalancés par des excédents en période de forte conjoncture. Ensuite, et en rapport avec ce dernier point, on peut légitimement s'interroger sur le financement structurel des activités culturelles. Le RAC doit-il contribuer à ce financement structurel ? Ou est-ce plutôt le rôle de l'Etat ?

 Difficile d'aller plus loin vers l'équilibre sans remise en cause du régime des intermittents

Plusieurs membres du gouvernement avaient clairement laissé entendre que la négociation du RAC ne devait pas remettre en cause le régime spécial des intermittents. Dans ce cadre, il est normal que la négociation n'ait pas réellement fait sienne la nécessité d'un équilibre financier du RAC sur le long terme. A chacun ses responsabilités, et par l'accord qui vient d'être conclu, les partenaires sociaux ont montré qu'ils prenaient les leurs.

 

 * : Gilbert Cette est Professeur associé à l'Université d'Aix-Marseille. Il est, avec Jacques Barthelemy, auteur de « Refonder le droit social », La Documentation Française, 2ème édition, décembre 2013.