Une France sous domination allemande

Par Michel Santi  |   |  754  mots
Alors que le ministre allemand des Finances fait la leçon à la France sur la hausse des salaires, seule une politique d'investissements massifs en Europe permettrait de nous sortir du marasme

La France serait-elle désormais le 17ème Land allemand ? Invité à l'université d'été du Medef, le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, outré par les salaires français décidément trop élevés, est donc venu dans son 17ème Land afin d'y prodiguer ses consignes. Et tant pis si le paquebot-Europe chavire et que nous devenions la risée du monde entier, comme l'illustre la dernière couverture de l'hebdomadaire "The Economist", ayant réalisé un photomontage en une comprenant Angela Merkel et François Hollande debout sur un bateau confectionné à partir d'un billet de vingt euros visiblement en train de sombrer, et n'ayant aucun égard pour Mario Draghi qui tente désespérément d'écoper pour éviter le naufrage.

 Une Europe qui coule à pic

Après tout, l'honneur n'est-il pas sauf avec un taux d'inflation de 0.4% pour le mois de juillet dernier ? C'est-à-dire en-dessous du seuil maximum toléré de 2%, ainsi que l'annonce fièrement le dernier bulletin de la BCE. Que Schäuble, Merkel et Hollande soient donc sans crainte : la BCE n'entreprendra aucune baisse de taux quantitatives. Pour la simple et unique raison que, aujourd'hui - en septembre 2014-, plus aucun programme de création monétaire ne serait désormais en mesure de sauver cette Europe qui coule à pic ! Un assouplissement supplémentaire de politique monétaire aurait certes un impact positif sur l'octroi de nouveaux crédits. Pour autant, la consommation européenne qui reste anémique - voire qui recule davantage du fait d'une inflation quasi nulle - neutralisera tous les effets bénéfiques de ces hypothétiques baisses de taux quantitatives.

 Une politique d'investissements massifs pour rétablir nos économies

Aujourd'hui, seuls les investissements publics, menés au niveau de l'Union, sont encore susceptibles de renverser la vapeur, c'est-à-dire de se mesurer à la Grande Dépression Européenne et de juguler la spirale déflationniste. Pour ce faire, l'Union devra émettre un ambitieux programme d'Eurobonds, destiné par exemple à financer un vaste plan de transition énergétique, tout en faisant abstraction du critère des 3% de déficits. Il y a du reste fort à parier qu'une détermination à relancer l'activité économique de la part des autorités européennes serait bien accueillie par des marchés financiers qui s'accommoderaient dès lors aisément de cette escalade des déficits, lesquels seraient nécessairement provisoires et seraient résorbés par une politique contre-cyclique dès le retour d'une croissance robuste. C'est donc une volte-face fiscale et budgétaire au niveau de l'Union ou d'un groupement de pays de l'Union, et c'est donc une authentique politique d'investissements massifs qui permettront le rétablissement de nos économies, bien plus et bien mieux qu'une action de la BCE, désormais impuissante car trop tardive...

 Une dépendance à l'égard du reste du monde

Au lieu de cela, et sous l'intense pression allemande, cette Union se résigne à tenter de trouver à travers ses exportations cette croissance qu'elle n'est plus capable de générer intérieurement par sa consommation. Au risque d'être de plus en plus dépendante de la croissance du reste du monde. Comme l'est du reste l'Allemagne qui subit aujourd'hui le contre coup de la crise russo-ukrainienne avec un P.I.B. négatif de 0.2% au trimestre dernier, elle dont les exportations vers la Russie s'effondrent et qui subit un déclin inquiétant du moral de ses entrepreneurs. Car ce n'est évidemment pas à l'intérieur que l'Allemagne pourra chercher ni trouver son salut, elle dont seulement 19 trimestres sur 72 depuis 1999, ont vu la consommation intérieure progresser plus rapidement que le P.I.B. (source Eurostat). Il est facile, aujourd'hui, de blâmer Putin ou le ralentissement chinois, responsables - aux yeux des allemands - du tassement de leurs exportations.

 Une Europe condamnée à un second rôle

Il est néanmoins incontestable que cette dépendance envers les exportations représente une faiblesse structurelle majeure pour un pays incapable de trouver à l'interne les ressources suffisantes pour parvenir à une croissance pérenne. Est-ce là le modèle que l'Allemagne s'attache à imposer à l'ensemble de l'Union? Doit-on se résigner à ce que la prospérité européenne soit greffée sur la croissance du reste du monde et que l'on soit systématiquement redevables de notre train de vie aux autres ? Choisir et adopter ce modèle allemand nous placerait bien-sûr dans un état de fragilité économique permanente. Mais il condamnerait également l'Europe à n'être - politiquement - qu'un second rôle.