Assureurs  : pourquoi vous désolidariser de nos retraites  ?

Par Sylvain de Nombel (*)  |   |  706  mots
(Crédits : DR)
OPINION. Le projet de loi instituant un système universel de retraite a pris du retard en raison de la crise sanitaire. Les assureurs ont choisi de moment pour remettre en cause les règles de répartition du financement des retraites des agents généraux d'assurance en vigueur depuis 1952. Un signal inquiétant pour la profession... et pour tous nos concitoyens. Par Sylvain de Nombel, Président de la caisse de retraite des agents généraux d’assurance Cavamac (*).

Les agents généraux d'assurance sont un peu les médecins généralistes de l'assurance, ils ont un lien de proximité et de confiance avec les Français et les entreprises confrontés à une problématique d'assurance.

Ils sont le visage humain et rassurant d'un secteur parfois incompris, on l'a vu ces derniers mois avec des compagnies d'assurances confrontées par temps de la Covid à la détresse de restaurateurs à la perte d'exploitation intenable, ou encore à la grogne de millions d'automobilistes attendant un geste sur leurs primes alors que leurs véhicules étaient restés au parking pour cause de confinements successifs.

Après des années de forte concentration à l'initiative des compagnies d'assurances et de réduction de nos effectifs, le modèle économique de l'agent général d'assurance est maintenant stabilisé avec 12.000 femmes et hommes particulièrement performants alors que de nouveaux acteurs ont émergé, bancassureurs ou pure players.

L'élection présidentielle sera l'occasion pour tous les candidats de se positionner sur l'avenir des retraites en France. Le projet de loi instituant un système universel de retraite, soumis dès 2020 au Parlement sous le régime procédural accéléré, a depuis marqué le pas pour cause de pandémie mondiale, les pouvoirs publics étant prioritairement mobilisés par l'urgence sanitaire et le déploiement du « Quoi qu'il en coûte » théorisé par le président de la République pour accompagner les salariés et les entreprises dans la crise.

C'est curieusement le moment choisi par les assureurs pour envisager de quitter sur la pointe des pieds les règles de répartition du financement des retraites des agents généraux d'assurance telles qu'elles existent depuis 1952 et, finalement, mettre en grave danger un régime sain et géré en bon père de famille. En clair, pour les assureurs, peu importent les 12.000 actifs travaillant aux côtés des compagnies d'assurances, peu importent les 28.000 retraités, dont près de 9.000 pensions de réversion, ou peu importent encore les 8,5 milliards de droits constitués. Il faut changer !

Conséquence : à défaut d'un retour vers une position raisonnable, voire responsable, les agents généraux d'assurances auraient le choix entre une augmentation de plus de 50% de leurs cotisations ou une baisse du tiers de leurs pensions de retraite.

Cela, le gouvernement ne peut pas le permettre, alors que le projet de loi « Retraites » prévoyait justement de pérenniser la contribution conventionnelle historique des compagnies d'assurances à nos retraites, dans une juste répartition du financement de notre régime entre agents généraux d'assurances et compagnies d'assurances.

Cela, les compagnies d'assurances ne peuvent pas se le permettre, qui auraient recours, en même temps, à un réseau de terrain d'agents généraux d'assurances entrant plutôt tardivement dans la profession, à 40 ans, et leur dire :

"Le secteur de l'assurance c'est l'avenir, mais vos retraites on s'en lave les mains..."

Cette incohérence ne manquerait pas de poser un problème d'attractivité insoluble à AXA, Allianz, MMA, Aviva, GAN, Generali, Swiss Life, etc. On le sait, les compagnies d'assurances militent pour le développement en France d'une part plus dynamique des retraites par capitalisation. La mésaventure des agents généraux d'assurances signe la tentation du basculement vers un modèle qui n'est pas conforme au pacte social français.

Ce serait venir ajouter à la double peine pesant déjà sur les agents généraux d'assurances qui, avec un taux représentant près du quart de leurs revenus, ont le niveau de cotisation le plus élevé avec les personnels navigants... mais parmi les moins rentables parmi les retraités français : 1 euro de retraite coûte 20 euros dans le régime universel, un peu plus de 25,5 euros pour notre profession.

C'est un signal inquiétant pour tous nos concitoyens, signal auquel tous les responsables politiques doivent prêter attention. Les agents généraux d'assurances ne sont en effet pas des nantis, que l'on viendrait mettre au pas : notre âge de départ à taux plein est à 67 ans, pour une pension moyenne annuelle en droits propres de 17.352 euros, soit 1.446 euros bruts mensuels, elle est en moyenne de 1.503 euros bruts mensuels pour les Français.