Campagne de Brousse : Une chatte n'y retrouverait pas ses petits  !

Par Jean Brousse  |   |  634  mots
(Crédits : Jean Brousse LT)
CHRONIQUE. Ingénieur, éditeur, observateur attentif des sociétés, du monde et des gens, Jean Brousse, corrézien, bretteur de mots, a publié "Deux mois ferme", collection de ses chroniques quotidiennes du confinement. En cette année présidentielle, il tient dans La Tribune une revue de la crise politique et sanitaire, intitulée comme il se doit Campagne de... Brousse.

La campagne suivait finalement son cours tranquille, presque un long fleuve. Voilà qu'elle se réveille, à force d'emprunts mutuels de thèmes de fond et de multiples commentaires sur la forme. Depuis quelques week-ends, les « meetings » formatés se succèdent, au point désagréable d'empiéter sur les retransmissions dominicales des matches du tournoi des six nations.

Les « grands débats » télévisés se télescopent, concurrents, mais semblables, autour de promesses de tournants cruciaux qui font à peine bouger les courbes des intentions de vote, obligeant les exégètes récurrents à commenter des demi-points non significatifs ou des postures plus ou moins travaillées au « media-training ». Marine le Pen et Jean-Luc Mélenchon se seraient adoucis. Eux se disent fin prêts. Valérie Pécresse écartelée entre ses lieutenants a paru à certains mal à l'aise en public et Anne Hidalgo... mais où est Anne Hidalgo ? Christiane Taubira reste héroïque dans la tourmente et Z zemmourize, il ne sait faire que ça. Jean Lassale, paisible et imperturbable, a sans cinq cents signatures. Ouf.

Le feuilleton s'anime tout d'un coup, parfois un coup bas, parfois un coup de tête. Éric Woerth qu'on n'avait pas vu venir rejoint la macronie, Ségolène Royal encense Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Bay rejoint Éric Zemmour dans un halo de roman d'espionnage. Il y a des défections et des ralliements, des agents doubles, des déserteurs et des traitres. Comme disait ma grand-mère : « une chatte n'y retrouverait pas ses petits ». Peut-on leur accorder quelque crédit ? On était dans la rudesse rugueuse et lucide de François Mauriac, on est passé par les observations attentives, patientes et contemporaines de Michel Houellebecq et on aborde enfin John le Carré.

Manque plus que le Président toujours pas candidat et qui finit son travail de Président. Plus que cinquante jours. Il aura peut-être contribué à la décrue toute relative de la crise russo-ukrainienne, à confirmer ! Personne ne sait ce que Vladimir Poutine, empêtré entre sa vision du monde et les dures réalités de son terrain, remugle dans sa tête.

Quels sont ses vrais projets et que va-t-il réellement faire ? Bien malin qui peut le dire. Le Président aura décidé de quitter dignement le Mali, tout en confirmant l'engagement de la France dans la lutte anti-terroriste au Sahel. Au plan intérieur, il est au bord d'avoir terrassé le méchant virus. Il se satisfait des bons indicateurs économiques du pays. Puissent tous les Français les apprécier.

Depuis cette semaine, nous pouvons retrouver les plaisirs du petit noir au comptoir du café du coin, et nous éclater comme des fous dans les discothèques heureuses d'avoir enfin rebranché leurs platines. On ne sait plus trop quoi faire de nos masques et le bon président Jean-François Delfraissy annonce pour bientôt la disparition du passe sanitaire.

Emmanuel Macron peut ranger ses dossiers. Il en est temps. Le terrain est déblayé, mission presque accomplie, sous réserve bien sûr d'une surprise impromptue de dernière minute. On en a vu d'autres ! Nos concitoyens lui en sauront-ils gré et lui renouvelleront-ils son CDD ? de Georges Clémenceau et de Winston Churchill à Charles de Gaulle, on a connu des vainqueurs qu'on ne voulait plus voir à la sortie de la guerre.

Plus que cinquante jours avant le premier tour des élections présidentielles, et plus que quinze jours pour se déclarer. Le dénouement attendu du suspens éprouvant devrait aboutir dans les jours qui viennent. Il rejoindrait alors les autres qualifiés pour un sprint haletant. Manquerait plus qu'un beau soleil se réveille et qu'un printemps précoce montre le bout de son nez. Attention quand même aux giboulées.