Campagne de Brousse : on ne change pas les règles du jeu au milieu du match

CHRONIQUE. Ingénieur, éditeur, observateur attentif des sociétés, du monde et des gens, Jean Brousse, corrézien, bretteur de mots, a publié "Deux mois ferme", collection de ses chroniques quotidiennes du confinement. En cette année présidentielle, il tient dans La Tribune une revue de la crise politique et sanitaire, intitulée comme il se doit Campagne de... Brousse.
(Crédits : Jean Brousse LT)

Rien, rien, rien, certes sans son accent, mais avec un sympathique salut à Jean-Michel Apathie, rien, rien, rien sur les titres de la presse quotidienne régionale ou nationale qui signale quelque frémissement de l'opinion, quel qu'intérêt pour les débats en cours, hors des préoccupations super-locales. Quelques chahuts à Nantes et au Mans, les préparatifs du jubilée de la reine Elizabeth II au Royaume uni, quelques thèmes locaux récurrents, pouvoir d'achat, féminicides, délocalisations, et autres. Rien, rien, rien.

Seule Anne Hidalgo dans Libération, défaite par les pseudo-résultats de l'incroyable « Primaire populaire de la gauche », caraco rouge sur fond rouge, histoire peut-être de confondre le code couleur avec celui d'une rivale, Valérie Pécresse, affirme avec désespoir qu'elle est la candidate légitime de son camp. Mais qui décide, dans une République, dans une démocratie, dans une société, de la légitimité ?

Alors on débat sur les chaines d'information en continu de la quête momentanée des candidats à la magistrature suprême : la course aux parrainages. Emmanuel Macron, le seul toujours pas candidat, semble avoir fait carton plein de ses soutiens. Valérie Pécresse, Anne Hidalgo, Fabien Roussel, forts d'une organisation solidement implantée, sont évidemment au bord de les constater, ou de constater que le Conseil constitutionnel va bientôt les constater. Jadot et Mélenchon les auront, toute pleurnicherie mise à part,  et monsieur Z argue, en  appelant d'un processus qu'il juge inique, mais qui aura pourtant fait ses preuves depuis le début de la cinquième République. Pour Jean Lasalle, vieux renard enraciné depuis la nuit des temps, tout va bien, merci.

Certes, la levée de l'anonymat des parrains rend plus difficile l'engagement des tenants d'un modèle au fond démocratique. Les maires ne veulent certainement pas mettre en péril leurs projets et leurs financements par la communauté de communes ou d'agglomération, par le département ou la région, tant ils veulent satisfaire leurs concitoyens. Il en va de la responsabilité locale, garante de la stabilité des territoires, de la réalité de la décentralisation et de l'équanimité de ses animateurs. 
Les candidats eux-mêmes en font un sujet de diatribe. Et le secret sur l'avancement de leurs soutiens reste malheureusement un élément électoral bien peu pertinent. Il conviendrait plutôt que soient évoqués ou mieux, proposés, des programmes, que les électeurs aient envie de s'engager, et sachent pourquoi. Sinon, la mauvaise tentation abstentionniste rode.  Reste que la discussion sur les procédures de vote, ou d'accession aux votes, garants de la force de nos démocraties, vient sur le devant de la scène. Pourtant, même si l'on sait que ces processus sont multiples et imparfaits, même si on en connait les défauts depuis qu'ils ont été mis en place, modifiés et confirmés, chacun s'accorde à reconnaître que, comme au foot, au bridge et au scrabble, même si le débat est intellectuellement passionnant, on ne change pas les règles du jeu au milieu du match. Il en va du respect des procédures démocratiques, avec lesquels chacun a loisir de jouer. Allons droit au but, on ne gagne pas la partie en regardant trop tôt le tableau d'affichage, on ne la gagne pas non plus en contestant les règles.

Sinon, rien, rien, rien ... Les chroniqueurs professionnels, en panne de scoops, s'interrogent sérieusement : le steak frites est-il de droite ou de gauche ? On peine à se réjouir de la très discrète ouverture des jeux olympiques d'hiver de Pékin. Un « show pékinois piquant » quasi-hollywoodien dans le stade tout neuf, jaugé sous strict contrôle, confiné au paradis du zéro virus, là où le méchant microbe est apparu. L'extrême phobie exploitée par le régime local prive ces jeux de leur sens même. Les athlètes sont parqués à quelques centaines de kilomètres, sous la garde d'étranges scaphandriers blancs sortis de l'imagination d'Hergé ou Ian Flemming. L'essentiel était de participer, suggérait Pierre de Coubertin. Aujourd'hui, là-bas, seul le virus, complice des autorités locales, participe. Nous attendons la prochaine édition, sans doute dans un nouvel Eldorado plus conforme, peut-être bientôt dans un métavers domestiqué et dûment aseptisé, allez savoir.

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Commentaires 2
à écrit le 07/02/2022 à 8:45
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Oublions le liliput et parlons de l'importance. Les jeux d'été au Japon l'an dernier n'étaient pas sur les mêmes bases " hygiéniste " ? La sortie du " nous n'avons jamais cru à la stratégie du zéro covid. Le Japon fait fausse route " de l'expert en é...

à écrit le 07/02/2022 à 7:34
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Zéro virus et " extrême phobie " ( le match n'étant semble t'il pas terminé, nous verrons à l'issue de celui-ci qui aura eu raison, rassuriste niais vs phobiste parano.. réponse dans 5 ans ? 10 ans ? ) n'est pas l'apanage de la Chine exclusivement ma...

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