Comment déclarer ses cryptomonnaies aux impôts ?

Par Claire Desombre (*)  |   |  2671  mots
(Crédits : Ledger)
OPINION. La déclaration d’impôts est à rendre dans quelques jours... 2020 ou la déclaration sur les plus-values des cryptomonnaies (bitcoin, ethereum, etc.) pour tous les foyers fiscaux français. Retours d’expériences "made in crypto". (*) Par Claire Desombre, consultante Blockchains Projects.

Après avoir ignoré, moqué, hué, voire empêché l'achat du bitcoin, cette monnaie qui repose sur un protocole d'échanges en blockchain, et d'autres cryptomonnaies, Bercy attend désormais les déclarations des plues-values de ces aventuriers d'hier, résistants d'aujourd'hui, visionnaires de demain, sages d'après-demain pour rafler la mise de 2019.

Rappel sur la Flat Tax

- Depuis, le 1er janvier 2018, les spéculateurs de tous types -dont ce n'est pas l'activité professionnelle- sont soumis à la Flat Tax.

- La "Flat Tax" est le petit nom de ce nouveau Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) : une « taxe forfaitaire » ou un « impôt à taux unique » imposant tous les contribuables le même taux forfaitaire de 30 % (12,8% d'impôt sur le revenu auxquels s'ajoutent 17,2% de prélèvements sociaux), sur la plus-value globale de toutes leurs opérations imposables réalisées au cours de l'année. (Soit la reprise de la méthode de calcul du PEA).

- La Flat Tax installe un raisonnement plus simple pour calculer et s'acquitter de ses impôts en 1 fois, MAIS sans possibilité de déduction fiscale, ni d'abattement, ni d'imposition à barème progressif, ni de déduction ou de report de perte sur l'année suivante.

Informations basiques nécessaires avant déclaration de cryptomonnaies aux impôts

Pourquoi déclarer vos crypto aux impôts ? Parce que...

  • rien n'est plus traçable qu'1 crypto
  • rien n'est plus traçable qu'1 euro déplacé d'un compte bancaire ayant votre identité à une plateforme d'échange (exchange) appliquant un KYC (Know Your Customer)

Tracfin, le Big Brother français de la déclaration automatique suit tout mouvement d'argent

Depuis le 9 mai 1990, l'État s'est doté d'une cellule de renseignements financiers de type Big Brother.

Tracfin est un organisme rattaché au ministère de l'Economie et des Finances qui impose à toutes les banques de pouvoir reconstituer l'ensemble des transactions faites par une personne physique ou morale. (Tracfin : le service permettant le Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits FINanciers clandestins).

C'est pourquoi vous n'avez pas besoin de déclarer vos comptes posés sur des exchanges français (tels Kepler, Paymium, Coinhouse, etc. ) car Tracfin leur impose de le faire avant vous.

C'est la vente de cryptomonnaies qui génère votre impôt

Les transactions ne sont imposables que lors de leur passage à l'euro, le dollar, le franc suisse ou autre monnaie nationale (même si l'argent reste sur la plateforme d'exchange sans bouger).

C'est pourquoi l'expression "Hodler" (de l'anglais to hold, garder) = Garder ou Ne Pas Vendre = Zéro conversion en Fiat = Zéro +/- value = Zéro déclaration. Donc, égal "zéro impôt".

Les activités occasionnelles sont soumis à la taxation forfaitaire de la flat tax à 30% et les activités des acteurs professionnels sont soumis à d'autres réglementations fiscales où les gains sont imposés avec des taux relevant des BIC (ex: trading, lending, etc) ou des BNC (ex: minage, masternode) et autres...

Reste-t-il des choses à ne pas déclarer cette année ?

Oui ! mais pas de fausse joie... l'an prochain ce sera corrigé

  • Les Sécurité token, car ce sont des instruments financiers (le Security token est distribué lors d'une prise de participation d'un investisseur dans un projet, qui reçoit alors un jeton qui a le statut de valeur mobilière comme un titre ndlr)
  • Les NFT (pour Non Fungible Token; ces jetons qui sont uniques et identifiables ndlr)... actuellement il y a un vide juridique autour de ce type de crypto tout compte fait... très physique.
  • Les Stablecoins (dont la valeur est stable car basée sur un autre actif, traditionnellement une monnaie fiduciaire ndlr)... aussi en plein vide juridique mais on s'attends à des mesures très précises sur les échanges crypto/stablecoin ou échanges stablecoin/stablecoin et échanges stablecoin/fiat
  • Pas de taxe sur les plus values réalisées, si le total des cessions = ventes est inférieur à 304 euros/an. Autrement dit: à partir de 305 euros de VENTE de crypto sur 1 année fiscale, tout BENEFICE crypto sera taxé.

Quels sont les éléments d'une déclaration d'impôts avec crypto ?

Présentation succincte de 3 (ou 4) actions qui coûtent chères en cas d'oubli :

  • sur la page Annexe de la déclaration fiscale : 0 ou 1 ou 2 petites cases à cocher + les renseigner sur les formulaires Cerfa + les reporter dans les bonnes cases
  • sur le Cerfa n* 3616-bis : déclarer vos comptes bancaires hors de France, qu'il s'agisse de comptes Fiat, cryto, et pseudo-crytpo (cf Tarckfin)
  • sur le Cerfa n* 2086 : reporter les détails de vos cessions de crypto vers Fiat (= vos ventes crypto vers Fiat) qui prouveront les +/- values à reporter sur la feuille d'impôts Cerfa n*2042-C
  • sur le Cerfa n*2042 C : indiquer vos gains réalisés, c'est à dire dès qu'ils sont convertis du monde de la crypto au monde de monnaie légale, dans la bonne case ... 3AN et 3BN

Attention, il s'agit bien de 3 obligations légales différentes : déclarer ses exchanges-comptes bancaires en cryto + déclarer les gains imposables en actif-numériques dans la déclaration de revenus + présenter toutes les transactions passées qui justifieront cette déclaration !

Page Annexe de la déclaration : les 0, 1, ou 2 cases à cocher

Commencez par cocher -donc déclarer- les actions à déclarer, avant de remplir les Cerfa et d'y reporter les valeurs dans les bonnes cases sur les feuillets des impôts

Le Cerfa 3916-bis : Déclaration d'exchange pour achat crypto à l'étranger

Déclarer vos comptes bancaires hors de France est une obligation qui concerne tous vos comptes, qu'ils soient de crypto, pseudo-crypto et Fiat, si ouverts depuis 2019.

1er soucis .... trouver les informations est encore plus difficile que Bercy ne se l'imaginait !

  • les informations au sujet des plateformes d'échanges Kraken et CoinBase : c'est plutôt simple (attention: Coinbase, Coinbase Pro (ex-GDAX) et Coinbase Prime sont bien 3 exchanges différents)
  • pour Binance... no comment tellement c'est muet !
  • pour les numéros de compte... C'est pire... quand il n'y a pas de numéro de compte, on convient que c'est que c'est l'email qui sert d'identifiant !

Rappel :

Revolut et N26 sont des comptes étrangers à déclarer, que ce soit pour de la (speudo)crypto ou du Fiat.

Le Cerfa 2086 : Reporter des détails de vos ventes (= cessions) pour calculer vos +/- values

En reportant les détails de vos ventes de crypto en Fiat (= cessions), vous permettez de calculer et de prouver les +/- values à reporter sur la feuille d'impôts Cerfa 2042-C (case 3AN et 3BN)

Il faut être honnête : il y a de quoi s'arracher les cheveux... mais moins si on accepte de comprendre qu'il s'agit non pas la valeur d'acquisition de l'actif numérique vendu mais du prix d'acquisition du portefeuille dans sa globalité... c'est à dire que pour déterminer la plus-value d'un actif numérique cédé, il faut faire référence aux proportions, au quotient représentant la plus-value globale du portefeuille.

La +/- value d'une cession est obtenue par la formule :

Voici les trois étapes de la méthode de calcul :

1ère étape : ADDITIONNER tous les montants des cessions du portefeuille effectué l'année 2019.
2ème étape :

1. MULTIPLIER le prix total d'acquisition par le prix de cession.

2. DIVISER ce résultat par la valeur globale du portefeuille d'actifs numériques au moment de la cession.
3ème étape : SOUSTRAIRE le montant total de la 2de action par la 1ère action.

Concrètement, il faut télécharger les rapports Excel (ou CSV) ou faire une récupération automatique des transactions du compte via une connexion APIs sur chaque exchange ou sur les explorateurs de blockchain (Bitcoin et Ethereum), puis faire ses calculs ...

Le Cerfa 2042-C (case 3AN et 3BN) : Déclaration des +/- values réalisées sur actifs numériques

En France, un gain en crypto est réalisé dès que qu'une crypto est convertie en monnaie légale. Ces gains sont à reporter dans les bonnes cases 3AN et 3BN.

Il faut admettre qu'en France c'est un peu compliqué de déclarer ses gains... de détailler chacune des opérations imposables réalisées au cours de l'année fiscale... dès qu'une somme en crypto sort du monde de la crypto... mais pourquoi pas en FIFO, LIFO, HIFO, ABC, ou autres en fonction des cours d'achat... et quid des frais de conversion ou des frais de transactions pris en entrée et en sortie et des frais du passage de dollars à euros à dollars..? Et tellement d'autres questions arithmétiques sur le total des cessions et du solde restant.

Il faut admettre qu'en France c'est un peu compliqué de déclarer ses gains... d'autant qu'en Allemagne, Portugal, Belgique, et d'autres petites surfaces habitables... c'est la surprise de l'exonération ou du taux ZÉRO !

Bref, comment déclarer proprement ses taxes

En 1er : où sont les experts ?

Honnêtement... existe-t-il beaucoup de juristes fiscalistes ou comptables experts qui peuvent se repérer dans ces nouvelles arcanes et qui savent comment empêcher les amendes ou les redressements ?

Un début de réponse émerge depuis quelques temps sous la forme de logiciels-solutions fiscales et comptables suivi du portefeuille qui proposent à chacun de générer un rapport de taxes à payer pour ses crypto, selon les lois de son pays.

Ces 3 sociétés européennes proposent chacune une solution qui génère un rapport fiscal complet des cessions à court et long terme permettant le calcul d'impôts et d'autres services fiscaux associés :

  • Waltio.co : société française lancée en 2019, calcule les taxes des crypto selon les lois françaises seulement (à partir de 89 euros par an).
  • Koinly.io : société irlandaise lancée en 2018, calcule les taxes des crypto de très nombreux pays.
  • Coqonut.fr : société française lancée en 2018, calcule les taxes des crypto selon les lois françaises, américaines, canadiennes (à partir de 9,99 euros par année fiscale)

À partir des API ou de fichiers CVS issus des plateformes d'achat ces plateformes :

  • suivent les crypto des comptes (coinbase, binance, etc.)
  • suivent les adresses des portefeuilles
  • synchronisent les transactions et les soldes des comptes courants
  • identifient les transferts au sein des différents comptes/portefeuilles personnels
  • remontent le coût des frais à déduire

Concrètement, ces 3 solutions logicielles tracent, agrègent et reportent les informations des comptes importés pour faire les calculs de gestion réglementaires pour les services fiscaux des impôts sur les crypto-monnaies achetées/vendues. Actuellement, ces trois sociétés proposent leurs services en mode B2B ou B2B2C ou B2C.

Coqonut est la seule société à proposer une vision consolidée et globale du prix moyen de chaque actif importé dans sa solution. Ce service est inestimable car dans la folie des ICO et autres acquisitions de tokens (airdrop / transferts inter crypto / intérêts composés / rewards, etc.), aucun investisseur n'est capable de connaître le prix moyen d'achat de chacune de ses crypto dans son panier global !

En 2d : des amendes ne sont pas proportionnelles aux difficultés rencontrées pour avoir tenté d'être honnête

Il faut oser préciser que la fiscalité des crypto-monnaies en France est un calvaire.

Il faut oser rabâcher que c'est difficile, aventurier et qu'en cas d'erreur -involontaire- l'erreur est soumise à des amendes quasiment léonines, de léonin "lorsque les charges ne sont supportées que par une seule des parties alors que l'autre en tire tous les avantages", soit en français dans le texte : quand le lion mange tout cru l'agneau...

En effet, ces amendes sont vraiment rudes étant données la difficulté à obtenir les informations de nombreuses plateformes d'échanges elles-mêmes (dénomination, adresse, et même identifiant !) ou pour trouver du 1er coup comment départager des comptes d'usage privé ou d'usage professionnel, un compte simple ou un compte joint, ou simplement pour inscrire ces informations dans les cases des formulaires Cerfa qui ne sont pas encore adaptés au fonctionnement de ce mondes !

Cela donne : amende de 750 € par compte non déclaré ou de 125 € par omission ou inexactitude, et amende de 1 500 € par compte non déclaré et 250 € par omission ou inexactitude, si la valeur des comptes d'actifs numériques est supérieure à 50 000 € [CGI, art. 1736].

Conclusion sur les taxes

Allez... c'est dur mais on y croit à la crypto en France !

Allez... on se donne rendez-vous pour l'année prochaine avec son lot de nouveauté made in Fisc 2021.

Il y aura forcement d'autres informations sympas pour redresser les points flous d'aujourd'hui ou ceux pas encore figés tels :

  • l'achat de stables coins sur cours de crypto montant/descendant (pas backés/backés en Fiat euros ou en dollars)
  • les NFT
  • les security token
  • le Stacking
  • les bonus de parrainage

Mais où en sont les autres pays européens ?

En France avant 2020

Le désespoir, la fureur et l'expatriation... exsangue par jusqu'à 63% d'imposition... sans possibilité de déduction sur les pertes...

  • avant 2018, imposition en BNC = CSG + impôt sur le revenu... Jusqu'à 63%...
  • en 2018 pour les particulier à titre occasionnel: imposition en Pvbm (plus value bien meuble)... = exonération si ventes inférieures à 5.000 euros MAIS la vente de crypto à crypto étant considérée comme une vente, alors elle devait être incluse dans les calculs...

 Pour rendre cela plus tangible :

  • nombreux contribuables early-adopters devaient payer un impôt supérieur au montant réel des plus-values perçues en euros du fait de l'imposition des transactions crypto-crypto
  • les plus grands crypto-contribuables français ont choisi d'arrêter d'être exsangues et d'aller vivre ailleurs.

En effet, avant 2020, l'histoire des taxes françaises sur les plus-values issues des bénéfices crypto était tellement terrifiante, que beaucoup de crypto travailleurs ont quitté la France, laissant derrière eux ceux qui avaient le moins de bénéfices à déclarer.

C'est ainsi que la France a perdu ses meilleurs cerveaux Crypto, ses meilleurs investisseurs Crypto, ses meilleures startups Crypto, qui sont partis, pas très loin d'ailleurs... juste après les frontières de l'Hexagone que ce soit -juste au Sud -juste au Nord -ou même juste à l'Est-, ou ils ont choisi d'autres pays européens pour installer leur business et payer leurs impôts, c'est-à-dire sans investir ni faire grandir l'écosystème Crypto Français.

Qui voulait que la France soit une crypto-nation ?

Combien de temps sera vraiment légal l'arsenal de la Flat Tax ?

En effet, depuis le 22 octobre 2015, l'arrêt de la 5e Chambre de la Cour de Justice de l'Union européenne recommande de considérer que les cryptomonnaies sont un moyen de payement comme un autre, ne devant donc pas être soumis à la TVA (car les biens et services sont eux déjà soumis à la TVA).

C'est pourquoi, l'Allemagne applique la décision de la cour de justice européenne :

  • les crypto sont des moyens de payements comme les autres... donc exonérées de TVA
  • après 1 an de détention d'1 crypto, si cette crypto sert à l'achat d'un bien/service, alors l'achat effectué dans cette crypto est considéré comme n'importe quelle transaction spéculative allemande dont la taxe est à 0% sur sa + value !

NB : attention, la taxation diffère pour les actions de training ou de spéculations.

Conclusion sur une réalité improbable !

L'Allemagne est déjà le nouveau paradis fiscal pour les crypto investisseurs et crypto business en Europe !

 L'Allemagne est déjà le nouveau Hub pour les crypto professionnels et les crypto écosystèmes en europe !

En effet, en pensant à plus long terme, le bitcoin ou les cryptomonnaies sont bien plus que le bitcoin ou les crypto : il l s'agit des innovations de demain. Aussi, certains pays ont bien compris qu'il fallait aller vite pour capter les hommes, leurs portefeuilles, leur matière grise, leurs expertises, leurs projets business, leurs investissements, leurs équipes de développeurs. Bref, tout ce qui créera l'écosystème du tissu économique du pays de demain.

Lire aussi : Pourquoi tant de cryptobourses existent (et continueront d'exister)