Comment réguler la blockchain ?

Par Michel Santi  |   |  510  mots
Notre capacité d'abstraction nous a permis d'imaginer et de créer des outils extrêmement sophistiqués comme l'argent ou la société anonyme. C'est ce même pouvoir de conceptualisation qui a engendré le bitcoin qui, s'il dure quelques décennies, se sera révélé une invention permettant de libérer et de décomplexifier l'économie, tout en la rendant plus productive. Par Michel Santi, économiste(*)

 L'Histoire économique humaine - ayant démarré avec des galets échangés en guise de rémunération - trouvera-t-elle sa consécration avec le bitcoin et la technologie blockchain susceptibles d'être l'expression suprême de l'inventivité humaine ?

Encore faudrait-il classifier correctement cette classe d'actifs, car, si le Bitcoin et consorts ne sont absolument pas une monnaie - des « crypto-actifs » selon le terme judicieux de la Banque de France- , sont-ils pour autant un actif financier ou un investissement ? Les crypto-actifs ne sont-ils pas plutôt un genre de logiciel que l'on s'échange ? Loin - très loin - du concept d'argent émis par une banque centrale, cette technologie blockchain est en fait le summum de la décentralisation, et présage d'un avenir qui semble échapper au contrôle du régulateur, des pouvoirs publics ou d'une banque centrale. Voilà pourquoi il serait totalement contre-productif (et intellectuellement absurde) de tenter d'appliquer aux crypto-actifs les mêmes règlementations que pour les actifs traditionnels. Pour autant, il est crucial - dans l'intérêt même de la Blockchain que celle-ci soit régulée afin d'éviter une inévitable crise de confiance qui sera provoquée par de très prévisibles échecs voire escroqueries qui y seront liés, et qui ne manqueront pas de susciter des interventions très politisées de la part des États.

En finalité, une régulation provisoire du bitcoin et consorts pourrait ressembler à celle des matières premières, nettement plus flexible qu'une monnaie, qu'une action ou qu'une obligation. Cependant, bien plus complexe que les matières premières, la blockchain exige une règlementation autrement plus nuancée. À moins de totalement passer à côté des ressources offertes par cette technologie, une telle régulation devrait dépasser le cadre de la lutte contre le blanchiment qui est certes une préoccupation légitime. En effet, comme la blockchain envahit désormais l'économie traditionnelle, elle ne peut être considérée par nos autorités comme un vulgaire instrument facilitant les escroqueries. De fait, il est probable que notre approche même de ce qu'est un médium d'échanges doive profondément être remise en question par cette technologie qui devra bien un jour être considérée comme une classe d'actifs à part entière. Quoi qu'il en soit, il semble certain que la nature même décentralisée de la technologie blockchain réduira considérablement le champ d'un tel contrôle de la part d'un régulateur, d'une banque centrale, d'un État, voire d'un groupement d'Etats, fût-il aussi puissant que le G-20.

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(*) Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et Directeur Général d'Art Trading & Finance.

Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique", "Misère et opulence". Son dernier ouvrage : «Pour un capitalisme entre adultes consentants», préface de Philippe Bilger.

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