Démission de Nicolas Hulot  : quelles leçons en tirer en termes de management  ?

Par Arnaud Hautesserres  |   |  681  mots
Nicolas Hulot, le jour de la passation de pouvoir avec son successeur, François de Rugy. (Crédits : Reuters)
La démission du ministre de la Transition écologique et solidaire a donné lieu à de nombreuses analyses politiques sur l'avenir de la politique environnementale du gouvernement. Si l'on se place du point de vue "managérial", cette crise questionne aussi sur la façon dont pense le "manager". Par Arnaud Hautesserres, Directeur Associé, Meltis.

Alors que la démission du ministre de la Transition écologique et solidaire en cette rentrée 2018 retentit encore dans les médias comme le fait politique majeur qu'elle constitue, elle relève d'un cas managérial presque « banal », d'une situation de crise assez classique au sein d'une équipe. Au-delà de la fonction, au-delà des enjeux, le cas Nicolas Hulot est révélateur du souhait de cohérence et de la quête profonde de sens qui animent de plus en plus d'individus dans la conduite de leur vie professionnelle.

Partir à contrecœur...

Figure marquante du paysage médiatique et politique, Nicolas Hulot est apparu ému à l'annonce de sa démission sur France Inter. Pratique peu commune dans le paysage politique français, cette démission quasi « spontanée » nous a montré un collaborateur au bout de son engagement envers son organisation, mais pas au bout de son engagement pour la cause qu'il défend. Ému donc, car ses certitudes quant à l'action qu'il entendait mener apparaissent si fortes qu'elles le poussent à démissionner et à quitter cet emploi qui représentait pour lui l'espoir de voir ses convictions se réaliser, ou tout du moins progresser.

S'il n'est pas un collaborateur tout à fait comme les autres, l'exemple de Nicolas Hulot est intéressant en tant que démonstration publique du fait que l'on peut quitter une organisation à contrecœur. Ce départ, il l'a annoncé en ayant conscience qu'il pouvait porter préjudice (en termes d'image) à son manager, son équipe, voire son organisation... Décision d'autant plus tonitruante et dévastatrice qu'elle vient d'un collaborateur très courtisé, d'un talent particulier dont l'embauche se voulait porteuse d'un message ! Elle vient en effet remettre en cause les discours tenus et la crédibilité de l'organisation, elle est révélatrice d'un manque de cohérence (ou a minima d'un alignement perfectible) entre la communication et les actes, les comportements, les décisions. En effet, de manière générale, une incohérence ou un manque d'alignement entre une ambition, des valeurs, des principes managériaux, des objectifs, des plans d'actions vont à terme nuire fortement à l'organisation et décourager, voire même démotiver ou désengager, les collaborateurs les plus convaincus ou les plus investis.

... car la motivation ne suffit plus

Quand la promesse initiale, l'idée que l'on pouvait s'en faire, que l'on nous a laissé entrevoir, est trop éloignée de ce que l'individu souhaite réaliser ; quand les priorités managériales et organisationnelles ne permettent pas d'allouer les ressources, moyens, conditions d'autonomie ou de latitudes décisionnelles jugées nécessaires ; quand il n'est même plus question de compétences ou d'entente hiérarchique mais d'une véritable incompatibilité d'objectifs... on peut alors aimer ou accorder de la valeur et du sens à son travail ET le quitter parce que le désaccord avec sa hiérarchie est trop profond.

Le cas Nicolas Hulot démontre avant tout un besoin de cohérence entre identité professionnelle et identité personnelle. Si tout un chacun se sent responsable et autonome dans la construction de la seconde, la première est, qu'on le veuille ou non, liée en partie à l'identité de son organisation, et donc des choix, des décisions, des modes de fonctionnement de celle-ci. On se retrouve donc associé et identifié à l'organisation, on devient « un membre du gouvernement ». Et l'on voit bien ici qu'à moyen ou long terme, un trop grand écart entre les deux n'est pas tenable. L'élastique se tend, jusqu'au moment où il lâche.

Cette crise gouvernementale met alors en lumière plus que des difficultés temporaires ou structurelles qui peuvent intervenir dans n'importe quelle organisation. Elle nous montre avant tout, que parfois, la volonté et la motivation ne suffisent pas à retenir un collaborateur, qu'il peut aussi (surtout ?) être question de comptabilité entre des idées et des actes, entre des promesses et des décisions. Revient alors au manager de veiller à cette cohérence, à cet alignement entre la raison d'être et les valeurs de l'organisation et les aspirations des collaborateurs.