Emmanuel Macron, l'uber-président !

Par Jean Christophe Gallien  |   |  744  mots
Macron à Versailles, mais point d'interview télévisée du 14 juillet : s'agit-il d'une stratégie d'évitement délibérée des questions qui commencent à s'accumuler sur sa pratique du pouvoir.

Les scénaristes du blockbuster Macron nous proposent une entame spectaculaire pour la nouvelle saison. Après le hold up électoral, voici le coup d'état gouvernemental. House of cards ne ferait pas mieux. Et on enchaînera très vite avec le contournement du corps intermédiaire médiatique, et l'invitation surprise de Donal Trump l'honni-président par l'omni-président Macron pour passer en revue les troupes françaises le 14 juillet prochain.

L'imprévisible Emmanuel Macron aime Versailles et son Château Jupitérien. Un mois après avoir accueilli Vladimir Poutine, il s'exprime devant l'ensemble des parlementaires réunis en Congrès dans le palais du Roi-Soleil.

Conception archaïque et autocrate de la Ve République pour certains, grand moment de la révolution politique en cours pour les autres, soyons clairs, réunir le Congrès est constitutionnellement dans les pouvoirs du président de la République. Reste que ce sera seulement la troisième fois qu'un président convoque ainsi les 2 chambres de notre démocratie parlementaire depuis une réforme constitutionnelle voulue par Nicolas Sarkozy et qui autorise cette intervention politique totalement hors norme.

Le candidat Emmanuel Macron avait annoncé son intention, une fois par an, de s'adresser directement aux Français « solennellement ». La solution d'un Congrès était imaginée depuis l'arrivée d'En Marche à l'Elysée. Ce qui peut nous surprendre, c'est que nous ouvrons à peine le mandat Macron. La très renouvelée Assemblée nationale ne siège que depuis la semaine dernière.

Maître du temps et des signes, Emmanuel Macron veut s'adresser solennellement aux Français avant l'ouverture de la période des vacances d'été. Le Congrès lui offre un contexte à la mesure de ses ambitions dramatiques : parler seul à une tribune versaillaise qui fait majesté. C'est aussi un véritable moment carrefour : tout est en place désormais pour enfin passer à l'action et quitter la séquence de transition et d'installation de l'après campagne électorale.

On sent une volonté de ne laisser à personne d'autre et certainement pas à son chef de gouvernement le soin de lancer le temps de l'action, des réformes. Emmanuel Macron veut imprimer sa marque et son autorité. C'est lui le Chef. Le Premier ministre, rappelons-nous qu'il s'agit d'Edouard Philippe, voit peu à peu son espace politique dévoré par l'omni-président affamé.

Les conseillers « partagés » par l'Elysée et Matignon, des ministres En Marche sans attribution précise sensés soulager, surveiller avance certains, les ministres aux charges déterminées, le séminaire gouvernemental sous la houlette du Président ... même Nicolas Sarkozy n'avait pas osé. Un Congrès réunis à la hâte la veille du premier discours de politique générale de son premier ministre, cela ressemble sinon à une humiliation comme le prétendent certains, au moins à une sévère mise en hiérarchie. Et demain ce sera le temps des ordonnances.

Maître du tempo, Emmanuel Macron se veut aussi maître de son mode de communication. Après le cap fixé lors du Congrès où les médias seront là mais placés à distance physique rendant la contradiction impossible, Il les zappera le 14 juillet. On nous explique que sa "pensée complexe" se prête mal au jeu des questions-réponses avec les journalistes.

Voudrait-il échapper au questionnement ? Versailles contre l'interview TV du 14 juillet. C'est le choix du vertical contre l'horizontal. Exit les journalistes, exit la contradiction.
Il est fort dommage de ne pouvoir interpeller le Chef de l'Etat sur ses premiers sentiments de Président, mais surtout sur les affaires qui ont perturbé le début de son quinquennat. Quid des départs rapides de François Bayrou, de Sylvie Goulard, de Marielle de Sarnez et de Richard Ferrand forcés de quitter le gouvernement ? Quid de la procédure budgétaire en cours ? Quid du retard à l'allumage des principales réformes ?

Certes les Français complexes et contradictoires, de cette France multi-fracturée attendent des actes plus que des interviews. C'est sur terrain et les chiffres de leur réel qu'ils jugeront l'uber-President. Emmanuel Macron, pas plus que ses prédécesseurs, n'aura droit à beaucoup de temps. Lassés ou déçus, c'est l'interview de la rue qui frappera à la porte de l'Elysée !

Jean Christophe Gallien est professeur associé à l'Université de Paris la Sorbonne, président de jcga et VP de ZENON7, membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals.