L'ambition française d'Emmanuel Macron pour la Corse

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  777  mots
Jean-Christophe Gallien. (Crédits : DR)
Venu en Corse pour honorer le 6 février la mémoire du préfet Erignac assassiné il y a vingt ans jour pour jour, le président de la République a également voulu poursuivre son dialogue avec la nouvelle majorité politique, répondant à ses doléances par des "oui", des "non", voire des ouvertures. Le "maître des horloges" a notamment signifié que l'heure était venue de faire un choix fondamental : retourner au face-à-face létal avec la République ou se tourner vers son avenir et devenir le phare d'une nouvelle modernité méditerranéenne. Mais les Corses vont-ils marcher ? Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1 La Sorbonne, président de j c g a.

Très droit dans un « Vive la République, Vive la France ! » pour finir son intervention devant cinq couples de drapeaux français et européens derrière lui en fond de scène, Emmanuel Macron a bien réaffirmé un « Je suis le Président de la France » et donc « de la Corse ». Même méditerranéenne, la Corse ne sera pas la Catalogne de la République française, même déjà très spécifique, elle ne sera pas non plus une autre Nouvelle-Calédonie.

La Corse, tête de pont d'une nouvelle stratégie méditerranéenne

En écho, pas d'applaudissements des deux stars politiques corses. L'autonomiste Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse, et l'indépendantiste Jean-Guy Talamoni, président de l'Assemblée de Corse, sont demeurés silencieux à l'appel vibrant, ouvert mais ferme, un poil moralisateur, du président de la République pour faire de la Corse le territoire avancé d'une nouvelle stratégie française en Méditerranée.

Pas de République magique, des "oui", des ouvertures et des... "non"

Emmanuel Macron l'a dit à Bastia, il n'y a pas de République magique. Il n'est donc pas un magicien. On le sait aussi depuis son élection, il n'est pas un Président Père Noël. Il n'est pas venu avec beaucoup de cadeaux à distribuer à la Corse.

Quelques "oui", dont un grand oui constitutionnel à l'inscription de la Corse, une ouverture vers la créativité fiscale autonomisée contrôlée par la correction des dotations, beaucoup de "non" -notamment s'agissant de la co-officialité et du statut de résident-, zéro d'amnistie, et une ouverture, une invitation à co-écrire, en mode TGV - un mois ! -, le contenu pratique et concret de nouvelles adaptations ou simplifications à insérer dans la prochaine réforme constitutionnelle soumise au Parlement au printemps. Il faudra sprinter pour « tracer ensemble les contours de la spécificité de la Corse ».

Ce que la République apporte et continuera d'apporter à la Corse

Pour le président de la République, la Corse est bien au cœur de la République, et il a listé ce qu'elle apporte concrètement et depuis toujours à la Corse. Emmanuel Macron est venu dire qu'avec lui, elle continuerait à assumer et même à accentuer ses interventions étatiques autonomes pour protéger et développer l'île. Il a insisté notamment sur la nécessité de garantir l'État de droit, la sécurité, l'ordre public en matière économique et financière, et la cohésion sociale et territoriale, pour favoriser un développement économique durable pour la Corse.

Responsabilités de la nouvelle majorité corse

Mais, être au cœur de la République ne veut pas dire uniformité de traitement, et Emmanuel Macron a dit et redit que la nouvelle collectivité territoriale de Corse est déjà la plus décentralisée, la plus autonome de la France territoriale. Il a pointé les nouvelles responsabilités qui découlent de leviers de compétence uniques en France. Des responsabilités qu'il s'agit d'abord de commencer à éprouver pleinement. Avant d'en demander des nouvelles ? Pour le président, on répondrait que oui. Emmanuel Macron met directement la pression sur la nouvelle majorité :

« C'est vous qui ferez réussir la Corse. »

On a envie d'ajouter le non-dit : ...ou qui la ferez échouer.

Choisir entre le face-à-face létal avec la République et... l'avenir

Il enfonce le clou et leur assène que la Corse est à l'heure du choix fondamental : retourner au face-à-face létal avec la République ou se tourner vers son avenir, le phare d'une nouvelle modernité méditerranéenne, diamant de la refondation du Monde qui vient. Comme s'il était venu seulement pour déclarer une ambition, la sienne, celle d'une Corse respectée et accompagnée dans son identité, ses spécificités et besoins mais d'une Corse totalement intégrée dans la République française. Une Corse phare brillant d'une nouvelle stratégie française pour la Méditerranée.

Il en finit par un presque définitif : appartenir à la 5e puissance du Monde est une chance, et c'est dans l'identité, le destin indissociable de la France et de la Corse que réside la puissance de vos lendemains. Quelle sera la réponse du binôme Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni ? Pas certain du tout qu'ils marchent avec Emmanuel Macron.

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Par Jean-Christophe Gallien

Professeur associé à l'Université de Paris 1-La Sorbonne
Directeur général de ZENON7 Public Affairs et Président de j c g a 
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals