L'enjeu permanent de la sûreté des centrales nucléaires

Par Francis Sorin  |   |  643  mots
Francis Sorin. (Crédits : DR)
L'opinion publique a du mal à admettre que le nucléaire est la source d'énergie qui cause le moins de victimes. Ce qui ne signifie par qu'un accident n'est pas possible. C'est précisément un tel scénario que les experts en sûreté nucléaire prennent pour hypothèse de travail dans leur démarche. Par Francis Sorin, membre honoraire du Haut Comité pour la Transparence et l'Information sur la Sécurité Nucléaire et conseiller à la Société Française d'Énergie Nucléaire.

La controverse sur la fermeture de la centrale de Fessenheim ravive dans l'opinion une interrogation légitime : nos centrales nucléaires sont-elles sûres ?

Une première réponse s'impose, en forme de constat : en France, depuis 50 ans qu'elles fonctionnent, les centrales nucléaires n'ont fait aucune victime. Les rares accidents « nucléaires » à déplorer, intervenus dans une installation d'essais et dans une mine d'uranium, ont malheureusement entraîné plusieurs décès mais sont restés d'une ampleur limitée. Élargi au plan mondial - et en tenant compte des accidents de Tchernobyl et de Fukushima -, le bilan montre que l'électronucléaire a fait moins de morts en cinquante ans que n'en font les autres grandes sources électrogènes (charbon, pétrole, gaz) en une seule année d'exploitation. L'Académie de Médecine française a établi que de toutes les grandes sources d'électricité, c'est le nucléaire qui a « le plus faible impact sur la santé par kWh produit ».

Un champ inépuisable de prophéties alarmistes

L'opinion française a de toute évidence bien du mal à intégrer ces constats. Le nucléaire demeure chez nous un champ inépuisable de prophéties alarmistes désignant chaque centrale comme le lieu d'un accident inéluctable. Un bref aperçu sur la situation de la sûreté nucléaire en France doit conduire à des appréciations moins angoissées.

Soulignons d'abord que le bon niveau acquis dans ce domaine ne conduit pas pour autant à écarter toute possibilité d'accident grave se produisant sur une centrale. Bien au contraire, cette hypothèse est au cœur même de la démarche des spécialistes de sûreté. Elle se décline à travers trois présupposés essentiels guidant le travail des ingénieurs : tout dispositif de sûreté doit être doublé ou triplé ; la défaillance simultanée de tous les systèmes de sauvegarde doit être envisagée ; tous les réacteurs doivent voir leurs principaux équipements rénovés ou remplacés au fil du temps. S'ajoutent à ces protections de base les architectures de confinement des installations ainsi que les mesures de gestion de crise mises en œuvre par les autorités.

Un accident grave est très improbable

Cet ensemble de mesures, que les personnels du parc nucléaire ont vocation d'appliquer selon les bonnes règles et attitudes de la « culture de sûreté » fournit une autre réponse, plus concrète, à notre question initiale : si l'hypothèse d'un accident grave affectant une centrale n'est pas à écarter, un tel accident est très improbable et tout indique qu'au cas où il surviendrait, ses conséquences resteraient limitées. Cette estimation est corroborée par la longue expérience mondiale d'exploitation des réacteurs à eau sous pression (le type de ceux qui équipent notre parc). Le seul accident majeur intervenu sur ce type de réacteur, à Three Mile Island en 1979, a entraîné une fusion du cœur mais n'a donné lieu qu'à des rejets limités de radioactivité et n'a guère eu de conséquences dommageables sur les populations riveraines ou sur l'environnement.

L'enjeu de la sûreté est de garantir cette innocuité en toute circonstance. Et de fait, la plupart des innovations sont introduites dans les réacteurs en service quelle que soit leur ancienneté (filtres à sable, recombineurs d'hydrogène...). Les innovations portées par l'EPR et les ajustements post-Fukushima concourent également à ces progrès, l'objectif étant d'écarter même en cas d'accident majeur toute possibilité de contamination à long terme d'un territoire.

Les ingénieurs y travaillent en permanence sous le contrôle d'une Autorité de Sûreté intransigeante qui a un plein pouvoir d'examen et de décision et qui peut ordonner la fermeture d'une centrale si elle juge que les conditions de sûreté n'y sont pas réunies.