La Chine n'est plus que l'ombre d'elle-même

Par Michel Santi  |   |  663  mots
(Crédits : FLORENCE LO)
CHRONIQUE. La Chine est devenue l'une des nations au monde où il est le plus cher d'élever des enfants et d'entretenir une famille. Par Michel Santi, économiste (*)

L'effondrement de la consommation et du niveau de vie en général fait des ravages parmi les jeunes couples chinois qui, dès lors, n'ont plus guère de motivation pour créer une famille. La fertilité chinoise décline donc de manière précipitée envers et contre la politique pro-nataliste adoptée en 2021 par le gouvernement qui encourage chacune des familles de son pays à y avoir trois enfants.

Une perte de population de grande ampleur

Rien n'y fait, car, comme la fertilité (ou le désir d'enfant) est l'une des rares composantes que les autorités chinoises ne parvient pas à contrôler, l'effondrement démographique y est appelé à durer dans le temps, et pourrait même s'accélérer. La population chinoise devrait régresser de manière spectaculaire à 800 millions d'individus d'ici la fin du siècle, par rapport à 1 milliard 400 millions aujourd'hui, si l'on en croit les Nations-Unies.

Les prévisions les moins favorables des statisticiens, selon lesquelles la population cesserait de se renouveler en 2029, furent démenties par une réalité encore plus sinistre, car ce point de bascule marqué par une égalité des naissances et des décès survint dès l'an dernier en 2022. La situation est si grave qu'il faut remonter aux époques médiévales des grandes famines et épidémies pour y constater des pertes de population de cette ampleur.

Maintenir le statu quo social à tout prix

Alors, les analystes, les experts et les politiques ont-ils joué à se faire peur en surestimant la puissance économique chinoise, comme leurs prédécesseurs l'avaient fait pour la Russie de Sputnik des années 1960, et le Japon et sa maîtrise électronique des années 1990 ? Il semble acquis que la Chine devra attendre au moins une génération pour se hisser au niveau américain tant elle multiplie ses interférences politiques avec ses fleurons industriels et technologiques.

Le Parti communiste chinois et la sécurité nationale caracolent en effet bien devant toutes les autres préoccupations des dirigeants chinois. En vertu de cette échelle des priorités, la croissance économique est priée de s'écarter si tel est le prix à payer pour préserver, voire pour renforcer, le contrôle politique, pour maintenir le statu quo social, pour accélérer son influence envers l'étranger.

L'investissement extérieur se détourne de la Chine

L'offensive de charme de ces mois derniers exhortant et encourageant les hommes d'affaires et entreprises occidentales ne séduit guère dans un contexte où, en réalité, les arrestations d'étrangers et les intrusions dans les sociétés établies dans le pays gèlent littéralement l'investissement extérieur, et découragent fortement même les simples visites dans le pays. En imposant la mainmise absolue du Parti sur l'éducation, sur la technologie, sur l'industrie du divertissement, etc.

Xi aura réussi à décapiter l'innovation chinoise. Et à s'aliéner des pays comme l'Australie, comme la Corée du Sud ou comme l'Italie échaudés, voire dégoûtés, par sa main de fer et autres mesures coercitives. Comme, pour le Parti, le pouvoir compte nettement plus que l'économie, il est donc aisé de comprendre que les ennuis actuels (économiques) et à venir (démographiques) de la Chine sont d'ordre politique, voire idéologique.

Aucun des plans visant à stimuler son économie n'aboutira en présence de cette déconnexion désormais évidente entre les officiels et le secteur privé. Comment investir, comment innover et comment réussir alors que ce régime se distingue entre autres par l'une des tares traditionnelles des régimes autoritaires, à savoir l'imprévisibilité ?

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(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.
Il vient de publier « Fauteuil 37 » préfacé par Edgar Morin. Il est également l'auteur d'un nouvel ouvrage : « Le testament d'un économiste désabusé ».
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