L'étrange déroute de Vladimir Poutine

CHRONIQUE. Après le week-end sous tension qu'a connu la Russie à la suite de la rébellion avortée du groupe paramilitaire Wagner qui a fait trembler le Kremlin, cette tentative de putsch est la conséquence, selon l'économiste Michel Santi, de la perte d'autorité de Vladimir Poutine.
(Crédits : SPUTNIK)

À l'évidence, pour la Russie, c'était la chronique d'une défaite annoncée. La Russie qui a envahi le plus vaste pays d'Europe avec à peine 150.000 soldats, quand l'URSS mobilisa près d'un million d'hommes en 1968 pour occuper un pays (la Tchécoslovaquie) dont la surface représentait alors le cinquième de l'Ukraine et la population le quart.

Staline aurait agi autrement. Il n'avait pas hésité à limoger, puis d'exécuter son maréchal favori Kulik, lorsque l'Armée rouge fut écrasée en Ukraine en 1941 par des Allemands qui purent dès lors entamer leur promenade de santé vers Moscou. Comprenant qu'il n'était pas sain - en tout cas sur le plan militaire - de s'entourer de courtisans, Staline n'hésita pas à redonner d'énormes responsabilités à des généraux disgraciés - voire emprisonnés pour certains dans des camps de concentration - mais compétents, qui lui offrirent la victoire.

Inexplicable !

De nos jours, le lamentable échec de l'armée russe et sa retraite pitoyable de Kiev et Kharkov n'ont pourtant pas été suivis de la réaction « classique » des autocrates ayant dirigé la Russie depuis l'époque reculée des tsars, où les généraux incapables finissaient devant un peloton d'exécution.

Cette fois, Poutine n'a pas fait usage de son pouvoir (en théorie) absolu pour écarter les « incompétents » dénués de talent militaire et stratégique, indignes d'un commandement de troupes. Inexplicable de la part de celui dont on était persuadé qu'il avait une tolérance zéro à l'égard de l'échec, de ce personnage sans aucun état d'âme qu'il s'était forgé au fil des décennies.

La réaction contre les hauts-fonctionnaires vint donc de Prigojine « incrédule » face à la passivité de son maître. Sont visés Sergueï Choïgou, promu ministre de la Défense alors même qu'il n'avait jamais fait son service militaire parce que valet inconditionnel de Poutine, et Valeri Guerassimov, chef de cabinet et théoricien de la cyberguerre qui aurait supplanté selon lui la bonne vieille infanterie.

Prigojine n'eut de cesse d'envoyer toutes sortes de messages, directs et subliminaux, exhortant son tsar à remplacer sans tarder les membres éminents de sa cour pour les remplacer par ces jeunes qui, selon lui, se distinguaient au front pour s'approprier l'Ukraine. Pour Prigojine le choix est simple : fusiller les Choïgou, Guerassimov et consorts - considérés comme des traîtres par incompétence ou par paresse sans jamais s'être comme lui ensanglanté la tunique.

Poutine contrôle-t-il encore « sa boutique » ?

L'observateur lointain et indifférent, un tant soit peu féru d'Histoire, comprend que le Kremlin ne doit son éternité mythique qu'à la guerre des clans. Ce tsar-ci a perdu de son monopole d'usage de la force. Poutine n'est effectivement pas Staline. Poutine n'est, après tout, qu'un bureaucrate.

Cette lutte intestinale - pancréatique - entre Prigojine et Poutine ne va pas sans rappeler une répartie de l'inénarrable Kissinger s'agissant de la guerre entre l'Iran et l'Irak :

« Quel dommage que les deux ne puissent pas perdre ».

______

(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.
Il vient de publier « Fauteuil 37 » préfacé par Edgar Morin. Il est également l'auteur d'un nouvel ouvrage : « Le testament d'un économiste désabusé ».
Sa page Facebook et son fil Twitter.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 16
à écrit le 02/12/2023 à 10:34
Signaler
Quand je lis l'article, on voit qu'il est pro ukrainien. On a beau dire ce qu'on veut pour sublimer l'Ukraine, le fait est qu'il ont perdu plusieurs régions, et ce n est pas 40km de pris et quelques villages récupéré qui font la différence. O retien...

à écrit le 02/12/2023 à 10:34
Signaler
Quand je lis l'article, on voit qu'il est pro ukrainien. On a beau dire ce qu'on veut pour sublimer l'Ukraine, le fait est qu'il ont perdu plusieurs régions, et ce n est pas 40km de pris et quelques villages récupéré qui font la différence. O retien...

à écrit le 13/11/2023 à 10:39
Signaler
Ahahahaha .... une pierre de plus à l'édifice des faux prophètes. Démagogues pseudo scientifiques obnibulés par leur nombril et dont la suffisance n'a d'égal que leur volonté de suivre aveuglément le politiquement correct du moment. Cet article serai...

à écrit le 06/11/2023 à 6:04
Signaler
N’importe quoi 🤣 vraiment les journalistes comme avec le Covid nous mentent et après les vérités sortent. Nostradamus avait prédit : la Russie sera la plus grande puissance mondiale. Et en tout les cas c’est les ukrainiens qui perdent beaucoup d’homm...

à écrit le 04/09/2023 à 22:24
Signaler
C'est vu de l'occident

à écrit le 28/06/2023 à 14:33
Signaler
En quoi un économiste est il compétent à commenter un fait d'actualité qui relève de la géopolitique , de l'histoire ? d'autant que certains propos sur "la défaite annoncée" sont aventureux à l'heure où personne ne se risquerait à en prévoir l'issue ...

à écrit le 26/06/2023 à 20:21
Signaler
Bonjour, Avant toute chose, je crois que le petite rébellion de Wagner a était un échec , car l'armée est resté loyal et que Mr Poutine et toujours la ... Ils est peux être malade ou ils a subies une tentative d'élimination... Dans tous les cas , ...

à écrit le 26/06/2023 à 16:30
Signaler
Et encore un point concernant "Poutine n'est effectivement pas Staline. Poutine n'est, après tout, qu'un bureaucrate." Mais oui. Poutine aime qu'on le prenne pour un nouveau Staline ou un nouveau roi, mais la réalité est toute autre. Poutine est un p...

à écrit le 26/06/2023 à 14:40
Signaler
Il n y’a rien d’étrange. a). Poutine, c'est quelqu'un reconnaissant et loyal envers les siens. C'est en grande partie pour cela qu'il a été choisi comme héritier du trône. Donc, pour que quelqu'un de la bande soit puni, il doit trahir tous. Une simpl...

à écrit le 26/06/2023 à 13:50
Signaler
J'ai oublié encore un point important concernant le système russe. Historiquement, il y a un accent sur la neutralisation de la menace de l'armée dans les affaires intérieurs. L'armée doit loyale et contrôlable. C'est bien plus important que son effi...

à écrit le 26/06/2023 à 12:19
Signaler
Houla ! pas trop enthousiastes les Poutinophiles ce matin... Perte de moral ?

à écrit le 26/06/2023 à 9:28
Signaler
On nous a présenté bien des interprétations et des belles histoires qui doivent aller dans un sens unique, à l'image d'une pandémie ! Mais il y a un moment, où l'on "sature" ! ;-)

à écrit le 26/06/2023 à 9:14
Signaler
Si même les "macro-économistes, spécialistes des marchés financiers et des banques centrales" se mettent à croire qu'ils ont un avis autorisé pour nous parler de sujets qu'ils ne maîtrisent pas et sur lesquels nous manquons encore d'éléments fiables ...

à écrit le 26/06/2023 à 8:51
Signaler
Il est de bon ton de bouffer du Poutine, voire de faire du roman de gare sur le personnage, mais il ne faut peut-être pas l'enterrer trop vite : ce n'est pas une petite mutinerie de mercenaires qui va l'arrêter, et il finira par garder les bouts d'Uk...

le 26/06/2023 à 13:44
Signaler
@Asimon: Garder les bouts qui l'intéressent? Il les a déjà perdu plein et probablement va perdre encore. L'Ukraine n'a pas définitivement gagné cette guerre, on verra si c'est le cas par la suite, mais Poutine l'a déjà définitivement perdu. Pour ce q...

à écrit le 26/06/2023 à 7:14
Signaler
J'aurais aimé du plus consistant de votre part comme analyse, à savoir autre chose que la soupe médiatique que l'on nous sert H24 jusqu'à la nausée mais quand hier un chien de garde a déclaré:"Les thèses qui disent que c'est une stratégie de Poutine ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.