La revanche des "déplorables"

Par Michel Santi  |   |  597  mots
Les électeurs de Trump, que Hillary Clinton avait nommés les "déplorables" ont eu leur revanche. Pourtant, les signaux d'alerte avaient été nombreux. Par Michel Santi, économiste*

Les signaux d'alerte ont été grossièrement ignorés car nous avons été séduits - dans le sens d'égarés - par le mythe de l'efficience des marchés et des économies intégrés. Nous avons collectivement été frappés d'amnésie, et de cet aveuglement coupable privilégiant les puissants intérêts au détriment du travailleur et du salarié moyen. Nos responsables et nos élites n'ont strictement rien tenté pour protéger le citoyen de l'érosion inacceptable de son niveau de vie. Le résultat est un échec cinglant offrant un spectacle sociétal lamentable où l'absence d'une régulation digne de ce nom conduit à socialiser les pertes à mesure que les bénéfices se concentrent chez de moins en moins d'heureux élus. Où la corruption et le trafic d'influence prévalent, dans un système hyper globalisé qui empêche même les Etats de contrôler certaines entreprises devenues championnes de l' »optimisation fiscale» au détriment de la société.

Quand l'abus devient la norme

L'abus est donc devenu la norme - voire la marque de fabrique ! - de cette globalisation devenue synonyme de centralisation des pouvoirs et des richesses entre les mains de quelques heureux élus en vertu de forces centrifuges tous comptes faits élémentaires. Pourtant, dans un contexte où nos nations occidentales subissent une authentique décennie perdue de régression économique et sociale, les autorités responsables de leur sort rejettent avec dédain toute tentative de protectionnisme, arguant que seule la redistribution serait à même de lisser les effets pervers de la globalisation. Cependant, après l'inattendu Brexit, après l'incroyable élection de Donald Trump, après le rejet massif de la réforme constitutionnelle italienne, une prise de conscience s'impose, car tous ces électeurs n'ont pas tant voté pour atteindre un objectif précis que pour vomir un système qui exclut, qui foule au pied et leurs intérêts basiques et leur dignité.

La globalisation n'est pas rejetée au simple motif que la redistribution ne se pratique pas au bénéfice du plus grand nombre. Inversement, la fin de notre stagnation économique - et même la fin de la cabale austéritaire européenne - ne suffiront pas à faire allègrement embrasser la globalisation par les citoyens occidentaux. Car ceux-ci sont désormais conscients que la globalisation est un système de valeurs - voire de croyances - politico-économiques sectaire qui ne sera nullement édulcoré par un retour à une croissance poudre aux yeux. L'année 2017 verra, elle aussi, son lot de surprises et de coups de théâtre, conséquence logique d'un ordre ayant misérablement échoué à défendre et à protéger.

Bien des révolutions sanglantes auraient pu être évitées si le peuple ne s'était senti provoqué comme il l'est quasi quotidiennement par des élites qualifiant d' »armée de stupides » les 52% de britanniques ayant voté le Brexit. Ou provoqué comme il l'a été par Hillary Clinton qualifiant de « déplorables » les électeurs de Trump.

*Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est conseiller en investissements sur le marché de l'art et Directeur Général d'Art Trading & Finance. Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique" et de "Misère et opulence".

Dernière parution chez « Lignes de repères » : « Plus de Capital au XXI è siècle », préfacé par Philippe Bilger.

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