La zone euro doit tendre vers une intégration renforcée

Par Sarah Hewin  |   |  942  mots
Sarah Hewin, chef économiste en charge de l’Europe chez Standard Chartered
L'Europe ne peut avancer seulement en temps de crise financière. Des réformes de fond doivent être mises en œuvre, dans le sens d'une plus grande intégration. En matière fiscale, notamment, ce qui permettrait la mise en place d'une assurance chômage européenne. Par Sarah Hewin, chef économiste en charge de l’Europe chez Standard Chartered

Il est temps que le moment est venu pour l'Europe d'aller vers une intégration renforcée. Les dirigeants de la zone euro savent ce qui doit être mis en place pour éviter une rupture de l'union monétaire. L'engagement pour l'euro est fort : les politiciens - y compris les eurosceptiques du gouvernement finlandais - ont soutenu un troisième plan de sauvetage pour la Grèce alors qu'ils avaient le choix de ne pas le faire.

Les dirigeants grecs - tout comme leurs homologues chypriotes il y a deux ans - se sont rendu compte que le coût de la sortie de la zone euro était trop élevé, même si les banques ferment leurs portes et l'activité économique s'effondre.

Des mesures importantes ont été prises

Lors de ces dernières années agitées, la zone euro a pris des mesures importantes pour renforcer ses institutions et sa gouvernance. Ces mesures ont empêché que la crise ne se propage comme elle l'avait fait entre le premier et le deuxième plan de sauvetage de la Grèce.

Entre temps, la fragmentation des marchés du crédit a été réduite et les prêts reprennent enfin. Les pays ont entrepris des réformes, et ceux de la périphérie ont e plus œuvré pour l'amélioration de la réglementation du marché des produits - même s'ils partaient de loin - mais aussi pour assouplir le marché du travail. Certains ont fait d'importants progrès en améliorant leur flexibilité économique pour corriger les déséquilibres et lutter contre une faible compétitivité. Les déficits de la balance commerciale ont été en grande partie éliminés, les déficits publics sont maintenant gérables et la croissance économique est de retour.

Mais il ne suffit pas de « faire le nécessaire » au moment le plus haut de la crise. L'apathie politique l'emporte souvent durant les périodes plus calmes alors que l'euro reste vulnérable, à cause de l'intégration incomplète de la zone, de la faible croissance économique et du taux de chômage élevé.

Les décideurs politiques doivent rapidement agir pour la prochaine étape de l'intégration

La croissance et la productivité dans la zone euro ont souvent été en dessous de celles des Etats-Unis depuis la création de la monnaie unique, et le chômage y est deux fois plus élevé. Faire des affaires est loin d'être «facile» dans de nombreux pays, selon les indicateurs de la Banque mondiale.

Il est urgent pour les politiques d'agir pour la prochaine étape de l'intégration : en accélérant les mesures qui permettent de partager les risques, tout en augmentant la productivité des pays de la zone.

Pour ce faire, il est nécessaire de créer un fonds commun d'assurance des dépôts (une mesure qui aurait pu empêcher la ruée vers les banques en Grèce) et d'avancer vers une union des marchés de capitaux. Cela permettrait de booster le financement par le marché, qui ne représente qu'un cinquième des prêts contractés dans la zone euro, contre 70% aux Etats-Unis.

Des réformes nécessaires

Un marché financier développé pourrait diminuer l'impact des chocs extérieurs, ce qui réduirait la nécessité d'une union fiscale complète dans la zone euro. Une avancée partielle vers plus d'intégration fiscale pourrait notamment se traduire par la mise en place d'un système d'assurance chômage européen. Cela permettrait d'atténuer l'impact de chocs asymétriques qui touchent certains pays en particulier et non pas la région entière.

La productivité a de fortes chances d'augmenter grâce à des investissements plus conséquents et de meilleures opportunités pour la création d'entreprise. Mais cela exige des réformes continues, concernant le marché du travail et des produits, ainsi qu'une meilleure réglementation, de l'exécution des contrats, par exemple.

De telles mesures sont risquées pour les gouvernements. Le partage de ces risques repose sur une perte de souveraineté plus grande, et une réforme économique remettrait en cause les intérêts nationaux à proprement parler. Les avantages d'une telle réforme mettront donc du temps à voir le jour.

L'immobilité ne peut être une option, si nous voulons éviter les crises futures

La question est de savoir ce que l'Europe est prête à faire pour prendre en main son destin. Il y a des défis politiques évidents : la réduction du chômage devrait augmenter «le désir d'Europe», mais dans certains pays, le soutien envers les partis nationalistes reste élevé malgré un taux de chômage assez faible.

Cependant, nous pensons que les dirigeants européens devraient prendre en compte le soutien populaire constant et solide à l'euro - plus de 60% de la population, même durant les moments les plus difficiles de la crise en 2012/2013. On observe d'ailleurs une tendance à la hausse durant ces deux dernières années pour atteindre aujourd'hui près de 70%.

Les ajustements budgétaires touchant à leur fin et la politique monétaire laxiste gagnant enfin du terrain, plusieurs facteurs sont aujourd'hui rassemblés (faible coût du pétrole et euro concurrentiel) pour permettre la poursuite des réformes nécessaires à l'amélioration du milieu des affaires européen. C'est l'occasion de passer aux prochaines étapes pour l'union bancaire, en engageant l'union des marchés de capitaux et en jetant les bases d'une union fiscale limitée.

L'immobilité ne peut être une option, si nous voulons éviter les crises futures et faire perdurer l'euro pour les 17 années à venir.