Les députés de LREM sont-ils les "community managers" de la nation ?

Par Arno Pons  |   |  621  mots
Arno Pons.
L'arrivée massive de députés LREM va apporter de nombreux changements, notamment en raison de nombreux profils issus de l'économie et de la culture du numérique. Par Arno Pons, directeur général de 5emeGauche-Herezie Group, délégué général de la fondation « Digital New Deal », enseignant à SciencesPo.

Une révolution est belle et bien en marche, et il ne s'agit pas uniquement de la révolution politique d'Emmanuel Macron, mais aussi celle plus profonde de la révolution numérique. Les deux semblent intimement liées, le succès de l'étiquette République En Marche aux législatives est autant une conséquence du « dégagisme » ambiant lié à une classe politique vieillissante et déconnectée, qu'à une soif de participation, vague de fond liée à la « digitalisation des esprits ».

Les députés de la République En Marche sont les premiers élus d'une nouvelle ère, celle de la génération post-internet et post-bipartisme.

Une identité d'entrepreneurs politiques

Et si cette génération Macron devrait être fidèle à leur leader, elle devrait a priori aussi l'être à leur identité d'entrepreneurs politiques. Leur autonomie vis-à-vis du parti va nécessairement offrir une liberté de ton qui devrait donner naissance à une forme inédite d'animation au sein du groupe REM.

Cette nouvelle majorité aura sans doute à cœur de lutter contre la désintermédiation qui guette en politique en redevenant cet intermédiaire représentatif indispensable à notre vie politique.

Ces députés d'un nouveau type, issus pour l'essentiel de la société civile, vont dessiner un mode représentatif plus en phase avec les nouvelles attentes. Leur légitimité en tant qu'acteurs de la vie économique et l'énergie de leur jeunesse sont autant de promesses de réussite de la transformation sociale.

"L'assemblée sociale"

L'Assemblée nationale couleur En Marche pourrait être ainsi l'occasion de repenser totalement le rôle du Palais Bourbon en devenant « l'assemblée sociale » qu'appelait Pierre Mendes-France de ses vœux dans « La République moderne » en 1962.

Sociale tout d'abord au sens politique du terme. En devenant à la fois la chambre de représentation citoyenne et celle des forces vives de notre pays, l'Assemblée nationale peut devenir la « chambre des négociations collectives » en s'appuyant, via ses nouveaux députés, sur un monde professionnel connecté au réseau de citoyens actifs (que devrait être le parti En Marche) et faire enfin aboutir l'idéal de social-démocratie tant attendu dans notre pays.

Si elle veut éviter que la rue soit le seul lieu d'expression du peuple, la nouvelle majorité a intérêt à réussir ce que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) n'est jamais parvenu à faire en devenant le lieu d'expression d'une démocratie sociale et continue.

"Social Media"

Sociale ensuite au sens digital du terme, c'est-à-dire « Social Media ».

Les députés devront en plus de ces nombreuses missions législatives qui sont les leurs, ajouter une nouvelle casquette en devenant les administrateurs de leurs communautés locales, les « community manager » d'un réseau social physique : la nation.

A l'instar des community manager sur internet qui animent et fédèrent des communautés présentes sur les réseaux sociaux comme Facebook, ces « community organizer » de l'ère digital auront la responsabilité de relayer l'action du gouvernement sur le terrain, modérer les réactions, et remonter les commentaires en qualifiant politiquement l'humeur des citoyens (leurs « like»).

Ce rôle de community manager, situé à l'articulation entre « syndicaliste de la société civile » et représentant politique local, serait un formidable moyen de faire émerger des leaders d'un nouveau genre.

Ce serait aussi l'opportunité de donner un rôle inédit au parti En Marche, en devenant une forme hybride entre un parti classique et un mouvement « ouvert » à la prise de décision et « connecté » aux communautés. Une sorte de politique « Open Source » ouverte à la participation de chacun. Bref continuer à disrupter les partis politiques et à ringardiser la politique pré-internet...