Oui, les infrastructures énergétiques françaises sont sûres

Par Christophe-Alexandre Paillard  |   |  711  mots
La centrale nucléaire de Bugey dans l'Ain, au bord du Rhône, est situé à 25 km de Lyon. (Crédits : Reuters)
L'effondrement cet été du pont de Gênes en Italie qui a entraîné de nombreuses victimes a ravivé l'inquiétude notamment en France sur la sécurité des infrastructures. A tort, car les infrastructures énergétiques françaises sont sûres car elles font l'objet de contrôles de sûreté constants et approfondis. Par Christophe-Alexandre Paillard, maître de conférences à Sciences Po Paris.

L'effondrement du pont de Gênes cet été est venu rappeler que les infrastructures les plus critiques, dans les transports ou l'énergie, devaient être entretenues. Cette affirmation peut passer pour une évidence, mais la place croissante qu'occupe le monde virtuel dans les mentalités fait oublier quelques principes simples, comme la nécessité de construire et d'entretenir des infrastructures sûres pour qu'une société puisse fonctionner. Dans ce domaine, il n'y a pas de nouveau ou d'ancien monde ; il y a des États qui garantissent la sûreté et la sécurité de leurs infrastructures et d'autres qui, par négligence, mauvaise volonté ou prégnance de problèmes politiques ou économiques majeurs, ne le font pas.

La mode des scenarii catastrophes

Un phénomène de mode tend aujourd'hui à dénigrer la France et ses réalisations et à faire de nos infrastructures énergétiques un danger pire que le terrorisme et la peste réunis. Certains auteurs se sont même fait une spécialité de prédire des scenarii catastrophes et d'annoncer que la France serait sous la menace de couples infernaux mixant des éléments du désastre de Fukushima avec ceux de la catastrophe du barrage de Malpasset, intervenue dans le Var en décembre 1959. Or, des enseignements clairs en ont été tirés et la France n'a plus connu depuis lors de catastrophe de cette nature.

Paru en février dernier, l'ouvrage "Nucléaire danger immédiat" pointe de supposées défaillances du système français de surveillance des barrages hydroélectriques et de nos 19 centrales nucléaires, accusant EDF de ne pas entretenir ses réacteurs, de conserver des enceintes comparables à des passoires et de ne pas respecter les règles de sûreté les plus élémentaires.

La centrale de Bugey, située dans l'Ain, serait même sous la menace directe d'une rupture du barrage de Vouglans, situé dans le Jura, potentiel nouveau Malpasset destiné à se rompre en cas de crue milléniale, qui l'engloutirait comme le raz-de-marée provoqué par un tremblement de terre l'a fait pour la centrale de Fukushima.

Une grave accusation

Il ne s'agit rien moins que d'affirmer que les autorités françaises chargées de la sûreté des infrastructures nucléaires, particulièrement l'Autorité de Sûreté nucléaire (ASN) et celles en charge de la sûreté de nos barrages hydroélectriques, en fait EDF ou la Compagnie nationale du Rhône, sont incompétentes, aveugles et irresponsables.

L'accusation est grave ! Troisième retenue de France, mis en service en 1968 en tirant les leçons de Malpasset, le barrage de Vouglans, de par ses dimensions et le volume d'eau qu'il retient, est effectivement concerné par un plan particulier d'intervention dans le cas d'un accident majeur pouvant mener à sa rupture. EDF, son opérateur, en assure la sûreté au quotidien sous le contrôle des pouvoirs publics.

En 2015, EDF a transmis à l'État une simulation d'une crue milléniale à partir de Vouglans. Cette simulation, prenant en compte plusieurs scenarii de crues, était destinée à visualiser l'impact d'une crise exceptionnelle. Cet exercice a permis de vérifier que le non-dépassement des cotes et des débits de pointe de crue étaient respectés et que la centrale de Bugey serait préservée en cas d'inondation.

Le zéro absolu en matière de risque n'existe pas

Même dans le cas du scénario le plus improbable, soit la rupture simultanée du barrage de Vouglans et d'autres barrages en aval, combinée à une crue historique, les installations nucléaires resteraient préservées, comme le soulignait l'ASN dans son rapport remis au gouvernement sur ce sujet en 2013. Contrairement à Fukushima, la centrale dispose, entre autres, d'un mur de protection érigé le long du Rhône, de remblais et d'un relief naturel défavorable à l'inondation de la centrale.

Même si le zéro absolu en matière de risque n'existe pas, l'État français, ses opérateurs et ses autorités de sûreté ont cependant mis en place une rigoureuse politique de contrôle de sûreté pour toutes les infrastructures françaises les plus critiques. L'ignorer relève juste de la mauvaise foi la plus complète.