Plaidoyer pour une France fédérale

Par Philippe Fabry et Damien Theillier  |   |  760  mots
Philippe Fabry et Damien Theillier
On entend beaucoup parler ces temps-ci de réformes libérales et de politique libérale. Faut-il s'en réjouir ? Gare aux faux amis... Les seules vraies réformes libérales sont négatives. Par Damien Theillier, professeur de philosophie, fondateur de l'Institut Coppet, et Philippe Fabry, historien, docteur en droit et essayiste.

Les libéraux n'attendent pas d'un gouvernement qu'il instaure le libéralisme, ce qui est une sorte d'étatisme à l'envers tout à fait contradictoire et nocif. Les vraies réformes libérales sont négatives. Les seules décisions que devrait prendre un gouvernement libéral sont des suppressions de réglementations existantes, de barrières bureaucratiques, de restrictions fiscales et monétaires, qui sont autant de rentes cachées pour certaines catégories de citoyens. Car la corruption est fille de la règlementation.

C'est pourquoi les quelques mesures qu'il devrait prendre, avant de s'effacer, sont des mesures négatives dont l'objet exclusif serait de liquider les administrations existantes, et de poser des bornes interdisant leur retour. Ceci afin de laisser jouer l'initiative privée et les accords librement débattus : dans les entreprises, dans les écoles et jusque dans les municipalités.

La fédéralisation, mère de toutes les réformes

Les meilleures réformes sont toujours celles qui permettent aux autres réformes de se faire toutes seules. Aussi, si l'on prétend à réformer le pays en profondeur, doit-on chercher à effectuer en priorité les mères des réformes, c'est-à-dire les réformes de déblocage qui permettent, ensuite, au pays de se réformer seul, de lui-même.

Permettre au pays de se réformer tout seul, c'est lui donner, ou plutôt lui rendre, le pouvoir de le faire lui-même, sans être contraint à attendre qu'un introuvable homme providentiel le réforme tout d'un bloc, d'un coup. D'ailleurs, le seul véritable homme providentiel, c'est l'individu.

Ainsi, la solution qui nous semble la plus simple, la plus efficace et la plus féconde à long terme, c'est la fédéralisation. Nous devrions mettre fin à notre modèle d'État jacobin et bonapartiste, et revenir à un mode d'administration plus local et plus dynamique. L'idéal serait de faire de chaque département un État fédéré, et de reléguer à Paris un gouvernement qui se devrait de respecter le principe de subsidiarité.

Pourquoi le département plutôt que la région ? Parce que c'est la plus ancienne de nos divisions territoriales, et il a de ce fait une légitimité historique plus importante.

Bien sûr, il conviendrait de supprimer les préfets, ces agents du gouvernement central qui évoquent au sein du pays les gouverneurs coloniaux agents de la métropole.

Les avantages de cette mutation seraient multiples

Ils apporteraient, d'abord, tous les bienfaits connus du gouvernement local : une réactivité accrue, une démocratie plus réelle.

Ensuite, cela permettrait de mettre fin au socialisme territorial, dont le dernier exemple en date en a été donné par le redécoupage régional : la fusion des régions a permis de maquiller la carte de l'endettement des régions : la nouvelle région Midi-Pyrénées-Languedoc affiche 70% d'endettement, au lieu de 28% et 118% ; Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine affiche 97%, au lieu de 78%, 101% et 108%. La manœuvre redistributiviste pénalise les territoires bien gérés au profit de ceux où a sévi la gabegie ; un véritable darwinisme au profit des incompétents, des irresponsables et des clientélistes.

Une fédéralisation de la France permettrait de restaurer la responsabilité des administrations locales, et une sélection des meilleurs. Une compétition de la saine gestion résulterait de la fédéralisation, qui pousserait chaque État fédéré à la réforme, sous peine d'être déclassé par rapport à ses voisins, plutôt que de baigner tous ensemble, comme aujourd'hui, dans un bain de médiocrité socialiste.

Elle donnerait également la liberté de redéfinir à l'échelon local, le cadre juridique qui correspondrait le mieux aux convictions de chacun, permettant ainsi un vrai pluralisme, que ce soit sur le plan sociétal : statut matrimonial, statut de l'embryon, adoption, etc. ; ou sur le plan du travail : flexibilité à l'entrée et à la sortie, statut des travailleurs indépendants, travail le dimanche, âge de la retraite, etc.

Enfin, cette France de départements/États-fédérés permettrait de libérer les énergies créatrices dans le pays : les gens qui, faute de parler une langue étrangère ou de vouloir quitter leur pays, sont aujourd'hui condamnés à rester soumis à l'État français, pourraient aller chercher à deux départements du leur un État fédéré où la fiscalité, par exemple, serait vraiment plus favorable, et non pas marginalement, comme aujourd'hui où la fiscalité est si largement nationale. La mobilité permettrait à nos compatriotes entreprenants d'aller s'exprimer ailleurs, sans pour autant quitter le pays.