Pour une relance durable, un livret d'épargne écologique et social

Par Gabriel Gaspard (*)  |   |  1112  mots
(Crédits : Reuters)
OPINION. Les défis sont devant nous. Après la catastrophe de la COVID-19, beaucoup de crises nous attendent : climatiques et environnementales, sanitaires, sociales, industrielles, sécuritaires. Il faut investir immédiatement sur des projets réels, 100 milliards d'euros par an sur 10 ans et non seulement 100 milliards d'euros sur 2 ans comme le prévoit le gouvernement. Tous les investissements seront destinés à améliorer l'avenir du citoyen et à protéger la nature. (*) Par Gabriel Gaspard, chef d’entreprise à la retraite, spécialiste en économie financière.

Les rebonds d'hospitalisations liés à la COVID-19 font craindre une deuxième vague. Le plan de relance est en retard. La dette des entreprises françaises continue de s'alourdir. L'économie française détruit beaucoup d'emplois. Le recul des investissements des entreprises devient critique. La dette de la France dépasse les 120% du PIB. Le trou de la sécurité sociale se creuse. L'épargne des ménages gonfle. Enfin, le climat continue de se dégrader.

Une très faible enveloppe budgétaire

Pendant le confinement, l'enveloppe budgétaire réellement mise sur la table pour soutenir l'économie s'élève à 57 milliards d'euros. Ce montant correspond à la différence entre la loi rectificative 3 de 457,4 milliards d'euros et la loi de finances initiale de 400,4 milliards d'euros. Les 500 milliards d'euros mobilisés pour l'économie par le Président sont en grande partie des prêts ou des reports d'échéances fiscales.

Le plan de relance qui sera annoncé prochainement sera de 100 milliards d'euros dont approximativement 40 milliards d'euros seront des aides européennes. La question est simple : comment la France va-t-elle financer ce plan de relance ? Le plan de relance qui sera annoncé sera-t-il suffisant ?

L'année 2020 est l'année charnière

C'est l'année où la France doit préparer sa sortie de la récession due à la COVID-19. Elle doit affirmer son intention sur la neutralité carbone, la dépendance et le handicap, la retraite, le développement rural et le salaire de solidarité, etc.

Il faut un choc externe pour sortir d'une crise

Une crise de cette nature ne peut trouver d'issue par la seule grâce des politiques publiques. Il faut un choc externe. La crise de 1847 entraîna la révolution de 1848, la grande dépression de 1929 déclencha la guerre en 1939, la crise de 1974 est stoppée par le grand virage libéral des années 1980 et par le choc des nouvelles technologies à partir de 1985. Pour sauver nos économies en 2008, les banques centrales, pour créer le choc nécessaire, ont outrepassé leurs mandats. Elles abaissent leurs taux directeurs jusqu'à zéro. La BCE injecte 4.000 milliards d'euros de 2011 à 2017. En 10 ans la crise financière a coûté approximativement 1,541 milliard d'euros aux citoyens français.

En France, l'État alimente son budget principalement par des emprunts

Les Français paieront les emprunts de la COVID-19 et de la relance pendant 20 ans (2028-2048). N'est-il pas plus éclairé de créer une nouvelle économie encore plus forte, écologique, sociale, durable et souveraine basée sur des investissements citoyens au lieu de nouveaux emprunts ?

Une épargne forcée des ménages

Pendant la période du confinement, les Français ont constitué une épargne forcée évaluée entre 80 milliards d'euros et 100 milliards d'euros, dont une grande partie dans des placements à terme. Que faire de cette épargne providentielle et d'une grande partie de l'épargne des Français comme le PEL qui ne sert aujourd'hui qu'à la solvabilité des banques (rigidité à court terme, pas de rentabilité à long terme, taux crédit marché plus compétitif pour les prêts immobiliers, bloqués 4 ans) ?

La solution à adopter est l'utilisation des économies des ménages pendant 10 ans, dans un cadre réglementé. Les économies seront gérées par des établissements de crédits publics paritaires et spécialisés. Ce mécanisme de financement permet de rémunérer au taux de l'inflation les placements des ménages. Ces économies seront consacrées à la réalisation d'objectifs économiques et sociaux dans un cadre plus résilient et vers une réelle transition économique et sociale : c'est la création du livret d'épargne écologique et social.

Ces investissements citoyens, comme tout investissement public, auront un très fort effet d'élan sur l'économie. L'OFCE dans son étude investissement public, Capital public et croissance, coordonnée par Xavier Ragot et Francesco Saraceno, explique :

"À court terme, il est possible d'estimer le gain d'activité engendré pour chaque euro d'investissement public. La hausse du PIB par euro public dépensé est appelée multiplicateur budgétaire. Les études trouvent des multiplicateurs des dépenses publiques sur le PIB de 0,8 avec une grande variabilité des résultats.

En période de crise et, en particulier lorsque la politique monétaire atteint la borne zéro des taux d'intérêt, alors le multiplicateur augmente et atteint des valeurs plus élevées comprises entre 1,3 et 2,5...

Notons enfin que dans une économie comme la France, caractérisée par une pression fiscale proche de 50%, un multiplicateur supérieur à 2 signifie que la mesure est quasi-autofinancée. Dans une telle configuration, la politique de relance doit être impérativement adoptée."

Dans la période de crise actuelle et vu les taux d'intérêt, en se référant à cette étude, les investissements auront un effet de création de richesse estimée entre 2 et 60 centimes rendus à l'État pour chaque euro investi. Ce qui donne, pour un investissement de 1.000 milliards d'euros sur 10 ans, une nouvelle richesse de 2.000 milliards d'euros et 600 milliards d'euros d'entrées dans les caisses de l'État.

À titre d'exemple, si l'État veut emprunter 100 milliards d'euros pour répondre à la proposition de la convention citoyenne pour le climat (aides à la rénovation de 20 millions de logements d'ici 2050), il doit les emprunter sur les marchés financiers. S'il emprunte aujourd'hui sur 30 ans à un taux d'intérêt fixe de 0,7620, il doit payer plus 22,86 milliards d'euros d'intérêts et réemprunter dans 30 ans pour rendre les 100 milliards d'euros.

Lire aussi : Une Convention citoyenne sans Ouverture à tous... !?

Pour un investissement citoyen de 100 milliards d'euros pour le pacte vert en utilisant le même type d'emprunts (obligations assimilables du trésor à taux fixe, mais sur 10 ans), l'État doit emprunter 20 milliards d'euros à un taux de 0,1040 pour payer la rémunération de l'épargne réglementée, et payer uniquement 0,208 milliards d'euros en intérêts d'emprunt. Les 20 milliards d'euros injectés dans l'économie en rémunération de l'épargne vont participer à la croissance française et l'État récupère en recette 60 milliards d'euros.

Un milliard d'euros investi par an créerait entre 8.000 et 20.000 emplois

Le coprésident Jean-David Chamboredon de l'association France Digitale "souligne que le coût de création d'un emploi en start-up supporté par le capital privé, contrairement à ceux conclus grâce à des fonds publics comme le CICE... Il suffirait de 50.000 euros pour créer un emploi pérenne, en CDI, dans une jeune pousse française".

Un milliard d'euros investi en construction et service créerait environ 12.000 emplois selon l'étude ingénierie et construction. C'est une réduction d'un million de chômeurs par an.