Réguler la finance, de la nécessité d'une mobilisation citoyenne

Par Mathias Thépot  |   |  661  mots
Décrire les mécanismes des crises financières passées - et à venir -, l'exercice n'est pas simple, car la technicité extrême du sujet, savamment entretenue par certains grands banquiers, empêche le plus souvent le citoyen lambda de comprendre les tenants et les aboutissants d'un monde pourtant à l'origine de bien des maux de notre société.
Dans une bande dessinée à paraître le 30 mars, deux auteurs tentent avec humour de faire le procès de la haute finance. Ludique, ce roman graphique décrit très bien les mécanismes de crises, et appelle à la mobilisation citoyenne pour éviter de nouvelles débâcles.

La bande dessinée a cet atout pédagogique indéniable de rendre des sujets complexes accessibles à tous grâce au dessin. Le genre se développe notamment en Economie, un thème qui attire naturellement en cette période où le chômage et la précarité dominent. On se souvient notamment de l'excellent Economix*, de Michael Goodwin qui retrace l'histoire de la pensée économique. Dans la même veine, mais sur un sujet plus technique encore, la finance, le journaliste d'Alternatives économiques Christian Chavagneux et le dessinateur James réussissent à décrire avec humour les mécanismes des crises financières passées, et potentiellement futures, dans un roman graphique intitulé « Les Aventuriers de la finance perdue »**, à paraître le 30 mars aux éditions Casterman.

Sujet technique

L'exercice n'est pas simple, car la technicité extrême du sujet, savamment entretenue par certains grands banquiers, empêche le plus souvent le citoyen lambda de comprendre les tenants et les aboutissants d'un monde pourtant à l'origine de bien des maux de notre société. Il n'y a qu'à poser un regard sur l'histoire récente pour constater que « l'adversaire » désigné de François Hollande lors de son discours du Bourget en janvier 2012, a causé des blessures profondes à notre économie, dont les plaies ouvertes après la chute de la banque Lehman Brothers en 2008 ne se sont toujours pas refermées.

Pour éviter qu'une telle catastrophe se reproduise, des tentatives d'encadrement des activités spéculatives des banques ont bien été entreprises. Mais les banques ont in fine toujours obtenu gain de cause, jouant sur la complexité de leurs activités face à des dirigeants politiques souvent démunis. Or c'est bien connu, dans le doute, un dirigeant politique n'agit pas.

Le grand procès de la finance

« Les aventuriers de la finance perdue » tente de vulgariser, sans trop simplifier, ces mécanismes sinueux de la finance internationale. Dans leur ouvrage, les deux auteurs mettent en scène un grand procès de la finance, où l'on retrouve sur le banc des accusés un trader nommé Jérome K, mais aussi, en tant que grand témoin, un dirigeant d'un grand établissement bancaire, Monsieur Paiebureau, et les analyses en coulisse de l'éminent économiste Monsieur Tiképy. Toute ressemblance avec des personnages existants serait bien évidemment purement fortuite...

Trading, contrôle des risques, produits dérivés, chambres de compensation etc., les agissements les plus complexes de la haute finance sont très bien décrits, parfois moqués par les auteurs, le plus souvent avec justesse. Ils notent par exemple que rien ne permet de justifier la rémunération des traders, ce qui fait d'eux « des rentiers ».

La finance, mal réglée, ça pollue

Les grandes banques ne voient toutefois pas où est le mal dans leurs activités les plus spéculatives. Pire, elles expliquent que si l'on tente de les réguler afin de prévenir les risques de crise, cela nuira au financement de l'économie et donc à l'intérêt général. Ce à quoi le juge du procès fictif des aventuriers de la finance perdue répond : « la finance, c'est comme une voiture, bien utilisée, c'est utile. Mais mal réglée, ça pollue et ça peut créer des accidents ».

De la nécessité de l'encadrer. Mais les dirigeants européens et internationaux sont donc encore loin d'avoir remporté la bataille. Et il est permis de penser qu'au regard du poids pris par la finance dans notre économie, ils n'y arriveront pas. Seule la mobilisation citoyenne pourrait faire bouger les lignes. C'est d'ailleurs le message de cet ouvrage qui, en guise de jugement final, nous exhorte, citoyens, à « mesurer les rapports de force de cette bataille et de nous faire entendre ».

*Economix (2012), de Michael Goodwin, illustration de Dan Burr, aux éditions les Arènes.

** Les aventuriers de la finance perdue, de Chavagneux et James, à paraître le 30 mars aux éditions Casterman, 15,95 euros.