Aéronautique, cybersécurité... pourquoi la Bretagne peine-t-elle à recruter ?

Par Pascale Paoli-Lebailly, à Rennes  |   |  790  mots
La filière de l'aéronautique recrute en Bretagne. Pourtant, elle peine à trouver localement les profils variés - diplômés mais pas seulement - qu'elle recherche. Pour faire passer à l'Ouest de nouveaux talents, 21 entreprises ont donc proposé, du 23 au 25 juin, 250 postes en fonctions production et conception, à pourvoir immédiatement lors du Salon du Bourget.
Tourneurs-fraiseurs, opérateurs production, ingénieurs... depuis le CAP jusqu'au Bac+8, la filière de l'aéronautique recrute en Bretagne. Idem pour la cybersécurité qui recherche des responsables SSI et des architectes sécurité maîtrisant les langues étrangères. Mais ce n'est pas si simple. Les entreprises en pointe dans ces filières peinent à trouver les bons profils. La Bretagne s'emploie donc à gagner en visibilité et en attractivité, et le fait savoir.

Chefs de projets, agents de maintenance, tourneurs fraiseurs conception ou opérateurs de production : du CAP à Bac + 8, la filière de l'aéronautique recrute en Bretagne. Pourtant, elle peine à trouver localement les profils variés - diplômés mais pas seulement - qu'elle recherche. Faute de visibilité des PME et d'attractivité pour les entreprises industrielles. Pour faire passer à l'Ouest de nouveaux talents, 21 entreprises ont donc proposé, du 23 au 25 juin, 250 postes en fonctions production et conception, à pourvoir immédiatement lors du Salon du Bourget. Profitant de cette vitrine pour la filière aéronautique et spatiale, cette première opération de communication et de recrutement montée par BDI, l'agence régionale de développement économique et l'IEF Aéro, s'est tenue sur le pavillon Bretagne pendant les journées grand public.

Sessions de job dating avec des recruteurs, collecte de CV, rencontres avec les organismes de formation bretons comme le centre de R&D pour les technologies laser, Institut Maupertuis près de Rennes : au-delà des entreprises participantes, c'est l'ensemble des 120 PME et 10 grands groupes spécialisés dans l'aéronautique, le spatial et la défense en Bretagne qui ont été mis en lumière. Cette action est complétée par le « Metal Job » organisé par l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) et Pôle emploi en relais auprès des demandeurs d'emploi. Quatre chargés de mission installés dans chacun des départements bretons transmettent les offres d'emploi et identifient des candidats.

Artisan d'art et pièces de dentelle

Le bilan en termes de taux de recrutement sur les postes à pourvoir n'est pas encore tiré, mais pour Isabelle Roudaut, déléguée générale de l'IEF Aéro, cluster qui fédère une soixantaine de PME du secteur, il est déjà globalement positif. « Cela contribue déjà à faire rayonner une image industrielle de la Bretagne qui ne va pas de soi assure-t-elle. Le territoire n'est pas naturellement identifié comme une terre de l'aéronautique. La filière représente 8 000 emplois directs en Bretagne, mais c'est comme un iceberg, avec une partie émergée que sont les grosses entreprises comme Thales, Dassault et DCNS. Et une partie immergée, les PME de l'électronique à l'usinage et à la plasturgie, qui assurent la sous-traitance mais peinent à recruter. »

Face aux fabricants d'avions pratiquant la haute couture, la Bretagne s'apparente volontiers à « l'artisan d'art qui fournit les pièces de dentelle. » Elle est d'ailleurs plutôt reconnue comme fournisseur de savoir-faire et de technologies de pointe. Actuaplast (plasturgie), Armor Meca (usinage complexe), ou encore Interface Concept (construction de calculateurs) sont quelques-unes des entreprises spécialisées dans la conception et la fabrication de sous-ensembles mécaniques et électroniques ou dans les composants à forte valeur ajoutée. Avec des pépites comme Syrlinks à Rennes, qui produit des équipements de radiocommunication et de positionnement pour la défense, la sécurité et le spatial, la Bretagne s'est aussi forgé une expertise dans le spatial et l'exploitation des données satellitaires.

Cyber : image attractive et volume d'opportunités en hausse

Tout un pan de ce secteur est d'ailleurs tiré par l'industrie de défense et de sécurité. Or paradoxalement, côté recrutement, la filière de la cybersécurité bretonne est elle aussi en tension. Contrairement à l'aéronautique, la Bretagne, où sont implantés des groupes comme DCNS, Thales, Orange ou Nokia, peut capitaliser sur sa bonne image. Une récente étude de l'Apec sur l'enjeu des compétences signale même que parmi les cadres informaticiens prêts à changer de région, 24 % ciblent la Bretagne, région la plus attractive avec la Nouvelle-Aquitaine et Provence-Alpes-Côte d'Azur. Elle confirme aussi qu'entre 2014 et 2016, le volume d'opportunités d'emploi a quadruplé et que ce secteur sera très porteur d'ici à 5 ans. Seul bémol :  il n'y a pas suffisamment de candidats pour répondre.

Dans les métiers de niveau cadre, spécialisés dans la conception de produits et systèmes sécurisés (architectes, développeurs), dans l'administration de la sécurité (RSSI, ingénieur SOC, gestionnaire de crise), ou encore dans le conseil et l'audit de sécurité, les entreprises s'arrachent les meilleurs. Les 140 entreprises recensées et spécialisées dans la cybersécurité embauchent plus de deux personnes chaque année. Au total, ce sont plus de 300 offres d'emplois qui circulent.  Malgré la croissance du nombre de personnes formées, « le marché est en tension et les entreprises ont des difficultés à trouver les bons profils » note Pierre Lamblin, directeur des études à l'Apec. Les conclusions de l'étude doivent donc servir socle à un plan d'actions visant à répondre, dès cette année, aux besoins dans ce secteur-clé.