Et si l’Etat vendait l’aéroport de Toulouse aux Chinois ?

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  955  mots
L'aéroport de Toulouse-Blagnac
Seul un consortium sino-canadien a déposé une offre ferme à côté de celles d'Aéroports de Paris et Vinci. Selon la presse régionale, il aurait fait la meilleure offre financière.

Sixième aéroport français,Toulouse-Blagnac va-t-il passer aux mains d'investisseurs chinois ? La question se pose dans la mesure où, à côté des deux consortiums français emmenés respectivement par Aéroports de Paris et Vinci Airports, seul un consortium sino-canadien, composé de trois investisseurs chinois (Shandong High Speed Group, un fond d'investissement de Hongkong et l'aéroport de Shenzen) et du groupe canadien d'ingénierie et de construction SNC-Lavalin - lequel gère 16 aéroports en France dont celui de Toulouse-Francazal - a déposé une offre ferme pour la privatisation de l'aéroport de Toulouse-Blagnac avant la date limite du 31 octobre.

Tous les autres prétendants qui avaient manifesté leur intérêt en septembre ont jeté l'éponge, certains, comme la banque australienne MacQuarie à cause de l'incertitude règlementaire en France après la gestion du dossier Ecomouv, d'autres, comme AviAllaiance, concessionnaire des aéroports de Hambourg, Athènes et Budapest, par crainte que la présence d'investisseurs chinois parmi les postulants n'entraîne une surenchère.

Le prix est le principal critère

Cette dernière offre est-elle la plus élevée ? C'est la grande question qui taraude les différentes parties prenantes de ce dossier. La Dépêche l'affirme dans son édition du 4 novembre 2014. "L'écart de prix avec les concurrents est significatif", assure notre confrère.

Le prix est le principal critère fixé par l'Etat dans son cahier des charges. Pour de nombreux experts du monde aéroportuaire, les 49% que cède l'Etat valent aux alentours de 250 millions d'euros. "Ces dernières années, les aéroports se vendent 13 à 16 fois l'Ebitda (résultat avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement). Si le consortium étranger est largement au-dessus, quel impact sur l'évolution des redevances aéroportuaires prélevées aux compagnies aériennes ?", relève l'un d'eux.

En attendant, si le consortium sino-canadien a proposé beaucoup plus, il aurait de facto un coup d'avance sur ADP et Vinci. Une perspective qui en embarrasse plus d'un. "Que fera-t-on si l'offre est largement au dessus de celle d'ADP et de Vinci ?" s'interroge un protagoniste de ce dossier. L'Etat va-t-il se débrouiller pour favoriser les offres françaises comme certains le pensent ?

"On ne peut pas tordre les règles. Il y a une jurisprudence du Conseil d'Etat, c'est le prix qui compte", explique quant à lui un proche du dossier. Il y des règles, l'Etat ne peut pas faire n'importe quoi", poursuit-il.

"Il y a quelques années, Aéroports de Paris et Vinci étaient entrés au capital de l'aéroport de Pékin. Il serait aujourd'hui curieux que la France refuse ce que la Chine a accepté", fait valoir une source chinoise.

Vinci vise un doublement du trafic

Les projets industriels auront-ils leur importance ? "Si l'écart de prix est inférieur à 10% environ la pertinence des dossiers industriels peuvent jouer pour départager les candidats", assure-t-on à La Tribune. "Même si l'écart est supérieur, l'Etat devra apprécier la crédibilité des offres", veut croire un observateur.

Pas de surprise du côté d'Aéroports de Paris et de Vinci. Leur solidité financière est connue de tous. Tous deux, ont démontré leur savoir faire dans la gestion et la valorisation des actifs aéroportuaires. Leur expérience dans le développement des commerces et les possibilités de faire des synergies avec les aéroports qu'ils détiennent sont des atouts. Vinci par exemple parvient à générer dans les aéroports portugais, rachetés l'an dernier, un trafic supérieur aux prévisions. Selon nos informations, il viserait à Toulouse, un doublement du trafic sur la durée restante de la concession, soit 15 millions à l'horizon 2030.

En face, "SNC Lavalin ne gère que des petits aéroports", note un observateur hostile à l'offre du groupe canadien avec les Chinois. Au-delà, c'est le projet de développement du consortium sino-canadien qui interpelle. Ce dernier le fait reposer sur l'ouverture de vols par des compagnies chinoises entre la Chine (et en particulier Shenzen) et Toulouse pour faire de la Ville Rose un point d'entrée en Europe pour une clientèle "touristique chinoise de qualité et de les faire transiter ensuite vers d'autres villes en France et en Europe", explique un connaisseur de l'offre sino-canadienne.

Les Chinois veulent développer des lignes entre la Chine et Toulouse

Une offre qui permettrait selon lui de susciter un développement des lignes de la part d'autres compagnies, "faisant de Toulouse une sorte de hub". "Toulouse n'a pas le potentiel d'un hub, ne serait-ce que par sa situation géographique excentrée en Europe" explique un expert.

Un tel projet comporte par ailleurs son lot d'incertitudes puisqu'il suppose que le consortium parvienne à convaincre les compagnies chinoises de desservir Toulouse. Ce qui est loin d'être évident. D'autant plus que deux des plus grosses compagnies chinoises China Eastern, et China Southern sont partenaires d'Air France sur les vols entre la Chine et Paris. Et disposent déjà à Roissy d'une offre de vols en correspondances très étoffée. Par ailleurs, pour une desserte de Toulouse, les compagnies chinoises devront obtenir des droits de trafic (autorisations de vols) entre la France et la Chine.

Les trois projets vont être présentés aux collectivités locales qui donneront un avis. L'agence de participations de l'Etat (APE) devrait trancher d'ici à 15 jours. L'opérateur retenu rachètera 49,99% du capital de l'aéroport détenu à 60% par l'Etat, avec une option de vente pour les 10,01% restants. Aujourd'hui les autres actionnaires de l'aéroport toulousain sont la Chambre de commerce et d'industrie de Toulouse (25%), la Région Midi-Pyrénées (5%), le Département de Haute-Garonne (5 %) et Toulouse Métropole (5 %).