Municipales 2014 : Nantes s'affiche comme « la ville des courtes distances »

Par Frédéric Thual, à Nantes  |   |  1293  mots
Reuters
Jusqu'aux élections municipales des 23 et 30 mars prochains, La Tribune analysera les enjeux du scrutin dans une vingtaine des principales villes françaises. Premier volet : Nantes. La métropole, labellisée Capitale verte de l'Europe 2013, veut limiter l'étalement urbain. Les questions de logement et de transports seront au coeur des débats électoraux.

Vu du 36e étage de la Tour Bretagne, les grues dominent le ciel nantais. Depuis l'adoption d'un programme local de l'habitat en 2004, la feuille de route de la métropole nantaise est claire : construire 5.000 logements neufs chaque année, dont 25% de logements sociaux et presque autant de logements « abordables ».

Et ce, « pour accompagner la croissance démographique et lutter contre l'étalement urbain », indique Alain Robert, adjoint à l'habitat de la ville de Nantes où la population est passée de 245.000 à 285.000 habitants au cours des vingt dernières années.

Selon les prévisionnistes, la métropole devra accueillir 100.000 habitants supplémentaires à l'horizon 2030. L'objectif est donc de reconstruire la ville sur la ville, de densifier l'habitat le long des axes de transport pour éviter un étalement urbain écologiquement et financièrement rédhibitoire pour les familles et la Communauté urbaine qui tient, plus que tout, à conserver ses ouailles pour financer la qualité de services attendue.

Nantes, coûteuse ou inappropriée ?

Si la population augmente depuis le début des années 1980, la croissance est deux fois moins importante au cours de la dernière décennie. Surtout, entre 1999 et 2010, le nombre de couples avec enfant a diminué d'environ 10% sur la ville de Nantes, devenue coûteuse ou inappropriée. Celle-ci a notamment souffert des effets pervers d'une politique en faveur du logement social où les constructeurs ont répercuté le manque à gagner sur le logement privé, provoquant une douloureuse montée des prix, une désaffection des jeunes ménages et des investisseurs en plus de la grogne des professionnels de l'immobilier.

Tout en renforçant la politique en faveur du logement social (de 25% à 35%), la candidate socialiste pour les municipales 2014, Johanna Rolland, entend développer la part du logement dit « abordable » (2.600 /m²) pour retenir les classes moyennes.

Parmi les 3.000 logements neufs construits chaque année sur la ville, les opérations publiques comprendront 750 logements sociaux et 700 logements abordables. La question de l'habitat est devenue cruciale pour une cité qui s'affiche comme la « ville des courtes distances » où tout est intimement lié.

« Lorsqu'on a adopté le Plan climat en 2007, on a bien vu qu'il fallait coordonner le logement, les transports, la transition énergétique C'est cette approche globale qui a retenu l'attention de l'Union européenne », rappelait Patrick Rimbert, maire de Nantes, labellisée Capitale verte de l'Europe 2013.

« Nous avons réussi à faire converger le Plan local d'urbanisme (PLU), le Programme local de l'habitat (PLH), le Plan de déplacement urbain (PDU) et le Plan climat énergie territorial (PCET), sans quoi, rien ne marchera jamais », se félicite Gilles Retière, président de Nantes Métropole.

L'intermodalité au coeur du transport collectif

« La grande chance de la municipalité actuelle est d'être arrivée en 1989. Tout en voulant accroître l'attractivité de la ville à l'international et donner une vocation européenne à la métropole, 2008 constituait donc une étape et s'inscrivait dans la continuité de la politique déjà engagée », reconnaît Pascal Bolo, adjoint au maire de Nantes.

Le dernier mandat a donc permis d'enfoncer le clou. Sur l'un des chantiers de réhabilitation urbaine le plus important d'Europe, l'île de Nantes a vu s'ériger de nombreux logements et bureaux. Le réseau de transport collectif s'est densifié (Busway, Chronobus, extension du tramway) et l'intermodalité (vélo à la demande, autopartage) a émergé. Des quartiers populaires comme Malakoff ou Bottière-Chénaie ont été réhabilités.

Au coeur du dispositif, le réseau de transport collectif a vu sa fréquentation passer de 111 à 127 millions de voyageurs en cinq ans. 60% empruntent le tramway, relancé en 1985, qui a fait de la cité des ducs de Bretagne une des pionnières en matière de transport en commun. Expérimenté en 2009 pour irriguer le sud de l'agglomération, le Busway, véhicule articulé empruntant une voie routière dédiée, a inspiré la création de sept lignes de Chronobus, rapides et cadencées, entre septembre 2012 et septembre 2013 à travers l'agglomération. Elles seront très prochainement étoffées de trois nouvelles lignes.

Un choix économique autant qu'un chantier de référence pour l'équipe municipale, au regard d'un réseau enrichi de pistes cyclables, des points d'autopartage, d'accès au vélo en libre-service, de parking relais L'intermodalité est en route. Dans une agglomération où 16 % des déplacements sont effectués en transport en commun, les automobilistes grognent dans les voies ouvertes au Chronobus.

Accéder au centre-ville autrement

Si l'exploitant du réseau multiplie les tarifs spéciaux (Libertan) et la dématérialisation des titres de transport, le prix du ticket sera au coeur de la prochaine bataille municipale.

« Nantes est passé de la 15e à la 5e place et figure parmi les villes où le ticket de tram est le plus cher de France », dénonce Laurence Garnier, candidate UMP à la mairie de Nantes, qui considère que les habitants sont pris en otage entre des coûts de stationnement et de déplacements prohibitifs.

Pour Johanna Rolland, adjointe à la politique de la ville et donc candidate adoubée par l'ancien maire, Jean-Marc Ayrault, s'il est « nécessaire d'écrire une nouvelle page pour Nantes et de faire bouger les lignes », pas question pour autant de revenir sur les choix passés quand la croissance démographique a amené 21.000 nouveaux véhicules dans la ville.

« Je veux développer les moyens d'accéder au centre-ville autrement qu'en voiture », prévient-elle, préférant la mise en oeuvre d'un service de location longue durée de 5.000 vélos, la création de deux nouveaux parkings (1.000 places) dans le centre, de 3.000 places supplémentaires dans les parkings relais ou, plus surprenant, l'ouverture à l'usage public d'espaces de stationnement privés, quand ils sont inutilisés

Une chose est sûre, l'arrivée d'une génération de trentenaires aux commandes de la ville amènera de nouvelles méthodes.

_____

>>> FOCUS L'opposition sur les rails

PASCALE CHIRON (EELV)

« L'avenir de Nantes mérite bien un débat ! » lance Pascale Chiron (EELV), membre de l'équipe municipale. « Entre le premier mandat et le deuxième, nous sommes passés d'un état de coopération à une situation conflictuelle », dit-elle. « Il est temps de tout remettre à plat. La démocratie participative n'a pas bien fonctionné. Tout comme le développement du Bicloo lié à un contrat publicitaire. Ce n'est pas l'idée que je me fais d'un service public de la mobilité », estime-t-elle.

Elle propose de rééquilibrer l'offre de transport entre le centre-ville et la périphérie, de créer des tronçons de lignes de tramway radiales en périphérie pour éviter de repasser par le centre-ville, de créer un pass unique pour le transport public et faciliter ainsi le passage de la voiture au tramway, de créer des parkings silos pour les résidents et un ticket de groupe (5 personnes) pour 5 euros /24 heures

LAURENCE GARNIER (UMP)

« Si Jean-Marc Ayrault a su réveiller Nantes dans les années 1990, la dynamique est aujourd'hui à bout de souffle. La ville perd de ses habitants et de son attractivité. La mixité sociale ne doit pas se faire au détriment des classes moyennes obligées de quitter la ville. Au regard des 52 % de personnes vivant seules en centre-ville, j'aimerais que l'on parle aussi de mixité générationnelle », dit-elle, proposant la création d'un village intergénérationnel pouvant accueillir 1 000 personnes âgées et 1 000 jeunes ménages.

En contrepartie d'un loyer modéré, ces derniers s'impliqueraient dans le développement de services. Sur le chantier des transports, elle envisage une remise à plat des conditions tarifaires, la création de 1 500 places de stationnement et des parkings silos au niveau intermédiaire plutôt que des parkings relais en bout de ligne.