A Nantes la culture devient moyen de développement économique

Il y aura la fontaine de la Place Royale transformée en un mur d'escalade, le 36ème étage de la Tour Bretagne mué en un lieu de restauration et de contemplation aux allures de nid de cigogne, le rond-point de la place Graslin recouvert d'une immense motte de compost où les nantais pourront bientôt y ramasser des légumes, une boutique du passage Pommeraye décorée par Agnès Varda à l'identique de la boutique de Michel Piccoli dans «Une chambre en ville», des croisières gastronomiques sur la Loire, des diners secrets pour 200 convives dévoilés au dernier moment par SMS ..., et à partir du 15 juin jusqu'au 19 août , il y aura le « Voyage à Nantes ». Plus qu'une simple opération artistique, « c'est le point de départ d'une politique culturelle et touristique qui affirmera au cours des dix prochaines années », affirme Jean Blaise, appelé par Jean Marc Ayrault, il y a deux ans, pour faire mettre Nantes au diapason des métropoles européennes.« Nous n'avons pas ici de lieu emblématique. Notre patrimoine est là, éparpillé sur 10 km, autour du passage Pommeraye, du Château des Ducs et de son musée d'histoire, de l'Eléphant, des Machines de l'île et du fil conducteur que constitue la Loire. Il restait à le mettre en scène et en valeur », admet le créateur de la scène nationale du Lieu Unique, des festivals des Allumés, de la Nuit Blanche parisienne ou de la biennale d'Art contemporain « Estuaire » organisée en 2007 et 2009, dont une grande partie d'œuvres pérennes constitue une proposition inédite d'œuvres contemporaines. Cette troisième édition doit servir de tremplin au « Voyage à Nantes, une ville renversée par l'art. »Le gisement du tourisme d'agrément«Nous avons dû créer du lien pour rendre l'ensemble cohérent », explique Jean Blaise, au commande d'une équipe de 250 personnes. Le tout prend la forme d'un parcours de 8,5 km ponctués d'une quarantaine d'étapes où sont mis en valeur le patrimoine historique local, animations et des créations artistiques commandées à des artistes de renommées régionales, nationales et internationales. Des œuvres présentées à Nantes, mais aussi tout au long de la Loire jusqu'à son embouchure.S'il représente la première économie du pays, le tourisme demeurait une denrée rare pour les ressources nantaises. Si bon an mal an, le tourisme d'affaires a su trouver sa place depuis la création de la cité des Congrès, le tourisme d'agrément constituait « un gisement à exploiter », ajoute Jean Blaise.. A l'exception de la Coupe du Monde de 1998 où quelques matchs joués à La Beaujoire ont fait sortir Nantes de son rôle de « belle endormie », il fallait attendre que la pluie tombe sur la côte pour que quelques touristes mouillés se replient sur le Château des ducs, site le plus visité de la ville, depuis sa lourde et réussie rénovation en 2007.Gagner 10 millions de plus la première annéeSituée à une à trois heures de voiture de la Bretagne, à deux heures de TGV de Paris, ou à une heure et demie de vol des principales capitales européennes, la capitale de l'Ouest est à la fois proche et loin de tout. C'est cette clientèle que le voyage à Nantes veut attirer. La première étude « sérieuse » sur le tourisme à Nantes date de 2011. Confiée à l'agence nantaise G&A, elle révèle que la ville accueille 200.000 visiteurs entre juillet et août. Dont la moitié vient de La Baule... La durée des séjours n'excède pas un à deux jours. Entre transport, hôtellerie et restauration, les retombées commerciales sont estimées à 42 millions. « L'objectif est d'accroitre la fréquentation de 20% cette année. Soit une augmentation de 10 millions », observe prudent Jean Blaise.Plus largement, il s'agit de mettre en place une offre pérenne pour faire de Nantes, non plus une ville de passage, mais une ville de destination. En ce sens, la communauté d'agglomération Nantes Métropole et la ville ont créé la SPL (Société Publique Locale) le « Voyage à Nantes », réunissant l'Office de Tourisme, la société d'économie Mixte « Culture et patrimoine » gérant principalement le Château des Ducs et les Machines de l'île, et le parcours artistique Estuaire. Détenue par Nantes Métropole (72%), la ville de Nantes (18%), le département de Loire-Atlantique et la région des Pays de la Loire pour 5% chacun, la SPL dispose d'un capital social d'un million. Ce dernier pourrait progressivement s'ouvrir à d'autres villes comme Saint-Nazaire.Un montage financier « peu ordinaire » proche de l'usine à gazPour 2012, la SPL dispose d'un budget de fonctionnement de 19,4 millions € pour le Château, Nantes-Tourisme, le Mémorial de l'abolition de l'esclavage, les Machines de l'île, etc... auxquels s'ajoutent des budgets exceptionnels pour la biennale Estuaire Nantes -Saint-Nazaire (8 millions sur 3 ans), le Voyage à Nantes (8 millions) la construction du Carrousel des Mondes marins (10 millions) qui doit être achevé pour le 15 juillet prochain. Un montage peu ordinaire pour les uns, une usine à gaz pour les autres. L'opération bénéficie de l'intervention d'une quarantaine de partenaires privés pour un montant d'environ deux millions. Chaque entreprise peut financer tout ou parti des œuvres ou plus simplement devenir membre du réseau économique « Voyage à Nantes » pour 1750 euros. Si la mobilisation reste forte, l'engagement serait lui, crise oblige, plus modéré.La mayonnaise va-t-elle prendre ? A bord d'un ancien combi Volkswagen, à l'effigie du « Voyage à Nantes », le staff multiplie les road-shows et les présentations dans les capitales régionales et dans certaines métropoles européennes (Manchester, Rome, Milan...) pour faire entrer Nantes dans le Top 5 des destinations urbaines françaises. Air France et la SNCF jouent le jeu avec des tarifs spécifiques. Un ensemble d'offres d'hébergement, de transport et de visite a été réuni sous la forme de « Pass » de 24, 48 ou 72 heures, accessible sur un site dédié. Car, « avec 3 français sur 4 qui voyagent au moins une fois dans l'année, dont 90% en France », le Voyage à Nantes entend bien capter une clientèle au-delà des périodes estivales.
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