« Vente-privée paie plus d’impôts que Google, Apple, eBay et Amazon réunis ! »

Par Propos recueillis par Delphine Cuny  |   |  984  mots
Jacques-Antoine Granjon a reçu François Hollande jeudi au siège de Vente-privée à Saint-Denis.
Jacques-Antoine Granjon explique son combat pour l’harmonisation fiscale européenne, contre la concurrence déloyale des géants américains. Un sujet abordé avec François Hollande lors de sa venue au siège de Vente-privée jeudi. Le fondateur et PDG du site de ventes événementielles dévoile aussi tous les chiffres de son activité en 2013.

François Hollande s'est rendu à votre siège jeudi. Quel était le but de sa visite ?

Jacques-Antoine Granjon : Lors d'une entrevue avec le Président de la République, je lui ai dit qu'à 10 minutes de l'Elysée, existent des entreprises qui ressemblent à celles de la Silicon Valley ! Il a donc décidé de venir nous voir à Saint-Denis avant son voyage aux Etats-Unis. Il est resté  plus d'une heure sur place, et a rencontré de nombreux collaborateurs. 2.100 personnes travaillent chez Vente-privée, deux tiers de femmes. Nos effectifs ont doublé en trois ans et nous avons embauché 624 personnes en 2013. Le Président montre ainsi un message fort aux entreprises et aux entrepreneurs.

Je suis entrepreneur, patriote et européen. J'aime la France, elle est fertile pour la création d'entreprises, nous avons tous les talents, les  infrastructures, la créativité. On sait tout faire en France ! Bien sûr, il y a une pression fiscale très importante, frein à la prise de risque et à la motivation, mais c'est ainsi aujourd'hui et je n'ai pas de problème à payer mes impôts en France. Éthiquement d'ailleurs, ce n'est pas possible pour moi de vendre plus de 70 millions de produits de marques aux Français et de partir m'installer à Bruxelles ou à Londres. 

Aviez-vous un message à transmettre au Président ? 

Le marché européen est fantastique pour les entreprises mais il faut en simplifier l'accès. Cela coûte cher et prend du temps de s'adapter à la législation et à la diversité de chaque pays. La taille du marché européen par rapport au marché américain est un vrai sujet. Quand je constate que Yahoo quitte la France pour l'Irlande, ce qui n'est pas légalement répréhensible, je me dis qu'il y a un problème d'harmonisation fiscale européenne. Et nous subissons la concurrence déloyale de toutes ces sociétés américaines  qui profitent des optimisations fiscales européennes. On ne peut pas le leur reprocher, cette optimisation est légale mais on peut le reprocher à ceux qui ne créent pas l'harmonisation fiscale européenne et rendent délicate pour de nombreuses entreprises françaises cette situation de concurrence déloyale. Avec Vente-privée, nous payons par exemple plus d'impôts en France que Google, Apple, Facebook, eBay et Amazon réunis, c'est un gag ! Cela freine nos investissements, nos embauches, notre politique de motivation des collaborateurs, etc...

Or nous sommes dans une guerre économique. François Hollande a envoyé des signaux forts d'évolution positive lors de ses vœux et de sa conférence de presse. Il va certainement maintenant les convertir en actes. 

Comment se passe votre implantation sur le marché américain ? 

Les États-Unis sont un marché difficile, où l'on ne nous attend pas. Les codes du discount et de la consommation sont différents, la compétition est extrêmement ardue et les entreprises américaines sont prêtes à utiliser un levier, un degré de financiarisation incroyable qui accélère la croissance alors que je penche pour un modèle de croissance profitable. En deux ans, nous avons beaucoup appris de nos erreurs et nous nous recentrons sur notre métier de déstockeur. Nous avons réalisé 800 ventes et un chiffre d'affaires de 50 millions de dollars en 2013, en croissance de 100%. Nous espérons être à l'équilibre sur le marché américain fin 2015 avec un chiffre d'affaires de plus de 100 millions de dollars. 

Avez-vous subi les effets de la crise en Europe ? 

L'activité se porte bien. Le marché du déstockage est très important. Vente-privée.com a réalisé un chiffre d'affaires de 1,6 milliard d'euros TTC, en hausse de 23%. Notre Ebit (résultat d'exploitation) est de l'ordre de 12% et notre rentabilité nette de 5-6%. Nous aimerions à terme que l'international pèse la moitié des ventes. La France en représente encore 78% car nous avons toujours une croissance forte en volumes, et c'est sur ce marché que nous lançons nos nouvelles initiatives, comme Miam Miam pour la vente de produits gourmands du terroir, ou Click & Drink, un abonnement sans engagement pour découvrir trois nouveaux vins sélectionnés chaque mois par nos sommeliers. 

Toutes ces nouvelles activités sont prometteuses, mais c'est dans le voyage que nous connaissons notre plus grand succès : vente-privée-voyages a réalisé 150 millions d'euros de chiffre d'affaires en deux ans et nous avons pour objectif d'atteindre 1 milliard d'euros dans quelques années sur ce secteur. Il est important de ne plus être dépendant de la fluctuation des stocks des marques. Le modèle vente-privée est déclinable à l'infini.

Avez-vous perdu l'usage de votre nom vente-privée ? 

Un certain nombre d'acteurs veulent acheter notre nom sur Google pour avoir plus de trafic sur leur site. L'affaire (le tribunal de grande instance de Paris avait déclaré la nullité de la marque vente-privée en novembre NDLR) a été simultanément remise en cause dans un autre cas où la marque vente-privée a été reconnue comme notoire. A suivre donc. C'est une bataille d'avocats. Nous attaquons tous ceux qui se livrent à du parasitage commercial. Je ne suis pas procédurier de nature mais je réagis à tout acte de concurrence déloyale.

Comment se passent vos relations avec le Qatar, entré dans votre capital ? 

Certains associés ont émis le vœu de sortir du capital, j'ai donc cherché de nouveaux partenaires désirant accompagner notre développement. Quatar Holding est un fonds prestigieux ayant une vision de long terme. Ils sont présents au capital du joailler américain Tiffany, du groupe de luxe suisse Richemont, de LVMH et du magasin londonien Harrod's. Ils sont entrés au capital de Vente-privée au 31 décembre dernier et détiennent une participation minoritaire; j'ai moi-même acquis des parts supplémentaires avec certains associés historiques et renforcé mon contrôle à cette occasion.