« Free a de quoi plaire au régulateur américain qui veut plus de concurrence »

Par Propos recueillis par Delphine Cuny  |   |  619  mots
L’arrivée d’un acteur disruptif tel que Free sur le marché américain, s’il rachète le quatrième opérateur, T-Mobile USA, serait bien perçue par le gendarme des télécoms qui souhaite plus de concurrence et d’innovation, explique Peter Sondergaard, le directeur de la recherche du cabinet Gartner.

Quelles sont les chances de succès d'Iliad sur le marché américain ?

Peter Sondergaard : Le marché des services télécoms aux Etats-Unis est extrêmement concentré, à la fois dans le fixe et dans le mobile, c'est encore plus saisissant si on le compare à l'Europe. Il y a une opportunité pour Iliad avec le retrait de Sprint [le numéro trois du mobile, contrôlé par le japonais Softbank] qui a abandonné son projet de fusionner avec T-Mobile, découragé par les implications réglementaires.
Le marché mobile américain est aussi extrêmement statique en termes de structure tarifaire et assez conservateur en matière de services : il n'y a pas beaucoup d'innovations. Si Free applique aux Etats-Unis sa philosophie, consistant à apporter plus de valeur au consommateur, il peut sans doute reconstruire l'offre de service et se montrer disruptif, avec son expertise en marketing.
Ceci dit, le marché américain est très complexe, notamment parce que les grandes métropoles les plus peuplées sont verrouillées par les deux plus gros acteurs [Verizon et AT&T].

Comment l'arrivée de l'opérateur français serait-elle accueillie aux Etats-Unis ?

Le régulateur américain - la FCC, l'autorité de régulation des communications - a dit qu'il aimerait plus de concurrence dans le mobile. Il serait intéressé par l'arrivée d'un nouvel acteur pouvant apporter de l'innovation et qui ne soit pas gêné par un trop fort endettement. Iliad est donc bien avisé de chercher des partenaires pour boucler son offre, que ce soit avec des fonds de private equity ou des industriels. On pourrait imaginer que des opérateurs sud-américains ou le japonais NTT, qui a du cash, puissent être intéressés de prendre un ticket sur le marché américain.
Contrairement aux analystes financiers, je pense qu'une acquisition de T-Mobile par Free est un scénario bien plus plausible que celui d'un rachat par un autre opérateur américain, parce que Free peut raconter une belle histoire plaisant au régulateur. Or la téléphonie mobile est un marché très régulé.

Free se targue de pouvoir réduire de 2 milliards les coûts de T-mobile : cela vous paraît-il faisable ?

Ce n'est pas si facile d'éliminer les coûts d'un réseau existant, en informatique, en logiciel, etc. Tous les grands opérateurs, américains et européens, essaient de le faire depuis plusieurs années. Gérer une base installée est un job très différent que de partir d'une feuille blanche comme Free l'a fait dans le mobile en France. Mais ils ont annoncé qu'ils s'appuieraient sur des spécialistes de la chasse aux coûts, ce qui leur sera sans doute nécessaire.

Free pourrait-il transformer T-Mobile en opérateur intégré ?

Free pourrait peut-être nouer des partenariats et proposer plus de contenus accessibles sur mobile. AT&T et Verizon sont présents sur le marché du fixe, mais ce dernier est dominé par les gros câblo-opérateurs, qui tirent profit de leur accès aux contenus. Les « câblo » font une incursion dans le sans fil en se mettant à déployer des réseaux de hotspots WiFi gratuits pour leurs clients dans les zones métropolitaines.
Le consommateur n'a généralement pas le choix entre de nombreux fournisseurs d'accès localement, il y a peu de concurrence et peu d'innovation en matière de débit. C'est d'ailleurs pour cela que Google déploie de la fibre à 1 Gigabit/seconde à Kansas City et à terme dans une trentaine de villes. Et c'est pour cela qu'il serait bon d'avoir un acteur disruptif sur le marché américain.