Apple : tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l'entreprise la plus secrète du monde

Par Delphine Cuny  |   |  800  mots
DR. Le livre d'Adam Lashinsky, aux éditions Dunod, sort le 18 avril en France.
« Tout le monde chez Apple veut partir et tout le monde à l'extérieur d'Apple veut y entrer ». Le livre "Inside Apple" d'Adam Lashinsky, journaliste du magazine américain « Fortune », qui sort le 18 avril en France et lève le voile sur les méthodes de management de l'entreprise de Cupertino, ne donne pas une image particulièrement flatteuse de l'ambiance qui y règne.

Un sujet en or, un titre alléchant : « Inside Apple », littéralement « à l'intérieur de la Pomme », propose de découvrir « les coulisses de l'entreprise la plus secrète au monde. » Sorti en janvier dernier aux Etats-Unis, cet ouvrage signé d'un journaliste du magazine américain « Fortune », Adam Lashinsky, sort en librairie en France mercredi prochain. De la carte de la cafétéria « splendide », « assez bonne » mais payante pour les salariés, à la différence de chez Google, où l'on sert du flétan grillé sur un lit d'épinards et de patates douces pour 7 dollars, au labo secret dévolu au packaging, où des centaines de modèles de boîtes sont testées, ce petit ouvrage de 240 pages, aux éditions Dunod, regorge d'anecdotes amusantes ou édifiantes, dont quelques-unes déjà lues dans la biographie autorisée, "Steve Jobs », la somme de plus de 600 pages de Walter Isaacson parue en octobre dernier chez JC Lattès. Mais « Inside Apple » apporte surtout un regard critique, une analyse de la culture managériale d'Apple et une vision « d'en bas », des salariés de la firme de Cupertino.

Hermétique et ultra-sécurisé
Adam Lashinsky s'est particulièrement penché sur la culture du secret de la firme, qui règne également en interne. Par exemple, « de nombreux salariés sont engagés pour des postes factices, des fonctions qui ne leur sont jamais clairement explicitées avant leur arrivée », par crainte de fuites à l'extérieur. Idem lors de réunions internes : Bob Borchers, un cadre du marketing produit au tout début de l'iPhone, raconte ainsi qu'en procédant au traditionnel tour de table de présentation des participants à un meeting, « la moitié des gars ne peuvent pas dire ce qu'ils font parce que c'est un projet secret pour lequel ils ont été engagés. »

L'entreprise fonctionne en silos « en isolant les salariés les uns des autres » : ainsi, ceux travaillant sur le lancement de l'iPhone n'étaient pas en contact avec ceux de l'iPod. L'auteur évoque aussi « un système de castes officieux, les designers industriels sont intouchables » ainsi qu'un petit groupe d'ingénieurs, les « ingénieurs, scientifiques et techniciens distingués » (dits DEST en anglais), sans responsabilité managériale mais ayant du poids dans l'organisation. Le culte du secret c'est aussi l'autocensure de salariés qui « ne se mêlent pas à l'écosystème de la Silicon Valley », les documents secrets remis en « un exemplaire papier encodé comme un billet de banque », assortis de clause juridique de licenciement immédiat en cas de divulgation.

C'est aussi les cloisons érigées pour barricader des bureaux, les « chambres fortes » sans fenêtre et les zones interdites d'accès à la quasi-totalité des salariés dans un bâtiment très sécurisé, où il faut « badger » en entrant et en sortant de chaque zone : « au contraire du célèbre Googleplex, où un visiteur peut arpenter les cours intérieures et se glisser par une porte ouverte dans les bureaux, les bâtiments d'Apple sont totalement hermétiques » écrit l'auteur d'« Inside Apple. »

Des bureaux ternes, une culture peu joyeuse
Car il ressort un goût un peu amer de cette plongée au c?ur de la Pomme, aux « bureaux décorés de façon terne » : « Apple n'est même pas un endroit où il est particulièrement agréable de travailler » estime Adama Lashinsky. Et d'ajouter plus loin « presque personne ne décrit le travail chez Apple comme étant sympa » : « lorsque vous êtes sur le campus, vous n'avez jamais le sentiment que les gens se laissent aller » rapporte un observateur familier du siège. La culture de l'entreprise est « peut-être coopérative mais pas pour autant spécialement joyeuse. »

Malgré le système informel de parrainage avec un « iBuddy » (« iCamarade ») pour les nouvelles recrues, ces dernières doivent se débrouiller seules pour connecter leur ordinateur par exemple. Pas d'organigramme officiel, juste un annuaire électronique interne très complet, pas de centres de profits, pas de budget serré par divisions mais un puissant outil de management baptisé « le concept de responsabilité », sous l'acronyme DRI pour « individu directement responsable », qui désigne « la personne qui, pour une mission donnée, sera convoquée si les choses ne tournent pas rond ». Et passera sans doute un sale quart d'heure. On entrevoit une ruche studieuse où chacun est prié de « laisser sa personnalité au vestiaire » et d'épargner à ses collègues le récit de son week-end. Culture d'excellence, pression très forte, mentalité concurrentielle et peu de mobilité interne : Apple aurait même « plutôt une culture du remplacement que de la promotion » en allant recruter à l'extérieur. Une formule circulerait à Cupertino : « tout le monde chez Apple veut partir et tout le monde à l'extérieur d'Apple veut y entrer. »