Jeux vidéo : l'excellence française confrontée à la fuite des talents

Par Charles de Laubier  |   |  646  mots
Annoncé pour novembre 2014, Assassin's Creed Unity sera le 7e opus du célèbre jeu d'aventure et d'infiltration édité par Ubisoft. L'intrigue se déroulera dans le Paris de la Révolution.
Malgré un soutien public puissant, des champions mondiaux et des développeurs recherchés, l'industrie française du jeu vidéo n'échappe pas aux défis de la mondialisation, ni à la bataille pour retenir les talents.

Trois sociétés françaises productrices de jeux vidéo se situent dans le top 10 du panorama des éditeurs de logiciels français réalisé par EY pour le Syntec Numérique. Il y a tout d'abord Ubisoft Entertainment (avec 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires annuel à fin mars 2014), qui se place en deuxième position du classement général juste derrière le fleuron français du logiciel, Dassault Systèmes. Et plus loin, Gameloft (230 millions de revenus l'an dernier) arrive en huitième position. Autre français, Avanquest Software (100 millions) finit en onzième position.

Selon le Syndicat national des jeux vidéo (SNJV), la France compte aujourd'hui plus de 23.000 emplois directs et indirects dans cette industrie culturelle ludique, dont plus de 3.000 dans la production de jeux proprement dite, au sein d'environ 350 sociétés présentes dans le secteur. L'industrie française du jeu vidéo bénéficie d'un terrain favorable, entre crédit d'impôt jeu vidéo (CIJV) depuis 2008, aides du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et soutien à l'export (80% de sa production destinées à l'international).

La France est également bien dotée en formation à la création vidéoludique, grâce à des écoles d'ingénieurs ayant créé des filières dédiées aux jeux vidéo, à des instituts de formation en graphisme ou en animation (design, 3D, cinéma, images de synthèse...), ou encore des établissements spécialisés dans le jeu vidéo, comme Supinfogame ou l'Enjmin.

« Le talent des salariés français du jeu vidéo fait l'objet d'une large reconnaissance internationale. L'élite mondiale des programmeurs et des designers de jeux est en partie formée en France », s'étaient d'ailleurs félicités les sénateurs André Gattolin et Bruno Retailleau dans leur rapport sur le secteur, publié il y a tout juste un an.

Cette excellence des formations dispensées en France se vérifie notamment pour les graphistes, dont certains sont issus d'écoles comme celles dite des Gobelins (école de l'image de la CCI Paris Île-de-France) ou celle d'Angoulême (École nationale du jeu et des médias interactifs numériques). L'Hexagone a ainsi su, dès les années 1990, adapter l'enseignement artistique supérieur aux nouvelles technologies. Du graphisme, des arts décoratifs ou du cinéma d'animation jusqu'aux jeux vidéo (design, conception, narration et mécanique), il n'y a qu'un pas que franchissent tant les diplômés que des autodidactes.

Au Canada, le meilleur crédit d'impôt

Mais il y a un sérieux bémol à cette french touch et à ce made in France vidéoludiques : les équipes de production étaient trois fois plus nombreuses il y a quinze ans. Au moment où l'industrie est en pleine mutation (déclin du physique et basculement vers les produits en ligne), l'année 2013 a été marquée par la disparition de nombreux producteurs de jeux vidéo et l'arrivée de nouvelles équipes, notamment dans la réalisation des jeux pour mobiles.

Le SNJV met en garde contre « ce phénomène et une fuite incontestée des talents ».

« L'enjeu est donc désormais de garder et de pérenniser ces équipes réputées mondialement », prévient ce syndicat présidé par Nicolas Gaume, ex-fondateur de Mimesis Republic (société liquidée en 2012) et ex-fondateur de Kalisto Entertainment (liquidée en 2002).

La France n'a pas le monopole de l'excellence dans le domaine. D'autres pays -tels que le Canada, la Corée du Sud et l'Inde - sont aussi en pointe avec des politiques publiques de soutien parfois bien meilleures. Le crédit d'impôt canadien, par exemple, s'élève à 37,5 %, contre 20% en France. Et Jean-Paul Simon, coauteur de Digital Media Worlds (Palgrave Macmillan, 2014), rappelle que la Commission européenne aide aussi le jeu vidéo à travers son programme Media.