Comment l’intelligence artificielle pourrait doubler la croissance de la France

Par Sylvain Rolland  |   |  881  mots
Les effets combinés de l'intelligence artificielle, du cloud et du big data vont davantage transformer l'économie que toutes les autres technologies avant elle, y compris internet, estime une étude d'Accenture sur l'intelligence artificielle. (Crédits : © Kevin Coombs / Reuters)
Une étude d’Accenture estime que l’intelligence artificielle va modifier drastiquement la nature du travail et la création de valeur, pour augmenter de 20% la productivité de la France d’ici à 2035. Les gains pour la croissance pourraient être colossaux (près du double pour la France). Mais les défis en terme de réglementation et d’éthique sont importants.

On sous-estime le potentiel révolutionnaire de l'intelligence artificielle. Pas seulement en tant que technologie, mais aussi ses effets sur l'économie. Tel est le constat de la société de conseil Accenture dans sa dernière étude, intitulée Pourquoi l'intelligence artificielle est le futur de la croissance. Mark Purdy et Paul Daugherty, les auteurs, partent d'un constat : depuis les années 1980, la croissance du PIB des économies matures ne cesse de diminuer, si bien que de nombreux économistes se résignent à un monde à la croissance nulle ou faible, très loin des sommets des Trente Glorieuses.

Selon Accenture, ces prévisions oublient un facteur essentiel : l'impact des nouvelles technologies sur le travail et l'économie, notamment celles qui ne sont pas encore arrivé à maturité. « Les effets combinés de l'intelligence artificielle, du cloud et du big data vont davantage transformer l'économie que toutes les autres technologies avant elle, y compris internet », affirme à La Tribune Paul Daugherty, le directeur mondial de la technologie chez Accenture.

L'intelligence artificielle, pierre angulaire de la redéfinition du travail

Selon l'étude, l'intelligence artificielle sera, lorsqu'elle arrivera à maturité « très rapidement, dans les cinq prochaines années », la pierre angulaire d'une révolution du travail.

« On ne s'en rend pas encore compte, mais l'intelligence artificielle va modifier la nature du travail et créer une nouvelle relation entre l'homme et la machine. L'intégration de nombreuses technologies autour de l'IA va changer complètement la façon dont les taches sont effectuées. Des nouveaux outils vont être créés, la manière dont les entreprises vont interagir avec leurs clients va évoluer, avec de fantastiques gains de productivité à la clé et la possibilité pour les salariés de se concentrer sur les aspects les plus créatifs de leur travail pour améliorer la proposition de valeur », poursuit l'expert.

Selon l'étude, l'intelligence artificielle pourrait multiplier par deux les taux de croissance des pays développés d'ici à 2035. La productivité du travail pourrait augmenter jusqu'à 40% dans certains pays. Pour arriver à de telles conclusions, l'Accenture Institute of High Performance et la société Frontier Economics se sont penchés sur les économies de douze pays (dont les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, le Japon, l'Italie et l'Allemagne), ainsi que sur les hypothèses actuelles de croissance pour les vingt prochaines années. Ils ont ensuite calculé l'impact de l'intelligence artificielle sur la productivité des entreprises dans chaque pays.

De 1,7% de croissance annuelle à 2,9% en France en 2035 grâce à l'IA ?

En France, l'étude estime que l'IA va booster la productivité des entreprises de 20%, et que la croissance annuelle passera de 1,7% du PIB (selon les estimations actuelles) à 2,9% (en intégrant l'impact de l'IA). Mais c'est aux Etats-Unis que l'intelligence artificielle génèrerait les bénéfices économiques les plus importants, faisant passer la croissance annuelle de 2,6% à 4,6% du PIB en 2035, traduisant une valeur ajoutée brute additionnelle de 8.300 milliards de dollars américains. Quant au Royaume-Uni, l'intelligence artificielle pourrait injecter 814 milliards de dollars dans l'économie en 2035 (pour une croissance qui passerait de 2,5% à 3,9% du PIB).

« Souvent, les gens pensent seulement que l'intelligence artificielle va augmenter la croissance en se substituant aux hommes, mais en fait beaucoup de valeur va venir des nouveaux biens, services et innovations qui seront rendus possibles grâce à l'intelligence artificielle », estime David Autor, un professeur d'économie au MIT, cité dans l'étude.

Si on commence à percevoir le potentiel de l'intelligence artificielle pour le e-commerce (avec les bots conversationnels sur Messenger par exemple), la technologie peut s'immiscer dans absolument tous les secteurs, notamment dans l'industrie (pour des machines plus intelligentes), mais aussi dans l'éducation, l'assurance, la banque... L'une des révolutions les plus spectaculaires sera celle des véhicules autonomes. Ces engins fonctionneront grâce à des systèmes de radars, de caméras, de vision par ordinateur, d'algorithmes auto-apprenants, tous interconnectés par l'intelligence artificielle. Conscients de la révolution à venir, les constructeurs sont tous déjà dans les starting blocks : BMW collabore avec le géant chinois de l'internet Baidu, Ford développe des logiciels d'IA avec le MIT et l'Université de Stanford... Sans compter Google, Tesla ou encore Apple.

Des défis d'éthique et de régulation

Si l'étude explique les bénéfices de l'intelligence artificielle, elle ne chiffre pas ses conséquences sur l'emploi, notamment la destruction des métiers les moins qualifiés. « L'IA va mécaniser certains emplois, mais d'autres vont être créés, plus qualifiés », estime Cyrille Bataller, fidèle à la théorie de la destruction créatrice. Quid des groupes qui seraient touchés par des changements d'emplois et de revenus à cause de la démocratisation de cette nouvelle technologie ? Une question sensible, qui nécessite une prise de conscience des décideurs politiques, d'après l'étude.

Un autre défi réside aussi dans la définition d'un code éthique pour l'IA. Des règles pour fixer des limites à l'autonomie des intelligences artificielles, comme l'explique Cyrille Bataller :

« Pour que l'intelligence artificielle tienne toutes ses promesses, toutes les parties prenantes doivent être parfaitement préparées - intellectuellement, technologiquement, politiquement, éthiquement et socialement - pour gérer les avantages et les défis qui peuvent naître d'une plus grande intégration de l'intelligence artificielle dans nos vies ».