Pourquoi Fillon aura du mal à bouter WikiLeaks hors de France

Par Sandrine Cassini  |   |  530  mots
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Arrivé il y a deux mois en France, Wikileaks réside toujours en France. Il a changé d'hébergeur en raison de fortes attaques subies de l'extérieur. Le Premier ministre juge le site "condamnable". Mais le gouvernement a peu ou pas de marge de manoeuvre pour l'interdire.

François Fillon est en guerre contre WikiLeaks. Le Premier ministre voit dans les révélations du site "du vol et du recel de vol", deux délits "condamnables". En réalité, Wikileaks ne fait l'objet d'aucune condamnation. Les Etats-Unis cherchent actuellement un moyen de poursuivre d'une manière ou d'une autre le site, mais n'ont pas trouvé de dispositif juridique adapté. Les déclarations de François Fillon rejoignent celles d'Éric Besson qui a souhaité publiquement que le site ne soit plus hébergé en France. Le souhait du nouveau ministre de l'Économie numérique, qui n'a toujours pas reçu le rapport du Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGIET) attendu cette semaine, aura du mal à être exaucé.

Car, selon la loi sur l'économie numérique de 2004 (LCEN), seule une décision de justice peut obliger un hébergeur à retirer un contenu jugé illicite. Pour le moment, son hébergeur français, OVH n'a reçu "aucune notification" demandant le retrait de WikiLeaks. Son précédent prestataire, Octopuce non plus. Le CGIET va avoir du mal à déclarer le contenu de WikiLeaks illicite, dans la mesure où il n'est ni pédophile, ni raciste, et n'enfreint pas le droit d'auteur. Chez Besson, on voulait évoquer la "classification" des cables américains pour déterminer leur illégalité. Selon les juristes, elle ne s'applique pas aux documents étrangers. Le gouvernement peut toujours décider de poursuivre directement Wikileaks, mais là aussi, le processus risque d'être encore plus hasardeux qu'aux Etats-Unis.

WikiLeaks est arrivé en France il y a deux mois

Récemment médiatisé, l'installation de WikiLeaks en France date d'il y a deux mois. "WikiLeaks est venu nous voir une semaine avant la publication des documents irakiens le 22 octobre", indique Benjamin Sonntag, gérant d'Octopuce, habituée à héberger des sites qui dérangent le pouvoir en place tels que Mediapart, Bakchich ou le Monde diplomatique. Comme pour la plupart de ses clients, Benjamin Sonntag n'a pas vu les dirigeants de Wikileaks, mais a communiqué avec eux à distance. Ces derniers prennent d'ailleurs d'énorme précautions en matière de cryptage et de confidentialité des données. "C'est  d'un niveau militaire", juge le patron d'Octopuce.

Etrangement, c'est la publication des documents de la diplomatie américaine qui a dérangé une vague d'attaques informatiques inédites. "Le dimanche de la publication des cables à 18 heures 30, nous avons affronté des attaques, que nous avons pu enrayées. Le mardi suivant, le niveau d'attaque était tel, que je suis allé louer des serveurs chez un prestataire plus dimensionné. Nous n'avons pas détecté d'attaques sur les documents irakiens", indique Benjamin Sonntag. A ce moment là, Wikileaks a migré chez OVH, grâce à un compte ouvert par Benjamin Sonntag. Sous la pression d'Eric Besson, OVH et son patron Octave Klaba ont demandé aux tribunaux de grande instance de Lille et de Paris si le site était légal. Mais ces derniers ont jugé qu'une procédure d'urgence n'était pas suffisante pour trancher une question aussi délicate. Bottant en touche, ils ont estimé nécessaire un débat contradictoire.