Qui a fait plonger le cours de Facebook ?

Par Delphine Cuny  |   |  477  mots
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C'est l'incroyable rumeur qui contribue à faire baisser le titre du réseau social, tombé sous les 33 dollars. L'analyste de Morgan Stanley, la banque introductrice couvrant les valeurs Internet, aurait réduit ses estimations de chiffre d'affaires en plein « roadshow ».

Dix milliards de dollars de capitalisation boursière évaporés en à peine trois jours de cotation. L'entrée de Facebook en Bourse est fracassante, mais pas exactement comme l'espéraient ses banquiers introducteurs. Certes, le réseau social pèse encore près de 90 milliards de dollars (à 32,30 dollars à 2h30 de la clôture, en repli de 5%) et a levé le maximum de fonds souhaités, mais en termes d'image, une telle glissade détonne dans le décor. Mais il y a pire. Une des explications de cette forte pression vendeuse nous vient d'une incroyable rumeur : selon l'agence Reuters, l'analyste en charge des valeurs Internet chez Morgan Stanley, la banque chef de file de l'introduction, aurait sérieusement abaissé ses prévisions sur Facebook en plein « roadshow », la tournée de présentation aux investisseurs pendant le placement des actions. Les analystes de JP Morgan et de Goldman Sachs, qui ont aussi garanti le placement des titres, auraient également abaissé leurs prévisions selon l'agence financière. Aucune banque n'a fait de commentaire.

Des investisseurs choqués, se sentant trahis
Ce serait donc la preuve qu'il existe une véritable « Muraille de Chine », une séparation étanche entre les différentes activités de la banque, en l'occurrence la Recherche Actions et la banque d'investissement... Mais cette affaire fait désordre. L'abaissement « significatif » des prévisions pour le deuxième trimestre par l'analyste de Morgan Stanley serait intervenu juste après la publication par Facebook d'une version modifiée de son prospectus d'introduction, le 9 mai, en plein road-show, dans lequel la société de Mark Zuckerberg soulignait que sa croissance risquait de se tasser du fait de l'essor de l'usage depuis un mobile, sur lequel il ne retire encore aucun chiffre d'affaires significatif.

Cette soudaine prudence de l'analyste aurait choqué des investisseurs : « cela s'est produit pendant la présentation. En dix ans, je n'ai jamais vu cela », a déclaré une source au sein d'un fonds d'investissement faisant partie des clients avertis par Morgan Stanley, citée par l'agence Reuters. De quoi refroidir les institutionnels déjà inquiets de la valorisation élevée (65 fois les bénéfices de 2013 à 38 dollars, le prix définitif). Certains se sont sentis trahis. Traditionnellement, les banques introductrices cherchent plutôt à dépeindre un portrait positif de l'entreprise qu'elles présentent. Elles s'abstiennent ensuite d'émettre une opinion sur la valeur pendant les 40 jours qui suivent l'entrée en Bourse. Morgan Stanley, chef de file parmi les 33 banques choisies par Facebook pour piloter cette introduction monstre, est plus généralement pointée du doigt pour la façon très secrète dont elle a gérée cette opération. Elle aurait ignoré les conseils d'autres banques qui étaient contre l'accroissement du nombre d'actions offertes et du prix décidé au dernier moment, et ainsi surestimé l'enthousiasme de la place.