La Halle Freyssinet, le nouvel étendard de Xavier Niel pour les start-up parisiennes

Par Perrine Créquy et Delphine Cuny  |   |  864  mots
D’ici à 2016, les 30.000 m2 de la Halle Freyssinet, bâtiment classé monument historique, seront entièrement réhabilités par un des plus grands architectes français pour y accueillir 1.000 start-up. / DR
La mairie veut faire du projet de méga-incubateur numérique de Xavier Niel la vitrine de son aspiration à devenir la « ville la plus innovante d’Europe ».

"Le plus grand incubateur du monde!" Avec son sens habituel de l'emphase, Xavier Niel, le fondateur de Free, a dévoilé à la fin de septembre son projet de méga-incubateur, baptisé « 1.000 start-ups », qui s'installera en 2016 dans le 13e arrondissement de Paris, à la Halle Freyssinet, sur plus de 30.000 m2.

Un projet privé, en partenariat avec la mairie de Paris, qui a usé de son droit de préemption pour acheter ce bâtiment classé monument historique, une ancienne halle de messagerie de la SNCF, avant de le revendre pour 70 millions d'euros à un consortium financé à 90 % (voire plus) par le milliardaire du Net et à 5 ou 10 % par la Caisse des dépôts.
Ce projet « unique, inédit », qui coûtera 60 millions d'euros de plus en rénovation, sous la direction de l'architecte de renom Jean-Michel Wilmotte, a vocation à devenir une vitrine et « faire de Paris, ville numérique, la capitale la plus innovante d'Europe », selon la mairie.
 

1 milliard d'euros d'aides de la ville aux start-up

 

Né à Créteil, à quelques kilomètres de la capitale, Xavier Niel se fait volontiers le VRP de luxe de Paris.

 

« C'est la plus belle ville du monde. Il y a de petits défauts, mais c'est la ville fantastique pour créer son entreprise. En province, c'est un peu plus complexe, on trouve moins cette énergie positive », a-t-il lancé lors d'une Masterclass à Sciences Po sur la création de start-up.

 

L'entrepreneur et business angel, qui a investi dans 800 jeunes pousses, vante la qualité de l'écosystème existant dans la capitale, où est installé le siège de Free, et où il a créé sa propre école de programmation informatique, 42.

 

Mais les locaux y sont chers, d'où son projet. La future Halle sera deux fois plus vaste que le plus grand des incubateurs de la ville (16.000 m2 en construction boulevard MacDonald, dans le 19e arrondissement), mais la capitale compte quasi doubler la surface disponible pour les start-up d'ici à 2016, passant de 73.000 à 140.000 m2 d'incubateurs publics et privés.

 

« Paris est une machine à produire de la start-up » fait valoir Jean-Louis Missika, l'adjoint au maire chargé de l'innovation. « Ce qui caractérise le projet de la Halle Freyssinet, ce n'est pas sa taille, mais la personnalité de Xavier Niel, qui lui donne une visibilité internationale, le bâtiment d'exception, qui deviendra un lieu emblématique comme la Tour Eiffel, et la capacité d'attraction de la ville, qui est le fruit d'années d'actions de la mairie. »

 

Depuis 2008, la ville de Paris a en effet apporté 1 milliard d'euros d'aides aux start-up, selon Anne Hildago, candidate socialiste à la mairie et première adjointe de Bertrand Delanoë.

 

« Nous sommes devant Londres en termes de création de start-up », s'enorgueillit-elle, avançant le nombre de 1.800 jeunes pousses parisiennes, contre 1.200 à Londres. Une longueur d'avance qui souffre d'un manque de communication publique.

 

Se revendiquant proche de la ville, Stéphane Distinguin, le président du pôle de compétitivité dédié au numérique Cap Digital, estime ainsi que « Londres a fait un travail extraordinaire de communication et de marketing. C'est une bonne leçon pour nous, ça appuie là où ça fait mal : nous ne sommes pas capables de dire combien de start-up technologiques sont installées à Paris ».

 

Jean-Louis Missika précise que son recensement s'appuie sur les déclarations des directeurs d'incubateurs, mais reconnaît qu'un comptage précis est ardu, une partie des jeunes pousses disparaissant dans leurs premières années. En outre, la définition de l'innovation fait débat.

 

Et puis, se défend-il, « nous avons la démarche inverse de celle de Tech City à Londres, dont le budget com' est supérieur au budget d'investissement, et seulement 10 % d'entreprises sont high-tech ».

 

 

Ce qui attire ici : la formation d'excellence

 

L'écosystème parisien ne manque certes pas d'arguments. À la tête du fonds d'investissement Isai, Jean- David Chamboredon insiste sur « la qualité et la créativité des projets parisiens, qui s'expliquent par l'excellence de la formation dans les grandes écoles de commerce et d'ingénieurs, et dans les universités ». Paris veut renforcer sa stratégie d'implantation des incubateurs à proximité des centres de recherche universitaires de même spécialité.

 

« La Halle Freyssinet sera entourée de sept centres universitaires : l'Institut Pierre et Marie Curie, la Sorbonne, l'ESPCI Paris-Tech, l'École Normale supérieure, le Collège de France, Chimie Paris Tech et les Mines », relève Jean-Louis Missika.

 

Bien formés, les ingénieurs, chercheurs et développeurs parisiens sont aussi réputés pour être moins chers et fidèles à leur entreprise -"une qualité précieuse dans un univers où la compétition pour recruter est mondiale. La Halle Freyssinet doit permettre d'attirer des talents étrangers, mais aussi des investisseurs de toute nationalité, car la faiblesse du capital-développement en France constitue, avec l'instabilité fiscale, le principal frein à l'essor des start-up.

 

Jean-Louis Missika cite l'exemple de « Criteo, née et incubée dans un de nos incubateurs, qui n'a pas trouvé l'argent en France, mais a désormais un pied à Paris, un autre dans la Silicon Valley et s'est fait coter sur le Nasdaq : c'est un modèle qui nous va très bien! Notre ambition est de voir éclore de nouveaux Criteo ».