"L'intelligence artificielle est en train de révolutionner le e-commerce"

Par Propos recueillis par Florence Trainar  |   |  837  mots
Les technologies d'intelligence artificielle (IA) occupent désormais une place dans la stratégie marketing de nombreuses entreprises et sont sur le point de "révolutionner le e-commerce", explique Martin Rugfelt, responsable marketing de la société spécialisée américaine ExpertMaker.

A l'instar du rachat de la start-up britannique DeepMind annoncé ce lundi par le géant américain Google, l'intelligence artificielle est au centre de toutes les attentions. Et pour cause, nous explique Martin Rugfelt, le directeur marketing d'Expertmaker, une compagnie américaine spécialisée dans les logiciels d'intelligence artificielle et d'analyse de Big Data : l'intelligence artificielle entre désormais "dans une nouvelle ère" et s'apprête à "révolutionner le e-commerce".

Pourquoi l'intelligence artificielle intéresse-t elle de plus en plus les entreprises ?

Si l'intelligence artificielle est utilisée depuis certain temps dans des secteurs comme la banque ou les jeux vidéos, on remarque aujourd'hui qu'elle entre dans une nouvelle ère : celle du e-commerce. Parallèlement à l'essor du Big Data (phénomène d'explosion des données) et des réseaux sociaux, les entreprises liées à la vente en ligne commencent à comprendre que l'intelligence artificielle constitue un levier d'efficacité inestimable pour leur stratégie marketing.

De façon théorique, je dirais que l'intelligence artificielle consiste à créer des systèmes informatiques qui allient les capacités de stockage, recherche et synthèse d'un ordinateur à ce qu'il y a de meilleur dans l'intelligence humaine, à savoir nos facultés de compréhension et de raisonnement. Qu'est ce que cela veut dire pour les entreprises ? Un moyen d'optimiser, avec un raffinement inouï, les données collectées sur les consommateurs, et donc de démultiplier l'efficacité de la publicité ciblée. C'est en train de révolutionner le e-commerce.

Concrètement, à quoi devrait alors ressembler le e-commerce du futur ?

Auparavant, la publicité des sites de vente en ligne s'appuyait sur un principe de suggestion simple : "vous avez acheté ou regardé ceci donc on vous suggère d'acheter cela". Avec les technologies d'intelligence artificielle, l'idée est celle d'un assistant virtuel. Le cerveau artificiel aura appris à vous connaître ainsi que tout votre environnement. Il saura vos habitudes, vos humeurs, ou encore vos moyens financiers, et recoupera les informations, pour in fine identifier, avant même que vous ne le sachiez vous-même, ce dont vous avez besoin, quand et sous quelle forme.

Imaginez que votre téléviseur est cassé. Votre site de vente en ligne préféré le devinera rapidement et vous proposera directement de le remplacer. Il interagira intelligemment avec vous, grâce à la technique du langage naturel, pour savoir - s'il ne le sait déjà - quel genre de programme vous aimez regarder, à quelle distance de votre téléviseur vous vous asseyez, quel degré de myopie vous présentez, etc., et identifiera le téléviseur qui vous convient le mieux. Selon l'endroit où vous habitez et vos disponibilités, il vous proposera la livraison ou l'achat sur place, et vous indiquera la meilleure heure et le meilleur trajet pour vous rendre en magasin.

Cette idée d'assistant virtuel, c'est le principe d'un GoogleNow...

L'assistant virtuel, c'est effectivement la grande tendance de l'intelligence artificielle en ce moment. Apple est arrivé tôt sur le segment avec le logiciel Siri. Google a GoogleNow. Et Microsoft et IBM sont en train de travailler sur des services similaires. Les deux autres grands chantiers de l'intelligence artificielle sont celui de la réalité augmentée, avec les GoogleGlass de Google notamment, et celui des objets du quotidien rendus "intelligents" grâce à des capteurs corporels : les montres ou vêtements intelligents, par exemple, évaluent vos conditions physiologiques et vous font des recommandations sur votre santé.

Aujourd'hui, Google fait l'acquisition de DeepMind pour plusieurs centaines de millions de dollars. En septembre, Facebook annonçait l'ouverture d'un laboratoire d'intelligence artificielle... Le marché est en plein boom ?

Indéniablement. Parce que la recherche fait des progrès démentiels d'une part, mais aussi parce qu'on assiste à une véritable démocratisation des technologies d'intelligence artificielle. Avec les possibilités d'applications dans les domaines du marketing, toutes les entreprises de e-commerce dans le monde sont désormais concernées. Et les sociétés spécialisées, comme nous, dans la vente de solutions d'intelligence artificielle croulent sous la demande.

Mais ce boom concerne essentiellement les États-Unis pour le moment. J'ai le sentiment que les entreprises européennes n'ont pas encore compris toute la valeur qu'il y a à tirer de l'intelligence artificielle, et investissent encore trop peu - voire pas - dans ce domaine.

Quant aux débats portant sur le respect de la vie privée, ils ont de beaux jours devant eux...

C'est effectivement un sujet très délicat. Le problème majeur est celui du partage des données entre les entreprises. Beaucoup de cercles de réflexion sont organisés, mais aucune réponse concrète n'a été donnée. Personnellement, je pense qu'il faudra surtout responsabiliser les consommateurs et les éduquer à une plus grande vigilance. Ils doivent s'adapter au Big Data et ne plus se retrouver à dire "je ne savais pas". D'un autre côté, il faut absolument leur donner la liberté d'indiquer si oui ou non ils autorisent telle compagnie à partager leurs informations.