CNews : l'Arcom sommée par le Conseil d'Etat de mieux contrôler la chaîne

Par latribune.fr  |   |  882  mots
Sur le podium des chaînes d'info, CNews est deuxième en audience, derrière BFMTV, mais elle progresse. (Crédits : REUTERS/Stephane Mahe.)
Après un recours de Reporters sans frontières, le Conseil d'Etat a demandé au régulateur des médias de renforcer son contrôle sur la chaîne Cnews par rapport au pluralisme et à l'indépendance de l'information. Ce n'est pas la première fois que la chaîne, dans le giron du milliardaire Vincent Bolloré, est montrée du doigt.

[Article publié le 13 février à 15h07 et mis à jour à 15h57]. Coup dur pour Cnews. Le Conseil d'Etat a demandé ce mardi à l'Arcom, le régulateur des médias, de renforcer son contrôle sur la chaîne d'information à la suite d'un recours de l'ONG Reporters sans frontières.

La plus haute juridiction administrative a « enjoint à l'Arcom de réexaminer dans un délai de six mois le respect par la chaîne CNews de ses obligations en matière de pluralisme et d'indépendance de l'information », indique notamment le communiqué.

Reporters sans frontières (RSF) considère que CNews, dans le giron du milliardaire conservateur Vincent Bolloré, « n'est plus une chaîne d'information, mais est devenue un média d'opinion ». Ce que l'intéressée conteste. Le secrétaire général de l'ONG, Christophe Deloire, a alors salué une « décision historique du Conseil d'État » pour « la démocratie et le journalisme ». Cela « va certainement changer la donne, en amenant le régulateur de l'audiovisuel à être enfin à la hauteur des enjeux », a-t-il complété.

« Inaction de l'Arcom »

Pour rappel, RSF avait saisi la juridiction en avril 2022, pointant « l'inaction de l'Arcom » face « aux manquements de CNews ». Avant ce recours, l'ONG de défense de la liberté de la presse avait en vain appelé l'Arcom à mettre en demeure CNews de respecter ses obligations, à savoir « honnêteté, indépendance et pluralisme de l'information ». Lors de l'audience devant le Conseil d'Etat le 19 janvier, le rapporteur public avait partiellement donné raison à RSF : il avait estimé que l'Arcom n'avait pas suffisamment motivé son rejet de la demande de l'ONG.

« L'avis du rapporteur public est une chose. Ce qui compte, c'est la décision du Conseil d'Etat et la façon dont elle sera motivée, avait notamment indiqué début février Roch-Olivier Maistre, le président de l'autorité de régulation du secteur audiovisuel. S'il y avait une innovation jurisprudentielle, on appliquera bien évidemment cette nouvelle jurisprudence du Conseil d'Etat ».

Le régulateur ne doit pas se limiter au décompte des temps de parole des personnalités politiques pour veiller au respect du pluralisme, a tranché le Conseil d'Etat, dans sa décision rendue publique. Et concernant l'indépendance de l'information, celle-ci ne doit pas seulement s'apprécier « au regard d'extraits d'une émission spécifique mais aussi à l'échelle de l'ensemble des conditions de fonctionnement de la chaîne et des caractéristiques de sa programmation », a-t-il ajouté.

Pas une première

Sur le podium des chaînes d'info, CNews est deuxième en audience, derrière BFMTV, mais elle progresse. Ses principales têtes d'affiche sont Pascal Praud, Christine Kelly, Sonia Mabrouk, Laurence Ferrari... La chaîne du canal 16 appartient au groupe Canal+, lui-même contrôlé par Vivendi, groupe de Vincent Bolloré, aux opinions réputées ultra-conservatrices.

Ce n'est pas la première fois que CNews est pointé du doigt. L'Arcom a déjà mis en demeure CNews à plusieurs reprises sur des séquences diffusées, notamment quant au respect du pluralisme politique. RSF demandait au régulateur d'aller plus loin et de garantir « un contrôle effectif », au-delà de l'équilibre des temps de parole des invités politiques.

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Renouvellement des fréquences TNT

Une décision qui ne tombe tout de même pas au bon moment pour la chaîne d'informations. Car un des principaux enjeux de l'Arcom cette année porte sur le renouvellement des fréquences de 15 chaînes de la TNT, soit la plus grande vague d'attribution de fréquence depuis le milieu des années 2000 et le lancement de la TNT. Ainsi, l'autorisation de plusieurs chaînes arrivent bientôt à échéance en 2025 comme C8 ou encore W9 mais également... CNews.

« Je ne ferai aucun commentaire positif ou négatif sur une chaîne susceptible de candidater », a néanmoins indiqué de manière générale Roch-Olivier Maistre début février, avant de souligner l'indépendance de l'Autorité. « Une fois l'appel à candidatures lancé, les membres du Collège seront soumis à une distance avec les opérateurs », a-t-il précisé.

Comme d'autres responsables de l'audiovisuel ces dernières semaines, le PDG de TF1 Rodolphe Belmer était auditionné sous serment dans le cadre de la commission d'enquête sur l'attribution des fréquences TNT. Il a ainsi évoqué le 8 février devant les députés les interventions dans les « contenus » de Vincent Bolloré lorsqu'il dirigeait lui-même le groupe Canal+, ce qui avait conduit à son départ en 2015. L'actuel directeur général adjoint de TF1, Ara Aprikian, a lui été directeur général adjoint du groupe Canal+. Devant la commission, il a aussi témoigné : « Un mois après le départ de Rodolphe Belmer, j'ai fait valoir les mêmes réticences. Les mêmes choses entraînant les mêmes effets, j'ai quitté le groupe Canal+ ».

(Avec AFP)