INA : Mathieu Gallet lâché par la ministre de la Culture, Françoise Nyssen

Par latribune.fr  |   |  646  mots
Mathieu Gallet, le patron de Radio France, le 2 décembre 2017, lors d'une conférence. (Crédits : Benoit Tessier)
Dans une interview accordée au "Monde" ce matin, la ministre de la Culture Françoise Nyssen a marqué son désaccord avec le maintien en place de Mathieu Gallet à la tête de Radio France. L'actuel président de la radio publique vient de faire appel de sa condamnation à un an de prison avec sursis et 20.000 euros d'amende pour "favoritisme", soupçonné, lorsqu'il dirigeait l'INA, d'avoir commandité 400.000 euros de prestations à deux sociétés de conseil sans passer par la procédure d'appel d'offres en vigueur pour les marchés publics.

Le patron de Radio France Mathieu Gallet a été condamné hier lundi à un an de prison avec sursis et 20.000 euros d'amende pour "favoritisme" lorsqu'il dirigeait, de 2010 à 2014, l'Institut national de l'audiovisuel (INA). Le tribunal correctionnel de Créteil s'est montré plus clément que le parquet, qui réclamait 18 mois de prison avec sursis et 40.000 euros d'amende.

Pas de démission envisagée en cas de condamnation

Pour autant, ses avocats Christophe Ingrain et Rémi Lorrain, à la sortie du tribunal correctionnel de Créteil avaient vigoureusement réagi, déclarant faire immédiatement appel :

"Compte-tenu des conditions dans lesquelles l'enquête et l'audience se sont déroulées, la décision du tribunal n'est pas une surprise. (...) Nous faisons immédiatement appel pour que la Cour examine ce dossier avec sérénité et dans le respect des droits de la défense."

Avant que le jugement soit rendu, M. Gallet avait fait savoir par voie de presse qu'il ne démissionnerait pas de Radio France en cas de condamnation. Il déclairait vouloir aller au terme de son mandat à la Maison ronde, prévu en mai 2019.

Durcissement de la position de l'exécutif

Mais ce matin, la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, a déclaré au journal "Le Monde" :

« Les dirigeants d'entreprises publiques ont un devoir d'exemplarité. Un dirigeant d'entreprise publique condamné pour favoritisme, ce n'est pas une situation acceptable, déclare la ministre de la culture Françoise Nyssen au Monde, mardi 16 janvier. Il appartient à l'intéressé d'en tirer les conséquences, ainsi qu'au Conseil supérieur de l'audiovisuel, légalement compétent. »

Il s'agit d'un durcissement de la position du gouvernement, plutôt réservé dans un premier temps sinon bienveillant, explique Le Monde, alors que c'était France Télévisions et Delphine Ernotte qui étaient plutôt dans le collimateur de l'exécutif jusque-là.

La réglementation des marchés publics ignorée

Le haut fonctionnaire de 41 ans est soupçonné d'avoir "favorisé" deux sociétés de conseil, auxquelles l'établissement public a commandé plus de 400.000 euros de prestations.

Le premier volet de l'affaire concernait l'entreprise Balises de son consultant Denis Pingaud. Ce professionnel de l'audiovisuel était utilisé par l'INA comme "conseiller externe". Rémunéré 5.000 euros par mois, il a perçu 130.000 euros hors taxes. Un total qui aurait dû forcer l'établissement de Bry-sur-Marne (Val-de-Marne) à mettre sa société en concurrence, pour respecter la réglementation des marchés publics.

Mathieu Gallet rejette la faute sur ses équipes

Lors de son procès, M. Gallet avait avoué n'avoir "jamais été confronté à ces questions de marchés publics", un domaine qui lui "était totalement inconnu". Il avait rejeté la faute sur "les équipes en place à l'INA", qui ne lui ont pas transmis de "signaux d'alerte" sur la nécessité d'un appel d'offres.

La procureure, Amélie Cladière, avait estimé que M. Pingaud servait de "coach personnel" à M. Gallet, financé "avec de l'argent public", notamment pour lancer sa candidature à la direction de Radio France. Un scénario "au minimum insultant, au pire diffamatoire", avait rétorqué M. Gallet, en détaillant les missions de son conseiller: écrire des discours, accompagner plusieurs projets de l'INA, dont la refonte du site internet, conseiller l'établissement sur sa stratégie.

Concurrence faussée

Second volet de l'affaire, un contrat de 2013 entre l'INA et la société de conseil Roland Berger Strategy, pour 289.000 euros hors taxes. L'entreprise avait été choisie après un appel d'offres "trop court" et M. Gallet avait faussé la concurrence en prévenant ce prestataire dès 2010 que l'INA aurait besoin de fusionner deux directions, selon la procureure.

Ses avocats défendent, eux, la régularité de cette procédure: les sociétés avaient cinq jours pour envoyer leur "fiche d'identité" à l'INA, mais disposaient de plusieurs semaines pour formuler une véritable offre commerciale.

(avec AFP)