Le come-back raté de Nokia

Par Delphine Cuny  |   |  561  mots
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Nouvel avertissement sur les résultats, bug de son modèle haut de gamme Lumia qui vient de sortir aux Etats-Unis : le retour en force du géant finlandais tarde à se matérialiser.

« C'est un désastre » a commenté l'analyste de WestLB, Thomas Langer. Nokia s'est effondré de 14,5% mercredi à la Bourse de Helsinki, à 3,27 euros, touchant son plus bas niveau depuis 1997, après avoir lancé dans l'après-midi un énième avertissement sur ses résultats. La « phase de transition » s'éternise chez le géant finlandais du mobile, qui accusera une perte opérationnelle au premier trimestre dans sa division Terminaux, d'un montant représentant environ 3% du chiffre d'affaires (soit une centaine de millions d'euros), alors qu'il devait se trouver à l'équilibre. Le deuxième trimestre se soldera aussi par une perte du même ordre. Un malheur n'arrivant jamais seul, Nokia avait dû reconnaître mercredi matin un bug sur son nouveau smartphone phare, le Lumia 900, qui vient juste de sortir aux Etats-Unis : le constructeur va offrir 100 dollars de communications aux abonnés AT&T qui ont acheté le Lumia. Soit le prix de l'appareil avec subvention.

Plus de 2 millions de Lumia vendus

Le ton n'était plus aussi conquérant que fin février, au salon mondial du mobile de Barcelone. Lors d'une conférence téléphonique mercredi après-midi, le PDG, Stephen Elop, a dû reconnaître que Nokia était encore « au milieu de sa transition », entamée il y a un peu plus d'un an, en février 2011, lorsqu'il a décidé d'abandonner le système d'exploitation maison, Symbian, pour celui de Microsoft, Windows Phone. Or, les ventes d'appareils sous Symbian s'effondrent tandis que celles des quelques modèles sous Windows décollent doucement. En effet, Nokia a écoulé « plus de 2 millions » d'exemplaires de Lumia au premier trimestre, à un prix de vente moyen de 220 euros : « clairement, les volumes et le chiffre d'affaires ne comblent pas le vide laissé par Symbian » relève Carolina Milanesi, du cabinet Gartner.

Le groupe d'Espoo, qui a maintenu sa place de premier constructeur, devant Samsung, l'an dernier, avec 23,8% de part de marché, selon Gartner, est en fait pris en tenaille : sa marge recule dans les smartphones, face à la concurrence pléthorique des appareils sous Android, et ses ventes de modèles d'entrée de gamme souffrent dans les pays émergents, en particulier en Inde et en Chine, face à la montée en puissance de constructeurs chinois sous marque blanche. Pour contre-attaquer, Nokia va élargir sa gamme de Lumia, avec des modèles encore moins chers. Car la clientèle chinoise bascule de plus des téléphones classiques milieu de gamme aux smartphones à bas coût.

2012, année perdue ?

Certains analystes craignent déjà que 2012 soit une année perdue pour Nokia, qui ne vaut plus que 12,2 milliards d'euros en Bourse (contre 585 milliards de dollars pour Apple...). Or dans le monde en bouleversement constant de la téléphonie mobile, il est dangereux de prendre autant de retard, car la concurrence ne reste pas immobile. Les deux annonces, le « profit warning » et le bug du Lumia 900, ont complètement éclipsé celle de la sortie d'un modèle à la technologie sans contact NFC, le Lumia 610 avec Orange, certifié pour des paiements sans contact avec la technologie MasterCard PayPass. Elles tombent mal en termes d'image pour Nokia qui engageait sa tentative de reconquête du lucratif marché américain dont il était quasiment absent. Le Lumia a été primé au CES de Las Vegas en janvier et a reçu un bon accueil critique outre-Altantique.