Stéphane Richard : «la coopération va être le maître mot de la révolution numérique»

Par Nicolas César, Correspondant en Aquitaine, Objectif Aquitaine  |   |  784  mots
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A l'Université d'été du Centre entreprise et communication avancée (Ceca) au château Smith Haut-Lafitte dans le Bordelais, mercredi 29 août, le patron du groupe Orange a milité pour davantage de coopération dans l'entreprise, mais aussi plus largement dans la société. Pour lui, le grand problème de la France, c'est «l'absence de consensus». Il invite tous les politiques et les entreprises à réfléchir à cette question «fondamentale».

Lorsque Stéphane Richard est arrivé à la tête de France Télécom il y a trois ans, il a trouvé un groupe avec un climat social détestable. Les suicides de salariés se sont multipliés : 29 ne serait-ce que de juillet 2009 à mai 2010. Mais, selon lui, la raison profonde de tous ces drames, c?est? l?Europe. «Nous avons été l?un des premiers secteurs publics ouverts à la concurrence par Bruxelles», rappelle-t-il. «Imaginez-vous le choc pour une entreprise comme la nôtre, constituée de fonctionnaires», lance le PDG d?Orange à plus de 500 décideurs aquitains. Aujourd?hui encore, la société compte deux tiers de fonctionnaires en France. Avec une amertume à peine voilée vis-à-vis de nos dirigeants politiques, il dénonce «25 années d?ouverture débridée».
Des clients qui veulent à la fois des services de qualité à petit prix et des entreprises humaines?

Critiquer la politique sociale d'une entreprise... et rompre son contrat pour payer 5 euros de moins
Le patron d?une des plus puissantes entreprises du Cac 40 (170.000 salariés dans le monde, dont 100.000 en France) s?est présenté comme un fer de lance contre l?ultra-libéralisme. «Notre système économique, politique, administratif actuel est fondé sur le dogme que ce qui est bon pour tous, c?est la concurrence. Et, pour obtenir cette fameuse compétitivité, la fin justifie tous les moyens», dénonce-t-il. Au passage, le PDG d?Orange fustige les attitudes paradoxales des clients, de plus en plus volatiles. «Les premiers à critiquer une entreprise pour sa politique sociale sont aussi les premiers à partir pour cinq euros de différence».

La fin du modèle des actionnaires
Conclusion : «il faut apporter plus de collectif dans nos entreprises». Pour Stéphane Richard, «l?idéologie de la concurrence, le modèle des actionnaires, où il ne faut faire que de l?argent, est mort». Une question de bon sens. «On ne peut pas faire un client heureux avec un vendeur dépressif ou en rupture de confiance avec son entreprise», lâche-t-il. «Surtout pour une entreprise de service», ajoute Stéphane Richard. «Modestement», Orange a donc essayé de réconcilier ses salariés avec la société en intégrant des critères d?intéressement collectif aux objectifs. En outre, «dans les parts variables des dirigeants du groupe, les critères de performance sociale comptent désormais pour un tiers», met en avant Stéphane Richard. De quoi motiver ses 12.000 managers de proximité, pierre angulaire au quotidien de la philosophie d?entreprise. Son message est clair : la crise qu?a connue France Télécom n?était que les prémisses de ce qui attend dans les tous prochains mois ou années les autres entreprises fonctionnant avec cet «ancien modèle». Surtout, au regard de la situation économique actuelle?


«La coopération va être le maître mot de la révolution numérique»
Pour autant, le PDG d?Orange ne veut pas se faire passer pour un agneau ou un naïf. «Je ne dis pas qu?il faut aller vers un système tout coopératif, mais tout est question de dosage entre compétition et coopération. Nous sommes allés trop loin dans le tout individuel». Ce juste milieu a été baptisé «coopétition». Convaincu qu?un changement majeur de paradigme s?opère, il estime que «la coopération va être le maître mot de la révolution numérique». A cet égard, sa «priorité absolue» est aujourd?hui de créer des partenariats pour développer leurs services.
 

Le fléau de la France, «l?absence de consensus»
Stéphane Richard va même plus loin et pense qu?en France, «nous avons une culture nationale de la confrontation. Le grand problème de notre société, c?est l?absence de consensus». En attendant, pour faire face à l?arrivée d?un quatrième opérateur de téléphonie, Orange «coopère» avec Free et lui prête ses infrastructures contre rémunération pour compenser les pertes? Selon lui, l?impact sera lourd et n?a pas été mesuré par les pouvoirs publics. «A terme, nous allons tous avoir une perte de 20% du revenu moyen par abonné, dont 10% déjà cette année, ce qui nécessite des ajustements pour les opérateurs». Stéphane Richard promet qu?il n?y aura pas de plans sociaux à Orange. Il «profitera» seulement des 30.000 départs à la retraite annuels pour rééquilibrer ses effectifs et continuera à recruter des jeunes en CDI. Une chose est sûre, Free va mettre à rude épreuve le climat social chez Orange et les autres opérateurs de la téléphonie?