Orange, pressée d'en finir avec l'agitation, les marchés indifférents au sort de Stéphane Richard

Par Delphine Cuny  |   |  743  mots
Le PDG d'Orange, Stéphane Richard. Copyright Reuters
Une éventuelle démission du patron de l'opérateur télécoms ne semble pas inquiéter... ni réjouir les investisseurs. Les syndicats ont réagi en ordre dispersé, les salariés s'inquiétant d'une déstabilisation de l'entreprise.

La nouvelle fait la Une du cahier Companies & Markets du « Financial Times », avec une photo de Stéphane Richard : « enquête ouverte pour fraude à l'encontre du patron de France Télécom. Le « Wall Street Journal Europe » aussi a mis la photo du dirigeant mis en examen mercredi pour « escroquerie en bande organisée » soit « conspiracy to commit fraud » traduit le quotidien américain. Mais « pour l'instant, on n'a aucune question venant des investisseurs sur le sujet » indique un analyste d'un courtier parisien.

« Les investisseurs anglo-saxons sont très loin de cette histoire. Ils ne connaissent pas Tapie pour la plupart d'entre eux. Et les enjeux sur France Télécom dans les deux à trois ans, ce sont les mouvements à venir sur le marché du mobile, si Free vient jouer sur le terrain des subventions, etc » explique un autre expert. « Un départ de Stéphane Richard, ça ne change pas fondamentalement l'avenir du groupe, ça ne va pas enlever 1 milliard d'euros de valorisation à France Télécom ! » relève-t-il.

L'action France Télécom, qui sera rebaptisée Orange comme le groupe le 1er juillet, est d'ailleurs restée stable depuis deux jours (-0,31% jeudi). En baisse de 23% sur un an, son cours a a été plus que divisé par deux depuis la nomination de Stéphane Richard comme PDG, en mars 2011.

« Ce serait dommage, quand même, qu'il parte »
« Que Stéphane Richard parte maintenant ou en mai 2014, si l'on veut le remplacer par Anne Lauvergeon ou Nicolas Dufourcq, cela ne change pas grand-chose pour mes clients investisseurs » considère un spécialiste de la valeur, qui ajoute « que ce soit lui ou son numéro deux, Gervais Pellissier [le directeur général délégué en charge des finances NDLR], qui connaît très bien la boîte, et même mieux que lui, finalement, où est la différence ? »

Le conseil d'administration qui examinera les éventuelles conséquences de la mise en examen, lundi ou mardi prochain, sera « presque un non-événement » selon un professionnel des marchés. Un autre exprime des regrets : « ce serait dommage, quand même, qu'il parte parce qu'il a su insuffler un dynamisme en interne, changer la culture d'entreprise en créant un vrai dialogue ouvert. » Stéphane Richard a d'ailleurs écrit dans un mémo interne aux salariés jeudi soir que « Orange a besoin de toutes nos énergies » . « Pour les salariés, cela peut apparaître comme une perte, il est plutôt apprécié, et plus accessible que d'autres » membres de la direction, relève cet analyste.

Cacophonie syndicale et tempête médiatique
Justement du côté des salariés, c'est un peu la cacophonie. La CFE-CGC Unsa a publié un communiqué mercredi soir assurant que « les personnels souhaitent conserver leur PDG », comme si elle parlait au nom de tous, ce que les autres organisations syndicales n'ont pas forcément apprécié. A contrario, Sud a pris ses distances avec « Richard, pris les pieds dans le Tapie », estimant que le motif de la mise en examen « est extrêmement grave et même si la justice devra trancher plus tard dans cette affaire éminemment politique, on voit mal comment une telle mise en examen est compatible avec la direction de l'entreprise. »

Le syndicat assure toutefois « ne pas se réjouir de la situation », reconnaissant que le PDG « a mis fin à la grave crise sociale créée par les multiples suicides de salarié-e-s » et concluant que « son éventuel remplacement poserait la question de l'avenir de la stratégie industrielle comme celle de la politique d'emploi dans l'entreprise. » Plus mesurée, la CFDT redoute une déstabilisation de l'entreprise et ne veut « pas en faire trop », rappelant l'importance de « deux principes fondamentaux de notre démocratie : l'indépendance de la justice et la présomption d'innocence. »

Malgré les apparences, Laurent Riche, délégué central de la CFDT chez Orange, « n'a pas ressenti de cassure entre cadres et non-cadres, il y a autant de soutiens chez les uns et les autres. Les salariés ont surtout besoin d'être rassurés. Nous avons changé trois fois de patron en cinq ans, Thierry Breton, Didier Lombard puis Stéphane Richard depuis à peine deux ans. » Cependant, un représentant syndical nuance « l'apaisement du climat social, ce n'est pas un homme, c'est toute une équipe, notamment le DRH Bruno Mettling. Et la fin du mandat de Richard, mai 2014, c'est demain... »