"Windows 10 est le pilier de la reconquête de Microsoft"

Par Sylvain Rolland  |   |  1341  mots
Marc Jalabert, le directeur de la division Grand Public de Microsoft France, détaille pour La Tribune la nouvelle stratégie du groupe pour concurrencer Apple et Google.
Marc Jalabert, le directeur de la division Grand Public de Microsoft France, revient pour La Tribune sur la stratégie du géant américain pour concurrencer Google et Apple.

Microsoft s'est-il enfin donné les moyens de concurrencer sérieusement Apple et Google ? Mercredi dernier, de manière totalement inattendue, la firme américaine a donné une leçon d'innovation à ses deux grands rivaux lors de la présentation, à New York, de ses nouveaux produits.

Il n'en faut pas plus pour que de nombreux analystes y voient le signe du grand retour de l'ancien numéro un mondial de la high tech, doublé dans les années 2000 par les nouveaux géants du net car il avait raté le virage de la mobilité.

Sous l'impulsion de son nouveau PDG, Satya Nadella, Microsoft a décidé de contre-attaquer et de concurrencer frontalement Apple et Google. Pour reconquérir le grand public, la firme mise sur Windows 10, qui se veut le coeur d'un écosystème applicatif fonctionnel sur tous les supports, du smartphone au PC, en passant par les nouveaux produits "hybrides".

Marc Jalabert, le directeur de la division Grand Public de Microsoft France, détaille pour La Tribune cette nouvelle stratégie. Entretien.

LA TRIBUNE. Pour la première fois depuis des années, Microsoft a créé l'événement lors de la présentation, mercredi, de ses nouveaux produits à New York. Certains analystes parlent de "renaissance". Avez-vous finalement trouvé la solution pour revenir sur Google et Apple, qui distancent aujourd'hui largement Microsoft sur le marché des smartphones et des tablettes ?

MARC JALABERT : Il est vrai qu'Apple et Google ont mieux négocié le virage de la mobilité dans les années 2000, mais cela ne veut pas dire que Microsoft est condamnée à rester derrière. Le succès de notre présentation à New York montre que les gens sont enthousiastes à l'idée de voir tout un écosystème de structurer autour de Windows 10.

Son lancement est d'ailleurs couronné de succès: 110 millions de mises à jour ont été installées en deux mois dans le monde. Windows 10 était le chaînon manquant, celui qui, aujourd'hui, permet de réaliser que notre stratégie était pertinente.

Sur quoi se fonde cette stratégie ?

Microsoft pense depuis longtemps que la réversibilité et la complémentarité entre les différents devices sont l'avenir de l'électronique grand public. Les gens recherchent la simplicité et l'uniformité. Ils veulent avoir le même écosystème sur leur ordinateur, leur tablette, leur smartphone et leur console de jeu. Windows 10 permet cela car c'est un système d'exploitation qui fonctionne de la même manière sur tous les supports.

Les utilisateurs veulent aussi des produits pratiques, et donc réversibles. Le PC doit pouvoir se transformer en tablette, les gens veulent pouvoir passer d'un écran à un autre et retrouver le même environnement avec tous leurs contenus. Ce qui compte désormais, c'est la mobilité de l'expérience et non plus les produits.

La gamme Surface, lancée par Microsoft il y a trois ans, incarne cette évolution des usages. Aujourd'hui, on amplifie ce mouvement avec Surface Book, qui se présente comme le PC convertible du futur, et Surface Pro 4, qui ont reçu un excellent accueil de la part des spécialistes.

Pourtant, Surface a été beaucoup critiqué lors de son lancement. Tim Cook, le PDG d'Apple, avait même raillé le principe des PC convertibles en déclarant : "Vous pouvez faire converger un grille-pain et un réfrigérateur, le résultat ne va probablement pas séduire les utilisateurs"...

Le marché des convertibles n'était peut-être pas assez mûr. Surface est très novateur, il a créé une toute nouvelle catégorie de produits. D'ailleurs, je remarque que ceux qui nous critiquaient à l'époque s'y sont mis et s'inspirent largement de ce que nous faisons.

Le système d'exploitation Windows 10 a-t-il vocation à concurrencer Android de Google et iOS et MacOS d'Apple ?

Oui. Nous allons même beaucoup plus loin qu'Apple, car Windows 10 offre aux développeurs la possibilité de créer une seule application qui va tourner sur tous les supports : PC, tablette, console de jeu, smartphone et même le futur casque de réalité augmentée HoloLens. Aucun autre acteur sur le marché n'offre cette capacité aujourd'hui.

C'est la raison pour laquelle la mise à jour vers Windows 10 est gratuite. Plus on aura d'applications qui fonctionnent sous Windows 10, plus Windows 10 sera plébiscité par les utilisateurs. A l'inverse, on a besoin d'avoir beaucoup de Windows 10 en circulation pour encourager le développement les applications. C'est le principe de la poule et de l'œuf si vous préférez...

On remarque déjà les effets de ce cercle vertueux. Un utilisateur de Windows 10 télécharge en moyenne six fois plus d'applications qu'un utilisateur de Windows 8. Cela vient aussi du nouveau menu "Démarrer", qui permet de réorganiser très rapidement ses applications et qui incite à visiter le Windows Store.

Comme l'OS d'Apple et Android, Windows 10 n'a d'intérêt qu'à partir du moment où il y a beaucoup d'applications. Grâce à la gratuité, les développeurs ont vu très rapidement émerger un marché important. Notre ambition est que les meilleures applications, celles qui trouveront le succès demain, soient d'abord développées pour Windows 10.

Vous partez de loin, notamment dans les smartphones. Actuellement, Windows Phone équipe seulement 2,6% des smartphones dans le monde, contre 82,8% pour Android de Google et 13,9% pour iOS d'Apple...

Il faut relativiser : en France, Windows Phone pèse 15% du marché. La faiblesse du Windows Phone en général vient du fait qu'il forçait les développeurs à créer une application spéciale. Nous avons retenu cette leçon. Désormais, nos smartphones fonctionnent sous Windows 10 et bénéficient du catalogue applicatif unique pour tous les produits sous Windows 10. Problème réglé.

Nos deux nouveaux modèles, les Nokia Lumia 950 et 950 XL, sont également convertibles grâce à la fonction Continuum de Windows 10, qui permet de transformer un smartphone en PC dès qu'on le connecte à un clavier, un écran et une souris. Concrètement, je peux donc avoir accès à mon écran de smartphone et à tous ses contenus sur n'importe quel autre écran, une télévision par exemple. Si je suis en voyage d'affaires, je peux travailler sur Word et Excel avec une souris, un clavier, en bénéficiant du confort d'un écran de télévision, tout cela à partir de mon téléphone.

Le smartphone a donc un avenir chez Microsoft ? La compagnie a annoncé la suppression d'environ 25.000 postes ces deux dernières années, notamment au sein de la division mobile et de Nokia.

L'acquisition de la division mobile de Nokia est une stratégie de long terme. Avec Windows 10, nos smartphones sont complètement intégrés dans l'écosystème Microsoft. Il y aura donc des ressources financières et industrielles sur le long terme pour le smartphone.

>> Lire : Microsoft fait le ménage et se sépare de Stephen Elop, ex-patron de Nokia

Microsoft a également annoncé la mise à disposition, pour l'an prochain, d'un kit de développement à 3.000 dollars à destination des développeurs pour votre casque de réalité augmentée HoloLens. A quoi pourra-t-il bien servir ?

Aux développeurs de nous le dire. HoloLens peut positionner dans le monde réel des éléments virtuels. Evidemment, la réalité augmentée va révolutionner le jeu vidéo, mais HoloLens pourrait trouver mille autres applications, que ce soit dans l'industrie, l'architecture, le design, l'ingénierie, l'éducation... Il ne faut pas oublier que Microsoft est aussi un éditeur de plateformes. HoloLens est une plateforme, c'est pourquoi le travail avec les éditeurs est fondamental pour développer de nouveaux usages. Bien sûr, HoloLens s'inscrit aussi dans l'écosystème Windows 10. La technologie fonctionne déjà, mais je pense que les premières applications pour le grand public seront disponibles dans quelques années...

>> Aller plus loin sur la stratégie entreprise de Microsoft : "Le cloud et l'Internet des objets sont l'avenir de Microsoft"

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>>> ENTRETIEN AVEC... Alain Bernard - Microsoft France 

Propos recueillis par Laurent Lequien