Désamorcer la bombe. Tel semblait être le mot d'ordre de Microsoft France, ce mercredi, lors d'une conférence de rentrée visant à faire le point sur la stratégie du groupe. Il faut dire que depuis la sortie de Windows 10, le 29 juillet dernier, conjugué à la mise en place d'une nouvelle politique liée à la collecte de données personnelles, les critiques ont fusées sur le respect de la vie privée du géant américain. Des recherches effectuées sur la Toile par l'usager, en passant par sa localisation ou ses e-mails... pour fonctionner, le système d'exploitation collecte un grand nombre d'informations personnelles auprès de ses utilisateurs.
Lors de la conférence de rentrée, Alain Crozier, le président de Microsoft France a d'abord fait le point sur l'adoption du nouveau bébé :
« Pour Windows 10, les chiffres parlent d'eux-mêmes. En un mois, on a eu 75 millions d'installations au niveau du grand public dans le monde. C'est dix fois plus rapide que pour Windows 8. Il en va de même du côté des entreprises, puisqu'on compte 1,5 million d'utilisateurs. »
La France - « avec 3 millions d'utilisateurs » précise Alain Crozier - ne fait pas exception. Sachant que le système d'exploitation dispose à ce jour d'une part de marché d'environ 10% dans l'Hexagone un mois après le lancement.
« C'est l'utilisateur qui décide »
Ceci étant dit, le président de Microsoft a passé la main à Marc Mossé, son directeur des affaires publiques et juridiques. Lequel s'est d'emblée mué en démineur. Ou plutôt en porte-drapeau de « l'innovation responsable ». « C'est pour ça que dans Windows 10, la question de la vie privée et de la protection des données personnelles est un élément qui est intégré dans le produit. C'est ce qu'on appelle la 'privacy by design' », a-t-il insisté. Avant de louer le travail de « transparence » effectué par le groupe sur sa politique en la matière. « Concernant les règles applicables [en matière d'utilisation des données personnelles, Ndlr], il y avait initialement 26 documents, explique Marc Mossé. Nous avons rassemblé ces informations dans un seul document plus facile et simple d'accès. » En d'autres termes, Microsoft se défend d'avoir pris quiconque en traître et affirme n'avoir rien caché à ses utilisateurs. Pour peu, évidemment, qu'ils prennent le temps de lire ces fameuses « règles »...
En outre, poursuit Marc Mossé, « les utilisateurs ont toujours le contrôle sur leurs données. A tout moment, ils décident de ce que l'on peut en faire ou pas ». Le directeur des affaires publiques et juridiques prend l'exemple du service Cortana, le nouvel assistant vocal intelligent de la firme :
« C'est un service personnalisé, mais l'utilisateur peut décider de l'activer ou pas. C'est son choix, c'est lui qui décide de le mettre en œuvre ou pas. »
Cet argument, déjà mis en avant par Microsoft, est toutefois critiqué par bon nombre d'observateurs. Car comme le constate la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) - dans une fiche pratique baptisée « Régler les paramètres vie privée de Windows 10 -, « l'installation du nouveau système d'exploitation de Microsoft propose par défaut une collecte de vos données personnelles ». En clair, en l'absence de réglage préalable, le géant américain engloutira toute l'activité de l'utilisateur.
Miser sur le cloud
Alors que beaucoup redoutent que le mastodonte de l'informatique utilise les données à des fins commerciales, Marc Mossé se veut rassurant :
« Il n'y a pas de données liées à vos contenus, liées à vos e-mails, à vos chats, à vos conversations qui soient utilisées à des fins de marketing publicitaire. »
Malgré ces propos, il est toutefois évident que l'utilisation des données est de plus en plus cruciale dans le modèle de Microsoft. La société est en pleine mue. Comme l'expliquait récemment à La Tribune Preston McAfee, corporate vice-president et économiste en chef de la branche Technologies et Recherche de Microsoft, la société « vit une période de transition ». Plus précisément, elle est en train « de passer d'une entreprise informatique à une société de cloud computing [informatique dématérialisée, Ndlr] ». Alors que sur ce créneau, Microsoft a réalisé 8 milliards de dollars de chiffre d'affaires l'an dernier, la société ambitionne d'atteindre les 20 milliards de dollars d'ici à trois ans.
Et qui dit cloud, dit utilisation de plus en plus importante de données émanant des utilisateurs. Ainsi, Microsoft doit trouver où mettre le curseur pour que ses innovations ne suscitent pas de levée de bouclier de ses propres clients. Lors de la conférence, Marc Mossé a ainsi évoqué ce « privacy paradox » (paradoxe de la confidentialité) auquel la société est confrontée :
« On parle souvent du paradoxe des gens qui veulent le maximum de bénéfices émanant des services personnalisés, tout en disposant d'un maximum de protection. »
Dans ce contexte, Microsoft devra donc inévitablement jouer l'équilibriste pour arriver à ses fins. Un impératif si la société veut retrouver sa place sur le podium mondial de la sphère high tech.
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