Dépendance : ce que veulent les Français, ce qu'ils refusent

Par Anne Eveno et Séverine Sollier  |   |  1169  mots
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Alors que Nicolas Sarkozy lance ce mardi le débat sur la réforme et le financement de la dépendance, trois Français sur quatre plébiscitent l'intervention de l'État pour prendre en charge la dépendance, selon le baromètre Banque Postale Prévoyance-« La Tribune ».

 

C'est un colloque sobrement intitulé « La dépendance, débat national. Poser les enjeux » qui se tient ce mardi au Conseil économique, social et environnemental. Et pourtant, après les synthèses de deux tables-rondes sur « les enjeux du vieillissement pour la société française » et sur « une prise en charge de qualité des personnes âgées dépendantes » réalisées par les ministres en charge du dossier Roselyne Bachelot et Marie-Anne Montchamp, le colloque sera clôturé par un invité-vedette, Nicolas Sarkozy. Le chef de l'État devrait rappeler l'enjeu de la réforme dont une partie verra le jour en 2011, et l'autre vraisemblablement après la présidentielle de 2012.

Une réforme que les Français vont suivre de près, tant le thème les concerne. Selon les résultats du baromètre Banque Postale Prévoyance - « La Tribune », 78 % Français âgés de 35 à 75 ans se déclarent concernés par la dépendance des personnes âgées, que ce soit pour eux-mêmes ou pour leurs proches (82 %). Et ce d'autant que près des deux tiers (62 %) sont ou ont déjà été confrontés à cette situation.

En cas de maintien à domicile (dont le coût mensuel moyen est de 1.570 euros, contre 2.160 euros dans l'hébergement spécialisé), les Français préfèrent très majoritairement être aidés psychologiquement et financièrement plutôt que de se voir proposer une aide « professionnelle » extérieure.

Pour autant, près d'un Français sur deux (46 %) se dit mal informé sur les solutions disponibles, particulièrement auprès des moins de 45 ans, alors qu'il s'agit de la tranche d'âge idéale pour se préparer à faire face à ce risque de la dépendance. En pratique, ils ne sont qu'un tiers à se préparer quand 18 % déclarent avoir souscrit un produit financier (12 % un contrat de prévoyance).

Au final, les Français plébiscitent toujours l'intervention de l'État - trois sur quatre sont favorables à une prise en charge de la dépendance, via les impôts et les taxes. Et demandent majoritairement (83 %) un développement des aides permettant le maintien ou l'hospitalisation à domicile. Ces revendications arrivent largement devant l'augmentation du nombre de places disponibles dans les maisons de retraite, la hausse du montant de l'allocation d'État ou le développement des avantages fiscaux pour la souscription d'un contrat d'assurance spécifique dépendance.

Maintien à domicile

Ces résultats corroborent les positions exprimées lors des consultations menées depuis le début de l'année par Roselyne Bachelot et Marie-Anne Montchamp, qui ont pu dégager un certain nombre de mesures consensuelles comme favoriser au maximum le maintien à domicile des personnes âgées ou bien partir de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour bâtir un système au lieu de créer une cinquième branche de la sécurité sociale. En installant la semaine dernière les travaux des groupes de travail sur la prise en charge de la dépendance qui se réunira jusqu'à l'été, Roselyne Bachelot avait certes rappelé que le volet financement n'était pas le seul enjeu de la réforme, il n'empêche : ce thème est de loin le plus clivant, entre ceux qui défendent la solidarité nationale et ceux qui souhaitent ouvrir la porte à l'assurance individuelle ou solliciter le patrimoine des Français.

Favorable ou non à une assurance dépendance obligatoire ?

Seulement 55 % des Français se disent défavorables à la mise en place d'une assurance dépendance obligatoire à partir de 50 ans. Le rejet n'est donc pas massif. Preuve que de cette idée initialement lancée par Jean- Pierre Menanteau, alors PDG d'Aviva France et reprise ensuite par la profession de l'assurance préférant évoquer une « assurance dépendance universelle », fait progressivement son chemin. Pour les assureurs cette solution permettrait de mutualiser les risques et les primes sur une base très large, ce qui pourrait permettre d'en réduire le tarif. Le prix moyen des contrats dépendance collectif est d'ailleurs très inférieur au tarif individuel (environ 360 euros en moyenne par an). Faut-il voir un signe de maturité dans le fait que 42 % des Français se déclarent favorables à l'assurance obligatoire, et même 56 % chez les 65-75 ans ? Car à défaut d'y être obligés, les personnes interrogées ne sont que 12 % a avoir déjà souscrit un contrat de prévoyance ou d'assurance et seulement 3 % de celles qui n'ont pas souscrit affirment avoir l'intention d'en souscrire un prochainement et 11% « probablement ».

Pour ou contre le recours sur succession


C'est un flop ou presque. Dans la course aux idées pour financer les dépenses liées à la dépendance, celle selon laquelle l'État récupérerait une partie des aides consenties pour la prise en charge de la personne dépendante au moment du décès de cette dernière rencontre peu de suffrages. 66 % des personnes interrogées sont opposées à cette piste évoquée dans le rapport de la députée UMP Valérie Rosso-Debord. Conscients du caractère sensible de cette proposition, les sénateurs proposent une alternative de financement baptisée « le gage sur patrimoine » qui fonctionnerait sur le principe du forfait. Celui-ci, d'un montant de 20.000 euros, serait prélevé, au moment de leurs décès, sur le patrimoine des personnes souhaitant bénéficier à 100 % de l'allocation personnalisée d'autonomie. Ce gage ne serait applicable que sur la fraction du patrimoine dépassant un certain seuil que les sénateurs envisagent de fixer entre 120.000 et 150.000 euros. Selon la mission sénatoriale, cette mesure permettrait un gain budgétaire de 1,1 milliards en 2014. Évidemment, cette disposition devrait être intégrée dans la réflexion globale engagée sur la fiscalité du patrimoine.

L'aide aux aidants fait l'unanimité


L'aide aux aidants est plébiscitée par les Français, selon le baromètre. Qu'il s'agisse de la possiblité pour la personne aidante d'aménager son temps de travail (93 % d'avis favorables et même 97 % chez les 35-44 ans) ou de la possiblité pour l'aidant de bénéficier d'une formation (91 % de favorables). Quant à la possiblité pour la personne aidante de partager son expérience, elle est appréciée (à 86 %) mais jugée moins prioritaire. C'est sans doute dans ce domaine de « l'aide aux aidants » que l'attente des Français est la plus forte. Il faut dire que parmi les Français âgés de 35 à 75 ans interrogés, 28 % ont actuellement une personne âgée dépendante dans leur entourage ou à leur domicile. Et parmi eux, un sur deux est aidant sur le plan matériel (8 % au moins une fois par semaine, 3 % au quotidien) ou sur le plan financier (5 %). Si une majorité estime que les aspects psychologiques sont les plus dificiles à surmonter, les aspects d'organisation pratique arrivent juste après. Les services d'aide pour trouver des relais sont d'ailleurs considérés comme un critère essentiel pour 86 % des répondants dans le choix éventuel d'un contrat d'assurance dépendance.