Et si l'assurance-vie et le Livret A étaient taxés pour financer la dépendance ?

Par Isabelle Moreau et Stéphanie Tisserond  |   |  777  mots
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Ces deux produits phares d'épargne ne seront pas affectés par la réforme de la fiscalité du patrimoine. Mais ils pourraient l'être par le dossier du financement de la dépendance, autre grand projet de Nicolas Sarkozy avant la fin de son mandat actuel.

Ils totalisent des sommes colossales : assurance-vie et livrets réglementés, les produits d'épargne préférés des Français, sont bien tentants en ces temps de disette budgétaire. Certains aimeraient s'en servir pour mieux flécher l'épargne vers le financement des entreprises, en référence au souci de Nicolas Sarkozy de trouver des mécanismes pour favoriser l'investissement industriel à long terme. Mais selon nos informations, il n'est pas question aujourd'hui de les mettre à contribution dans le cadre de la réforme de la fiscalité du patrimoine. Pour une raison simple : il s'agit de les « réserver » pour le financement de la dépendance. Selon une source proche du dossier, l'idée est la suivante : puisque ces produits sont déjà souvent utilisés comme compléments de retraite, il est logique qu'ils contribuent au financement de la dépendance.

Retraite des baby-boomers

Comment ? Tout cela reste à préciser. Mais le Sénat devrait bientôt donner des pistes à ce sujet, avec la publication le 2 février du rapport de la mission commune d'information sur la dépendance et le 5e risque.

Offensives et lobbies

Fin novembre 2010, les livrets réglementés (Livret A, livret bleu, LEP, LDD, Livret jeune) totalisaient près de 260 milliards d'euros, tandis que l'assurance-vie avait collecté 1.100 milliards d'euros sur les fonds en euros et 206 milliards d'euros sur les supports en unités de compte (actions). L'essentiel de l'encours de l'assurance-vie (1,1 milliard d'euros), qui est investi dans les fonds les moins risqués, pourrait cependant bientôt chuter avec l'arrivée à la retraite des baby-boomers. Et le puissant lobby de l'assurance rappelle que le secteur a déjà été mis à contribution cet automne, via la loi de finances et la loi de financement de la Sécurité sociale.

Lors du débat sur le PLF 2011, le rapporteur général du Budget au Sénat Philippe Marini avait déposé des amendements d'appel visant notamment à alourdir la fiscalité sur les fonds d'assurance-vie en euros et à rendre imposables les intérêts des livrets d'épargne pour les sommes dépassant le plafond réglementaire.

Quel calendrier pour la réforme ?

C'est à Châtillon-sur-Indre dans le Berry que le chef de l'État se rend jeudi pour présenter ses voeux aux acteurs de santé, du soin et de la prise en charge de la dépendance. À l'issue de sa visite du service de gériatrie de l'hôpital, Nicolas Sarkozy reviendra sur la plan Alzheimer et la réforme de la dépendance, qui coûtera 30 milliards d'euros en 2030 (22 milliards d'euros sont déjà sur la table). Il sera notamment accompagnée de Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités et de Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux solidarités. Valérie Rosso-Debord, auteur en juin d'un rapport sur le sujet fera aussi le déplacement. Le chef de l'État devrait rappeler les grandes lignes du projet de réforme et préciser le calendrier. Difficile en effet pour Nicolas Sarkozy de préjuger des conclusions des quatre groupes de travail mis en place par les ministres, dont les réunions démarreront les 2 et 3 février et seront suivies, dans la foulée, par un grand colloque sur la dépendance, qu'il présidera.

Sujets sensibles

Le gouvernement attend également pour la fin juin les compte-rendus des réunions interdépartementales pour élaborer des mesures qui verront le jour en octobre dans le cadre des projets de loi de finances pour 2012. C'est dans le budget de la Sécurité sociale que devraient figurer les sujets jugés les plus sensibles par le chef de l'État, à savoir les services à domicile, qui se trouvent dans une situation financière délicate, et le « reste à charge » pour les personnes hébergées en établissement qui tourne autour de 2.000 euros par mois. Compte-tenu du calendrier et de l'importance des questions à trancher, notamment le financement, une réforme de fond a peu de chances de voir le jour à l'élection présidentielle.

Premières pistes

Parmi les pistes aujourd'hui, figure la création d'un « cinquième risque », combinant un financement public au titre de la solidarité et la mise en place d'une assurance individuelle ou d'une « cinquième branche » de la Sécurité sociale. Quel type de gouvernance faut-il privilégier : celle de la branche classique type assurance maladie ou celle la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), inscrite dans la loi de 2005 portée par Marie-Anne Montchamp, alors secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ? Faut-il augmenter la CSG ou créer le recours sur succession, sont d'autres questions qui sont là encore loin d'être tranchées.