Logement en France : l'accès à la propriété jugé risqué

Par latribune.fr avec Reuters  |   |  629  mots
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D'après le seizième rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre, l'actuelle politique du logement est jugée "inégalitaire". Selon ce document accéder à la propriété comporte des risques.

"Une France de propriétaires, oui, mais qui en a les moyens ?" Tel est en substance le message de la Fondation Abbé Pierre. Cette dernière dénonce dans son rapport annuel le caractère "inégalitaire" de l'actuelle politique du logement.

Dans un contexte de crise marqué par une montée de la précarité et la multiplication par deux des prix de l'immobilier en dix ans, inciter les Français à s'acheter un toit peut se révéler risqué, estime l'organisation.

"La politique du 'tout accession' apparaît des plus discutables car soumise aux mécanismes spéculatifs des marchés, inadaptée aux budgets des ménages modestes et peu compatible avec la réalité de l'accession à la propriété", peut-on lire dans le 16e rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre.

Exemple donné d'une "politique budgétaire et financière qui prolonge les inégalités": le nouveau prêt à taux zéro (PTZ+) proposé sans conditions de ressources, dont le gouvernement espère qu'il contribuera à faire passer le taux de propriétaires en France de 58% à 70%, la moyenne européenne.

"Permettre aux 20% de Français les plus riches d'accéder à ce prêt va coûter 480 millions d'euros à l'Etat", a déploré devant la presse Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation. "C'est un choix dogmatique qui touche à nos impôts".

Sont aussi mises en avant les questions de surendettement, de clivages sociaux et d'environnement, à l'heure où la flambée des prix pousse de nombreux nouveaux propriétaires à se loger loin des centres-villes.

La Fondation dénonce par ailleurs les mesures favorisant les expulsions contenues dans la Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite "Loppsi II", qui menace les plus modestes, parfois contraints de vivre dans des tentes, des caves ou des squats.

EXPULSIONS

"Cette loi vise tous ceux qui cherchent une solution pour pouvoir se mettre un toit sur la tête, c'est hallucinant. On ne règlera pas la crise du logement à coups d'expulsions", dénonce Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation.

Pour les héritiers de l'abbé Pierre, le logement, qui engloutit en moyenne plus d'un quart des revenus de chaque Français, doit être la priorité des candidats à l'élection présidentielle de 2012, qui se verront soumettre une charte préparée pour l'occasion. "On veut que les candidats et les partis politiques prennent le logement à la juste mesure des besoins des Français", dit Patrick Doutreligne.

"Il manque 900.000 logements en France, il manque des places d'hébergement, et face à ces difficultés on a l'impression qu'on laisse faire le marché", dit-il. "ll faut une intervention publique forte qui soit orientée principalement vers les plus modestes et les catégories moyennes, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui".

L'urgence est d'autant plus grande que le nombre de Français au seuil de la pauvreté s'accroît en même temps que les inégalités: 10% des ménages les plus riches possèdent 46% du patrimoine, alors que les 50% les plus modestes se partagent 7%.

L'édition 2011 du rapport sur le mal-logement en France est de couleur noire "pour symboliser l'état de faiblesse dans lequel trouvent tant de familles, victimes d'une insuffisance, voire d'une inertie politique de 30 ans", écrit le président de la Fondation Abbé Pierre, Raymond Etienne.

Au chapitre des propositions, l'organisation suggère de construire 500.000 nouveaux logements par an pour résorber le retard, la création d'une loi foncière et d'une loi de programmation sur cinq ans, une réforme de la fiscalité plus égalitaire et des mesures encourageant la mixité sociale.

Elle juge utile d'obliger les communes de plus de 3.500 habitants à construire 25% de logements sociaux, contre 20% aujourd'hui.