La Corse veut limiter le droit de devenir propriétaire aux résidents de plus de cinq ans

Par latribune.fr  |   |  575  mots
En Corse, quatre logements sur dix sont des résidences secondaires. (Photo : Reuters)
L'Assemblée régionale a voté vendredi un voeu réservant la propriété de logements et de terrains sur l'île aux résidents permanents depuis plus de cinq ans. Le caractère constitutionnel de la mesure fait débat.

"L'île de Beauté" se referme. Afin de contrer la flambée des prix et la spéculation foncière et immobilière qui affectent ses terres, l'Assemblée de Corse a adopté vendredi un voeu prévoyant l'obligation de justifier d'un statut de résident permanent d'au moins cinq ans pour devenir propriétaire d'un logement ou d'un terrain.

 

Le fléau des résidences secondaires

 

Quatre logements sur dix sont en effet en Corse des résidences secondaires, appartenant généralement à des continentaux ou à des étrangers qui les ouvrent seulement quelques mois par an. La majorité sont situées dans les zones littorales, mais de plus en plus souvent aussi à l'intérieur de l'île.

 

Nombre d'entre elles sont en outre louées au noir à des prix élevés échappant à tout contrôle. Cette activité économique parallèle, qui a explosé avec les locations par internet, met de plus en plus en difficulté les secteurs officiels du tourisme (principale activité économique de Corse) et de l'immobilier, sans que l'Etat ne s'en inquiète, se plaignent les professionnels concernés.

 

Des dispositions particulières pour les Corses de la "diaspora"

 

Mais l'adoption du statut de résident "casse toute velléité de spéculation", selon Paul Giacobbi, député PRG de Haute-Corse et président du conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Corse, qui avait présenté le projet.

 

"Il s'agit simplement de faire face à l'appropriation massive de foncier pour construire des résidences secondaires (...) qui crée au quotidien des dommages économiques, sociaux et même politiques", a-t-il insisté.

 

La mesure profiterait aux 310.000 personnes, en majorité d'origine non corse, qui vivent dans l'île, où s'installent chaque année 4 à 5.000 nouveaux venus. Des dispositions particulières devraient toutefois aussi être prévues pour les Corses de l'extérieur.

 

Débat à gauche

 

Le voeu a été entériné grâce au vote favorable de 29 sur les 51 membres de l'Assemblée, dont la majorité est de gauche. La totalité des quinze élus nationalistes (qui au départ demandaient une période de dix ans de résidence) s'est prononcée pour, alors que la droite a essentielelment voté contre (9 voix sur 12 et 3 abstenus).

 

C'est à gauche que le le débat a surtout divisé. La plupart des élus de la gauche dite républicaine, notamment les radicaux et les communistes, ont notamment voté contre, craignant l'instauration d'un marché parallèle.

 

Une mesure anticonstitutionnelle ?

 

La légitimité de la mesure fait d'ailleurs débat.

 

Selon Paul Giacobbi, l'adoption du statut de résident n'est "en rien discriminatoire", puisque "toutes sortes de droits sont déjà liés en France à la résidence, qu'il s'agisse notamment de fiscalité ou de stationnement". De nombreux élus ont notamment souligné qu'un tel dispositif juridique existe déjà ailleurs dans le monde, notamment dans d'autres pays européens.

 

Mais pour Didier Maus, professeur de droit constitutionnel à l'Université Paul-Cézanne Aix-Marseille III, interviewé par Le Monde, la mesure est contraire à la Constitution, qui protège l'égalité des Français devant l'accès à la propriété. Le gouvernement s'était d'ailleurs déjà prononcé en ce sens en décembre 2013, par la voix de Marylise Lebranchu.

 

La conformité de la disposition au droit de l'Union européenne, qui protège la liberté du marché communautaire, peut également être mise en doute, observe le même juriste.

 

L'adoption du voeu sera soumise au vote de l'Assemblée nationale et du Sénat.