Les copropriétaires ne désarment pas face aux syndics

Par Charles Faugeron  |   |  746  mots
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Une association lance une pétition pour exiger que la réforme des syndics prévoit un compte séparé pour chaque immeuble. Retour sur un combat de longue haleine.

Mardi, les dirigeants de l'association des responsables de copropriété (Arc) ont une nouvelle fois exigé l'instauration de comptes bancaires séparés de celui du syndic. Une pétition a même été lancée sur Internet pour interpeller les pouvoirs publics (lecomptesepare.fr).

"Il est anormal que 12.000 syndics fassent la loi sur 8 millions de copropriétaires », s'emporte Bruno Dhont, directeur de l'Arc. Pourquoi un tel déchaînement sur un sujet aussi banal qu'un compte courant ? Explications. Par opposition au compte séparé, le compte unique regroupe la trésorerie de l'ensemble des copropriétés gérées par un syndic. Ce faisant, elle en opacifie la comptabilité. Difficile pour chaque propriétaire d'avoir le moindre aperçu sur l'argent qui entre et sort. En outre, le syndic étant titulaire du compte, c'est à lui que reviennent les intérêts d'éventuels produits financiers. Il aurait tort de ne pas placer la trésorerie pour la faire fructifier. Et a donc tout intérêt à accumuler le plus de chèques possibles, quitte à anticiper plus que nécessaire les appels de fonds (voir schéma). C'est là que le bât blesse : les copropriétaires, eux, n'ont aucun intérêt à se séparer trop tôt de leurs liquidités, surtout s'ils ne bénéficient pas des revenus qu'elles ont générés.

« Sans dérogation possible »

Avec, le compte séparé plus de tracas : la copropriété détient son propre compte courant et bénéficie des fruits de ses placements. Le syndic devant se contenter de gérer les sommes. On pensait le problème réglé avec la loi SRU du 13 décembre 2000, qui impose en effet le compte séparé... à moins que les copropriétaires n'y renoncent expressément. Malins, les syndicats n'ont pas tardé à trouver la parade. La plupart d'entre eux a invoqué le surcoût lié aux frais de gestion pour saler la note. A tel point que, dans les faits, plus de 80 % des copropriétés ont renoncé à ce droit. Dans la première mouture du projet de loi visant à réformer les syndics, initiée par le ministère de la Justice l'été dernier, était pourtant inscrite l'obligation du compte séparé « sans dérogation possible ». « Le gouvernement a cédé sous la pression des syndics, fulmine Bruno Dhont. Ils l'ont remplacée par des sous-comptes individualisés, un mirage de plus ! » Certes, ces sous-comptes ont le mérite de la transparence. Mais ils ne règlent pas pour autant le problème des intérêts, toujours logés chez le syndic. Le combat est donc loin d'être terminé.

Interview de Henry Buzy-Cazaux, président de l'École supérieure des professions immobilières

Le projet de loi sur la réforme des syndics ira-t-il à terme ?

Il est déjà à Matignon ! Les professionnels qui le croient enterré se méprennent lourdement. Les pouvoirs publics ont souvent été alertés par des enquêtes pointant des manquements parfois graves à leurs obligations. En outre, ils savent qu'ils ne jouissent pas d'une confiance indéfectible de l'opinion. Syndics, gestionnaires locatifs et agents immobiliers ont tout à gagner à être perçus comme honorables, alors que le logement est pour les Français un enjeu majeur.

Les commissions de déontologie chargées de sanctionner les manquements pourront-elles fonctionner ?

Donner force réglementaire à un code de déontologie est indispensable : les syndicats n'ont pas de compétence disciplinaire légale, et la moitié des professionnels n'adhérent pas à un syndicat ! En revanche, le gouvernement se trompe en ne permettant pas aux professions immobilières de s'auto-réguler par la création d'un ordre, comme je le suggère depuis quatre ans. Un ordre, loin d'être une solution périmée, correspond à une idée moderne, conforme à la logique de l'Europe, visant à déléguer aux professions le pouvoir de contrôle, sous la vigilance de l'Etat, à l'instar des médecins ou des avocats. Sans cela, l'Etat sera dépassé par l'ampleur de la tâche : 900.000 locations et 400.000 ventes sont réalisées chaque année et 12 millions de logements gérés, le tout par 35.000 professionnels. Si les trois syndicats immobiliers, la Fnaim, l'Unis et le SNPI favorisent la création d'un ordre et y participent, ils ne se disqualifieront pas, ce qu'ils craignent peut-être, et feront gagner aux professions qu'ils représentent leurs lettres de noblesse.

Propos recueillis par Sophie Sanchez