Île-de-France : l'immobilier de bureaux est-il en crise ?

Par Mathias Thépot  |   |  709  mots
Le marché de l'immobilier de bureaux en Île-de-France peut-il s'écrouler ?
En 2015, le marché de l'immobilier tertiaire en Île-de-France reste en situation de surproduction. Rien d'inquiétant cependant, si l'on en croit la fédération des promoteurs immobiliers...

Paradoxalement en Île-de-France, le marché de l'immobilier tertiaire neuf se porte moins bien que celui du résidentiel, dont les mises en chantier sont en hausse de près de 20 % sur les douze derniers mois. L'immobilier de bureau francilien se trouve, il faut dire, dans une situation compliquée. Par le passé, les acteurs de ce marché ont en effet trop produit, faisant par ailleurs de l'Île-de-France le premier parc de bureaux en Europe -environ 53 millions de m². Grâce notamment au soutien financier des investisseurs institutionnels, près de 10 millions de m² de bureaux supplémentaires ont été construits en Île-de-France sur la décennie 2003-2013.

Déséquilibre du marché

Il a découlé de cette période un « déséquilibre du marché des bureaux, conséquence d'une production de bureaux trop largement fondée sur le développement de sites tertiaires nouveaux et pas assez sur le renouvellement de l'existant », indiquait en 2014 une étude de l'institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Île-de-France. Désormais, environ 4,4 millions de m² de bureaux sont vides en Île-de-France. Et la situation ne devrait pas s'améliorer : autour la plupart des 72 gares du Grand Paris, plusieurs millions de mètres carrés de constructions de bureaux sont prévus. Et il y a fort à parier qu'ils ne trouveront pas tous preneurs.

Des chiffres préoccupants

Par ailleurs, concernant la situation actuelle, les chiffres publiés ce lundi par la fédération des promoteurs immobiliers (FPI) sur les constructions de bureaux neufs interrogent. A fin 2015, les promoteurs proposaient encore à la vente 452.000 m² en cours de construction, 600.000 m² de bureaux déjà achevés et 1,1 million de m² en projets ! un niveau d'invendus préoccupant.

De fait, les promoteurs sont donc contraints de moins construire qu'auparavant : 450.000 m² de bureaux ont été mis en chantier en Île-de-France en 2015, un niveau de 42 % inférieur à la moyenne des dix dernières années. Preuve que le marché se purge en partie.

Risque d'écroulement ?

Mais y a-t-il un risque d'écroulement ? Il n'y en tout cas pas d'inquiétude du côté des promoteurs immobiliers. « Malgré le niveau relativement faible des mises en construction, ces chiffres traduisent un secteur relativement sain et reflètent un comportement prudentiel par rapport à l'activité économique globale », tempère Christian Terrassoux, le président de la FPI Île-de-France. Il préfère pointer la nécessite de « répondre aux besoins de surfaces neuves des entreprises sans augmenter la vacance de bureaux », ce qui « implique de relier plus directement le marché des bureaux neufs à celui du renouvellement ».

Les investisseurs prennent le risque

Cette posture plutôt offensive des promoteurs tient aussi au fait qu'ils ne portent plus autant les risques des opérations qu'auparavant. Marqués profondément par l'écroulement du marché immobilier au début des années 1990, les promoteurs franciliens minimisent désormais leurs prises de risque. Les pertes potentielles reposeraient en fait davantage sur les investisseurs institutionnels qui financent les programmes, eux qui ont déserté le secteur de l'immobilier résidentiel au début des années 2000 pour se tourner vers l'immobilier de bureaux.

Un problème de riche ?

Or, que de grands investisseurs institutionnels subissent des pertes sur certaines opérations confinerait aux « problèmes de riches », estime Christian Terrassoux. Avec un patrimoine diversifié sur des marchés internationaux, les grands investisseurs institutionnels dilueraient en effet leurs pertes dans un océan de gains réalisés par ailleurs. Pas d'inquiétude donc...

Pourtant, une question se pose : pourquoi ces investisseurs institutionnels s'obstinent-ils à refuser d'investir dans le logement en France, malgré des avantages fiscaux accordés dans le logement intermédiaire, et alors même qu'ils continuent à investir, parfois à perte et certainement avec un grand risque, dans les bureaux ? Pour y répondre, Christian Terrassoux avance la faible « confiance » des ces investisseurs dans l'immobilier résidentiel, qui aurait été durement altérée par la loi Alur de l'ancienne ministre du Logement Cécile Duflot. Cette loi déséquilibrerait les rapports entre locataires et propriétaires, au détriment des derniers. Peut-être. Mais dans un environnement de taux au plus bas et face à un marché de bureaux en forte surcapacité, cet argument semble financièrement assez discutable.